Le printemps arabe n’est plus ce qu’il était
Dans l'histoire contemporaine la voie démocratique n'a jamais été un long fleuve tranquille, après les révolutions. Le printemps arabe n'échappe pas à une effervescence cahotique

Le 14 janvier 2011 le président tunisien Ben Ali, qui était au pouvoir depuis 1987, s'enfuit de son pays sous la pression des émeutiers.
Le 11 février 2011 le président égyptien Moubarak, qui était au pouvoir depuis 1981, démissionne sous la pression de la célèbre place Tahrir.
Depuis mars 2011 la Syrie est en pleine confrontation fratricide, faisant des milliers de morts.
Le 20 octobre 2011 le colonel libyen Kadhafi est tué, alors que son pays venait de vivre une guerre avec une intervention franco-anglaise( avec l'aval de l'ONU) pour éviter le bain de sang promis à l'opposition au régime.
Des économies haletantes
En ce début d'été 2012, la Tunisie a vu ses réserves en devises baisser de 20% ; sa production de phosphate, qui emploie près de 6000 salariés, est quasiment à l'arrêt ; le tourisme est en chute , la hausse des prix, les grèves ponctuent le temps.
De la même manière les économies égyptienne et libyenne sont exsangues et les populations qui ont besoin de croissance, d'emploi, de sécurité s'impatientent. Les investisseurs extérieurs et intérieurs sont dans l'expectative.Les agences de notation dégradent, à la manière de Standard and Poor's, les notes d'économies qui avaient réussi à intégrer le marché mondial. Les populations des pays arabes se rendent bien compte que l'appel à la charité, prônée par le Coran ne suffit pas à lutter contre la pauvreté.
Au plan politique
Une multitude de partis se sont créés, se faisant concurrence avec l'espoir de s'implanter durablement.
En Tunisie
Le président Moncef Marzouki vient de limoger le directeur de la banque centrale pour riposter au chef du gouvernement Hamadi Jabali, islamiste qui a cru bon d'extrader le dernier premier ministre de Mouamar Kadhafi.
Le président de l'Assemblée constituante d'obédience social-démocrate se fait entendre.
Une motion de censure contre le gouvernement tunisien, dominé par le parti Ennadha, est prévue.
Face au parti Ennadha , le PDP parti démocratique progressiste, le parti républicain et Ettakatol forum démocratique pour le travail et les libertés.
Le parti islamiste Ennadha réprouve les actions salafistes contre la chaîne de télévision privée Nesmaa, contre le palais d'Al Ibdelliya à la Marsa où 10 toiles jugées profanatrices, ont été détruites. Mais Ennadha critique aussi ceux qui vont trop loin dans les actions choquantes.
En Egypte
Mohamed Morsi vient d'être élu président, islamiste avec des idées libérales qui le rendent peu populaire. Seul un égyptien sur 4 a voté pour lui. Une forte abstention de citoyens désabusés, lassés par les troubles.
Morsi , appuyé par les frères musulmans dont il se méfie cependant, a fait largement appel à l'Islam pour contrer les salafistes radicaux. Mais il promet comme vice-présidents un copte et une femme.
Face à lui au deuxième tour de la présidentielle, Ahmed Chafik était soutenu par l'armée. Il ne faut jamais oublier le rôle essentiel du CSFA, le conseil suprême des forces armées.
Les frères musulmans aux élections législatives avaient obtenu près de la moitié des sièges et les salafistes près d'un quart.
La gauche nassérienne qui fait référence au socialisme arabe, au Raïs Nasser qui en 1954 s'était allié aux frères musulmans(créés en 1928) , rejetés par la suite, complète le tableau des politiques qui comptent.
Des djihadistes très radicaux se sont implantés dans plusieurs régions du pays.
Des petits partis ont vu le jour," le mouvement du 6 avril", "nous sommes tous des Khaled Saïd"( martyr de la révolution).
En Libye
Les élections à l'Assemblée Constituante ont été reportées au 7 juillet et les inscriptions sur les listes électorales ont été un véritable succès.
Le CNT conseil national de transition a réussi à fédérer les milices armées autour de lui et même à intégrer les ex soldats soutiens du colonel Kadhafi.
Le gouvernement Fillon avait insisté, par la voix du ministre des Affaires Etrangères Alain Juppé, sur les grands principes démocratiques à respecter et à faire vivre, et le CNT sait que sa réussite internationale passe par là.
La Cyrénaïque ( zone pétrolière essentielle à l'économie) prône actuellement un état fédéral ce qui pose problème.
En Syrie
L'ONU reconnaît depuis peu que la Syrie est en guerre civile, avec plus de 40% du territoire tenus par les opposants.
Les manifestations ne cessent pas depuis mars 2011 contre le régime de Bachar El Assad.
L'armée syrienne libre ( ASL) qui regroupe les rebelles et qui a déjà enrôlé une composante djihadiste, est en conflit avec les unités d'élite du régime, près de la frontière turque notamment.
Le président Assad et la communauté alaouite au pouvoir depuis 1970 avec le parti Baas, essaie de regrouper autour de lui les chrétiens, les druzes, les Kurdes contre les sunnites.
Les frères musulmans syriens qui existent dans le pays depuis 1946, prônent la liberté de croyance et un état non religieux, et représentent un quart des sièges du CNS conseil national syrien. Mais ils n'ont joué aucun rôle dans le déclenchement des hostilités.
Le" mouvement pour la justice et le développement" et le" mouvement national syrien" ont vu le jour.
La Chine et la Russie soutiennent le régime en place , cet entêtement pouvant entraîner les risques d'extrêmisme islamiste pointés par les chancelleries occidentales. L'agence officielle de presse Sana ne passe pas un seul jour sans rappeler le soutien russe et chinois.
Ainsi depuis janvier 2011 les" printemps" se sont développés dans des pays arabes à l'Islam officiel, à partir de manifestations de rue impulsés par des mouvements civiques contre des régimes jugés dictatoriaux et corrompus ; les islamistes ont rejoint ces manifestants après coup avec des organisations anciennes bien structurées et dans l'opposition depuis de nombreuses années.
Les mouvements islamistes sont actuellement très divers, pour certains réformistes( d'accord pour s'allier avec les partis laïques) , pour d'autres djihadistes.
De deux choses l'une : ou bien les forces démocratiques, laîques, libérales minoritaires s'organisent, se regroupent, trouvent un leader, passent des alliances avec les islamistes modérés, pour imposer un projet politique et économique cohérent avec une constitution forte pour rétablir la situation , un peu à la manière d'un de Gaulle à la fin de la quatrième république déliquescente ; malgré l'abstention, les peuples arabes ont pris goût au vote ; ou bien c'est l'islamisme radical qui ramassera la mise face aux déceptions et aux rancoeurs.
En Egypte la charia existe depuis longtemps dans la constitution, mais tout dépend de son application par de nouveaux dirigeants.
L'espace méditerranéen souhaité par le président Sarkozy, dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée( pour la recherche, l'innovation), le fonctionnement d'institutions euro-méditerranéennes prenant en charge les enjeux globaux de la zone, les rapports entre l'Euro et l'unification monétaire maghrébine, ne peuvent prendre du sens qu'avec des régimes démocratiques voulus par des peuples ayant intégré la mondialisation.
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