Le programme spatial iranien : un grand pas pour Ahmadinejad
Le 17 août 2008 fut un jour décisif pour l’Iran qui testait sa première fusée de fabrication locale. Même si finalement le lancement paraît avoir échoué, force est d’observer que la technologie développée en moins de trois ans par Téhéran peut s’avérer redoutablement efficace. Retour sur un programme spatial très secret.
La fusée "Safir" lancée par Téhéran, il y a quelques jours, faisait partie du programme de développement de lanceurs iraniens baptisé IRIS.
Le projet IRIS a vu le jour peu après le développement par l’Iran de missiles de longue portée supérieure à 500 km. Il s’agissait d’améliorer cette technologie afin de créer un lanceur spatial iranien.
Le projet a connu un réel tournant à partir des années 2000, avec le développement du missile intercontinental Shahab-3, dont la portée atteint 2 000 km.
On peut fixer le début de cette histoire le 27 juin 1998 où un accord signé entre Téhéran, Moscou et Pékin prévoyait une coopération pour le lancement avant 2001 du satellite "Mesbah" de télécommunications iranien.
Dans le même temps, un projet de satellite international d’imagerie, dirigé par la Chine et l’Iran, intitulé SMMS (pour Small Multi-Mission Satellite) et en coopération avec la Corée du Sud, la Mongolie, le Pakistan, la Thaïlande et le Bengladesh, sous la tutelle de l’Organisation Asie-Pacifique devait avoir lieu le 4 mars 2000, mais fut finalement lancé en 2004. Il s’agissait d’un satellite en orbite polaire (650 km) de 470 kg, doté d’optiques de résolution 20 m/s.
En 1999, un projet attribué à une coopération de l’Iran avec la France, l’Inde, la Chine et la Russie apportèrent un essor nouveau au programme spatial iranien en permettant un accès à des technologies avancées aux ingénieurs et techniciens iraniens.
Le satellite Zahreh fut donc mis en orbite géostationnaire. Il se trouve actuellement à 34°/47° de l’Equateur.
Le 16 juillet 1999, le Washington Times révéla une information selon laquelle Téhéran travaillerait sur un lanceur de satellites, le "Kosar", en probable coopération avec la Corée du Nord. En effet, les détails apportés par l’enquête du Washington Times appuyaient la thèse selon laquelle le "Kosar" est une fusée basée sur une fusion des technologies de missiles longue portée du Shahab-3 Iranien et du Taep’o dong-2 nord-Coréen, avec également un apport de technologie de la part de la Russie.
L’article soulignait en effet que le "Kosar" était équipé du réacteur à propulsion liquide modèle RD-216 dont le brevet est détenu par une société russe, Energomash. Le RD-216 utilisé sur le Skean/SS-5/R-14, IRBM, Saddler/SS-7/R-16, ICBM et les missiles Sasin/R-26 ICBM pendant la guerre froide modifièrent considérablement la technologie Shahab iranienne. Selon les services secrets israéliens, le "Kosar" n’est que la 6e version du redoutable missile "Shahab" iranien.
Space News dévoilait le18 août 1999 que l’Iran s’apprêtait à lancer trois nouveaux satellites entre 2002 et 2003 : deux Comsat’s Zahreh, un satellite SMMS et un Mesbah.
Ces informations ainsi que les interventions russes et chinoises furent plus tard confirmées par de nombreuses enquêtes et par des discours télévisés en Iran comme dans les pays concernés.
En 2001, le responsable du projet Shahab, Ali Mahmudi Mimand, également père du projet spatial iranien, décède. Le programme IRIS prend un peu de retard.
Mais, parallèlement aux progrès réalisés sur le plan de la fabrication d’un éventuel lanceur, l’Iran a travaillé à envoyer de multiples satellites dans l’espace, notamment le 25 octobre 2005, avec la mise en orbite par les Russes du satellite iranien Sirah, puis le 4 février 2008, la mise en orbite basse par la "fusée" iranienne Kavoshgar-1 du satellite Omid ("espoir" en persan).
Finalement, moins de six mois après "Omid", le lancement de la fusée Safir, qu’il ait abouti ou pas (on parle d’un problème sur la rampe de lancement dont la technologie ne serait pas encore très au point), suivi de l’annonce par le président Ahmadinejad de deux autres lancements prochains, ne signifie qu’une chose : l’Iran est entré ou est en passe d’entrer dans le club très fermé des pays capables d’envoyer des satellites dans l’espace.
Le gouvernement iranien entend ainsi placer son pays aux côtés des Etats-Unis, de la Russie, de la Chine, de l’Union européenne et depuis peu l’Inde.
Ceci atteste de la suprématie technologique en matière de balistique dont dispose l’Iran par rapport aux autres pays dits "en voie de développement", mais surtout de la rapidité avec laquelle ce pays est capable de se développer.
Il a fallu trente ans au Brésil pour parler de lanceurs et ses fusées ne sont pas encore prêtes et ne seront sans doute jamais 100 % brésiliens.
Pris de court, divers pays ont réagi au lancement de Safir, chacun à leur manière : les Etats-Unis en déniant avoir observé de lancement, Israël en criant au loup (Safir ne montre-t-il pas à quel point les missiles iraniens sont au point ?), la Russie et la Chine en saluant Téhéran pour cette prouesse tout en mettant l’Iran en garde contre une éventuelle concurrence future.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
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