Le Premier ministre indien en France : un accord nucléaire irresponsable
En visite en France les 29 et 30 septembre, le Premier ministre indien Manmohan Singh pourrait signer à Paris des contrats commerciaux qui permettront à Areva de vendre à l’Inde plusieurs réacteurs nucléaires de type EPR. Contrairement aux apparences, il ne s’agit pas d’un "succès commercial", qui serait obtenu grâce aux mérites supposés du réacteur EPR : ce dernier est en réalité déjà dépassé et pose de graves problèmes sur les deux seuls chantiers en cours, en Finlande et à Flamanville (Manche).
Le 6 septembre 2008, le Groupe des fournisseurs nucléaires (ou Nuclear Suppliers Group, soit NSG), qui rassemble les 45 pays fournisseurs d’équipements nucléaires, a validé un ensemble de dérogations permettant l’entrée en vigueur d’un accord nucléaire, dit "Accord 123", signé en 2005 par l’Inde et les USA. Il s’agit d’un évènement d’une gravité extrême car l’Accord 123 prévoit la vente à l’Inde de technologies et de matières nucléaires alors que, comme tout pays non signataire du Traité de non-prolifération (TNP), l’Inde est théoriquement exclue de telles transactions.
L’accord en question prévoit de façon incroyable que l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) inspectera en Inde… seulement les installations nucléaires qui ne servent pas à l’élaboration d’armes atomiques. C’est exactement comme si des gendarmes s’engageaient, auprès de voleurs, à ne pas patrouiller pendant les heures prévues pour réaliser des cambriolages.
D’ailleurs, le 1er août, devançant le NSG, l’AIEA a elle-même accordé aux USA et à l’Inde les dérogations indispensables à l’entrée en vigueur de l’Accord 123. En agissant ainsi, l’AIEA a ouvertement bafoué ses propres missions. Si elle était conséquente, la Fondation Nobel retirerait de toute urgence le Prix Nobel de la Paix attribué en 2005 à l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) et à son Directeur général Mohamed El Baradei "pour leurs efforts visant à empêcher que l’énergie nucléaire ne soit utilisée à des fins militaires".
La France a joué, aux côtés des USA, un rôle prépondérant pour que le NSG finisse par accepter l’inacceptable. Lors d’une première session du NSG les 21 et 22 août, l’Irlande, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, l’Autriche et la Suisse ont courageusement résisté. Mais les administrations Bush et Sarkozy ont reconvoqué tout monde début septembre… et arraché les ralliements un à un. Il n’est pas interdit de penser que des menaces de sanctions commerciales ou autres ont été brandies à l’encontre des 6 "gêneurs".
Dans un grand article publié par le quotidien suisse Le Temps, Bruno Pellaud, ancien directeur-général adjoint de l’AIEA explique que la réunion du NSG "s’est achevée dans une atmosphère glaciale, sans les applaudissements qui ponctuent habituellement les négociations réussies, avec à l’écart un ambassadeur exaspéré déclarant impassiblement à qui voulait l’entendre : « Ci-gît le TNP, qu’il repose en paix. »".
En bafouant les règles de non prolifération, les USA, la France, l’AIEA et le NSG mettent en danger l’avenir de la planète. C’est d’autant plus choquant que c’est sous prétexte de lutte contre la prolifération nucléaire que MM Bush et Sarkozy dénoncent le programme nucléaire iranien. Comment justifier que soit accordé aux uns ce qui est refusé aux autres ?
Stéphane Lhomme
Porte-parole du Réseau "Sortir du nucléaire"
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