Le premier geste de Barack Obama à l’égard de Cuba

Il s’agit du premier assouplissement significatif de la politique étasunienne à l’égard de
Obama a également élargi la liste d’articles humanitaires qu’il est possible d’envoyer à Cuba aux vêtements, produits hygiéniques et matériel de pêche. Par ailleurs, les entreprises de télécommunications étasuniennes seront autorisées à fournir leurs services aux habitants de l’île3.
L’annonce de
En effet, le Costa Rica et le Salvador, qui étaient les seuls pays latino-américains à ne pas avoir de liens diplomatiques avec Cuba, se sont rapprochés de l’île. Oscar Arias a annoncé le 18 mars 2009 le rétablissement des relations entre San José et
Le Salvador en a fait autant. L’une des premières décisions du nouveau président Mauricio Funes, qui prendra ses fonctions le 1er juin 2009, a été d’annoncer le rétablissement des relations diplomatiques avec Cuba, suspendues depuis 19596. San Salvador ne peut pas être la seule capitale « d’Amérique latine qui n’a[it] pas de relations diplomatiques avec Cuba », a souligné Funes7.
En mars 2009, le Congrès et le Sénat étasuniens avaient déjà temporairement suspendu les restrictions imposées par Bush pour une durée d’un an8. Obama les a définitivement éliminées le 12 mars 2009. Il s’agit sans nul doute d’un pas encourageant mais insuffisant.
Au sein du Congrès, les initiatives en faveur d’un allègement des sanctions économiques se sont multipliées. Un projet législatif, soutenu par plus de vingt congressistes démocrates et républicains, destiné à éliminer les obstacles pour la vente de produits agricoles et permettre les transactions financières directes avec Cuba, a été déposé le 26 mars 2009 par le représentant républicain Jerry Moran du Kansas. « Vues les difficultés qu’impose la situation économique actuelle à nos producteurs, il s’agit du moment opportun pour inciter les Etats-Unis à effectuer des changements dans sa politique commerciale à l’égard de Cuba », a souligné Moran. « Cuba est un important marché pour la production agricole étasunienne, ainsi que pour les produits manufacturés et distributeurs d’aliments », a-t-il ajouté9.
Le 3 avril 2009, sept importants membres du Congrès étasunien se sont rendus à
De son côté, le sénateur républicain Richard G. Lugar a exhorté l’administration Obama de nommer un envoyé spécial pour Cuba dans une lettre datée du 30 mars 2009, faisant référence à « une politique qui a non seulement échoué […] mais qui nuit également à nos intérêts politiques et de sécurité12 ».
Un groupe de douze militaires de haut rang à la retraite a lancé un appel à Obama le 13 avril 2009 afin qu’il soutienne et signe le projet de loi présenté par le congressiste démocrate Bill Delahunt, qui permettrait aux citoyens étasuniens de se rendre à Cuba, en reprenant les arguments du sénateur Lugar. « L’embargo a provoqué un mouvement diplomatique significatif contre la politique des Etats-Unis. En tant que militaires professionnels, nous comprenons que les intérêts des Etats-Unis sont mieux servis quant le pays est capable d’obtenir le soutien des autres nations envers notre cause », ont-ils déclaré. « Dans le monde entier, les leaders réclament un véritable changement politique basé sur les espoirs que vous avez suscité avec votre campagne. Cuba s’offre comme l’élément le plus accessible pour démontrer ce changement et ce serait de plus une manœuvre qui resterait profondément gravée dans la mémoire de nos partenaires et rivaux du monde », ont-ils conclu13.
Fidel Castro a réitéré la disposition de Cuba au dialogue : « Il n’est pas nécessaire de souligner ce que Cuba a toujours dit : nous ne craignons pas de dialoguer avec les Etats-Unis. Nous n’avons pas besoin de confrontation pour exister, comme pensent certains imbéciles ; nous existons précisément parce que nous croyons en nos idées et que nous n’avons jamais eu peur de dialoguer avec l’adversaire. Il s’agit de la seule façon d’obtenir l’amitié et la paix entre les peuples14 ».
Le leader révolutionnaire a également tenu à préserver le président étasunien : « Notre pays […] n’accuse pas Obama des atrocités commises par les autres gouvernements des Etats-Unis. Il ne questionne pas non plus sa sincérité et ses désirs de changer la politique et l’image des Etats-Unis. Il comprend qu’il a livré une bataille très difficile pour être élu, malgré les préjugés séculaires15 ».
Le président Raúl Castro en a fait de même en faisant part de sa « disposition à discuter de n’importe quel sujet, en ayant comme seules prémisses l’égalité souveraine des Etats, le respect absolu de l’indépendance nationale et le droit inaliénable de chaque peuple à l’autodétermination16 ».
La secrétaire d’Etat Hillary Clinton a déclaré que c’était désormais au tour de Cuba de faire un geste « réciproque ». El País, important quotidien espagnol, a immédiatement repris la position de Washington dans un éditorial : « En levant les restrictions sur les transferts d’argent et les voyages dans l’île, Obama a placé Cuba et les pays jusqu’alors les plus hostiles à l’égard des Etats-Unis dans la nécessité de répondre par un geste qui contribue également à la détente ». Rien ne saurait être plus éloigné de la vérité. En effet, le président étasunien n’a fait que réparer une infime partie des nombreuses injustices commises par ses prédécesseurs à l’égard du peuple cubain. Cuba ne s’est jamais immiscée dans les affaires internes des Etats-Unis, ne les a jamais agressés, n’a jamais envahi militairement le territoire étasunien, n’a jamais cherché à subvertir l’ordre établi ou renverser son gouvernement, n’a jamais imposé de sanctions économiques, n’a jamais mis en place des lois extraterritoriales, n’a jamais financé une opposition interne, n’a jamais commis d’attentats terroristes contre le peuple étasunien, n’a jamais protégé de terroristes sur leur territoire, n’a jamais fomenté l’émigration illégale, n’a jamais occupé par la force une partie de son territoire contre la volonté souveraine de leur peuple et n’a jamais diffusé de programmes subversifs en direction des Etats-Unis17.
Le maximum que puissent faire les Cubains est de prendre acte de la rectification effectuée par
1. Libérer immédiatement les cinq prisonniers politiques cubains injustement incarcérés depuis septembre 1998 pour avoir infiltré les groupuscules d’extrême droite de Floride impliqués dans des actes terroristes contre Cuba. Accusés de « conspiration en vue de commettre des actes d’espionnage », Gerardo Hernández Nordelo, Antonio Guerrero Rodríguez, Ramón Labañino Salazar, René González Sehweret et Fernando González Llort ont été condamnés à un total de quatre peines de prison à vie doublées de 77 ans lors d’une parodie de procès tenu à Miami. Trois militaires de haut rang, Eugene Carroll, contre-amiral de
2. Juger ou extrader vers le Venezuela, où il est recherché par la justice le terroriste international Luis Posada Carriles, responsable de plus d’une centaine d’homicides, pour les crimes qu’il a commis tout au long de sa trajectoire criminelle de près de 40 ans. Il est, entre autres, l’auteur intellectuel avec Orlando Bosch du sanglant attentat commis le 6 octobre 1976 contre l’avion commercial cubain 445 de Cubana de Aviación qui a coûté la vie à 73 personnes à
3. Abroger la loi d’Ajustement cubain votée par le Congrès le 1er novembre 1966. Unique au monde, elle a pour but de stimuler l’émigration illégale et le vol de cerveaux et de politiser la problématique migratoire dans la guerre idéologique contre
Si Obama adopte ces trois mesures, il gagnera en partie la confiance de
Washington n’a pas l’intention de lever immédiatement l’état de siège contre Cuba, qui empêche même l’île d’acquérir des appareils médicaux de première nécessité. Le vice-président Joseph Biden l’a confirmé le 28 mars 2009 lors de sa visite au Chili22. Il a néanmoins reconnu la nécessité d’un changement dans la politique étrangère des Etats-Unis à l’égard de
Pourtant, hormis huit congressistes, incapables d’accepter le cours de l’histoire et défendant les intérêts les plus rétrogrades, qui se prononcent en faveur du statu quo actuel – à savoir les représentants républicains Ileana Ros Lehtinen (Floride), Mario Díaz Balart (Floride), Lincoln Díaz Balart (Floride) et démocrates Kendrick Meek (Floride), Debbie Wasserman-Schultz (Floride), Albio Sire (New Jersey) ainsi que les sénateurs Bob Menéndez (démocrate / New Jersey) et Mel Martinez (républicain / Floride) –, l’immense majorité des acteurs de la société étasunienne, à commencer par l’opinion publique, est en faveur d’une normalisation des relations avec Cuba. Selon un sondage de la chaîne étasunienne CNN du 10 avril 2009, 71% des citoyens étasuniens sont en faveur d’un rétablissement des relations diplomatiques24. Un autre réalisé le 15 avril 2009 par l’organisation World Public Opinion montre que 70% sont favorables à la levée des interdictions pour les ressortissants étasuniens de voyager dans l’île25.
Une chose est sûre : Barack Obama, qui dispose d’une opportunité historique de mettre un terme à un demi-siècle de conflit insensé, ne peut conditionner la normalisation des relations avec Cuba à un changement de la structure politique, économique et sociale du pays, car les Cubains sont dans l’incapacité d’accepter toute atteinte à leur souveraineté ou de céder au langage de la force. Par ailleurs, Washington a normalisé ses relations avec
Notes
1 Jennifer Loven, « Obama Allowing Travel, Money Transfers to
2 Ibid.
3 John Dorschner & Monica Hatcher, « Liberan a los viajes a Cuba », El Nuevo Herald, 13 avril 2009.
4 Ibid.
5 Marianela Jiménez, « Costa Rica restablece relaciones con Cuba », The Associated Press, 18 mars 2009.
6 EFE, « Funes anuncia que en su futuro Gobierno restablecerá relaciones con Cuba », 18 mars 2009 ; Marianela Jiménez, « Costa Rica, El Salvador Promise Ties With Cuba », The Associated Press, 18 mars 2009.
7 El Nuevo Herald, « Costa Rica y El Salvador reanudan lazos con Cuba », 19 mars 2009.
8 Anne Flaherty, « Congress Vote to Ease Travel Restrictions », The Associated Press, 10 mars 2009 ; Lesley Clark & Frances Robles, « Senado suaviza controles sobre los viajes a Cuba », The Miami Herald, 11 mars 2009.
9 Wilfredo Cancio Isla, « Presentan legislación para facilitar las ventas agrícolas a Cuba », El Nuevo Herald, 27 mars 2009.
10 EFE, « Congresistas de EEUU se reúnen con funcionarios cubanos en
11 Andrea Rodriguez, « Fidel Castro recibe a congresistas de EEUU », The Associated Press, 7 avril 2009.
12 Wilfredo Cancio Isla, « Congresistas demócratas viajan a Cuba a abrir diálogo », El Nuevo Herald, 2 avril 2009.
13 Fidel Castro Ruz, « Militares con criterios acertados », Cuba Debate, 15 avril 2009.
14 Fidel Castro Ruz, « Con los pies sobre la tierra », Cuba Debate, 5 avril 2009.
15 Fidel Castro Ruz, « Del bloqueo no se dijo una palabra », Cuba Debate, 13 avril 2009.
16 Andrea Rodriguez, « Fidel Castro recibe a congresistas de EEUU », op. cit.
17 The Associated Press, «
18 Salim Lamrani, Cuba. Ce que les médias ne vous diront jamais (Paris : Editions Estrella, 2009).
19 Ibid.
20 Ibid.
21 EFE, « EEUU insta a Cuba a liberar presos políticos y mejorar en derechos humanos », 18 mars 2009.
22 EFE, « Biden rechaza que Estados Unidos vaya a levantar el bloqueo sobre Cuba », 28 mars 2009 ; Agence France Presse, « Biden : pas de levée de l’embargo contre Cuba, mais une politique différente », 29 mars 2009.
23 Agence France Presse, « EEUU espera compromiso de Cuba en derechos humanos », 31 mars 2009.
24 CNN, « Poll : Three-quarters favor relations with
25 Agence France Presse, « Mayoría de estadounidenses quiere viajar libremente a Cuba, según sondeo », 15 avril 2009.
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