Le projet « Nabucco » sous une double menace
Le projet de gazoduc
« Nabucco » – soutenu par l’Union Européenne pour contourner la Russie
et gagner ainsi une plus grande indépendance énergétique – est en
concurrence directe avec le projet « South Stream », construit par le
mastodonte russe Gazprom, et qui a lui pour objectif le contournement de
l’Ukraine, pays qui pose plusieurs problèmes à l’administration du
président Medvedev. Les enjeux sont clairement d’ordre géopolitique car
chaque décision a un impact majeur pour de nombreux pays, que ce soit en
matière de coûts, de revenus, d’environnement, ou plus généralement en
termes de puissance économique, politique et stratégique. Il s’agit ni
plus ni moins d’assurer l’approvisionnement en énergie, et sur le long
terme, des différents pays européens.
Gerhard Schröder en transfuge infidèle ?
On est en droit de s’interroger sur le rôle de l’ancien chancelier allemand dans cette guerre du gaz, puisque celui-ci est clairement passé du côté russe depuis qu’il a rejoint en 2006 le consortium North-European Gas Pipeline, en charge du projet Nord Stream, fortement lié à Gazprom. Les doutes alors émis par plusieurs observateurs au sujet de possibles conflits d’intérêts reviennent aujourd’hui alimenter les débats. En effet, Gazprom vient tout juste de faire une offre à l’Allemand RWE pour que ce dernier, déjà engagé dans Nabucco, prenne des parts dans le projet concurrent South Stream. Or, une explosion du système de partenariat qui sert de base financière à Nabucco constituerait sans aucun doute une mise en péril du projet Européen. C’est pourquoi la presse allemande se montre très critique et polémique sur ce sujet, en pointant notamment du doigt la relation d’amitié qu’entretiendrait Jürgen Großmann, patron de RWE, avec l’ex-chancelier allemand agissant comme agent lobbyiste à la solde du géant russe. C’est du moins ce que les apparences laissent supposer.
Les gaz schisteux comme deuxième menace d’ordre technologique ?
Une autre menace pour le projet Nabucco vient des gaz schisteux et du potentiel énorme qu’ils représentent en tant que nouvelles sources d’énergie. Leur extraction est depuis quelques années devenue possible, grâce à des innovations que l’on peut qualifier de « rupture », puisqu’elles permettent – par fracturation hydraulique – la récupération du gaz prisonnier des roches schisteuses : c’est la technique du « fracking ». En quoi cela menace-t-il le gazoduc Nabucco ? A l’heure où ce projet subit déjà les pressions importantes évoquées au paragraphe précédent, l’extraction à grande échelle de gaz schisteux pourraient bouleverser les équilibres géopolitiques. En effet, l’Europe pourrait – grâce à ces techniques – commencer à exploiter ses propres sols. Cette alternative crédible au projet Nabucco rendrait bien évidemment la viabilité économique de ce dernier encore plus fragile. La rupture serait donc bien réelle, et pourrait se traduire par un changement dans la cartographie des dépendances énergétiques
Extraction du pétrole et du gaz : l’enjeu pour les grandes puissances
S’il est intéressant de noter que les Etats-Unis ont pris une avance considérable dans les technologies du fracking, il est dans le même temps assez surprenant de s’apercevoir qu’ils n’ont pas su être aussi efficaces dans le domaine du pétrole, où ce sont clairement les acteurs Européens qui dominent le marché. Ces derniers ont en effet été les plus rapides, les plus visionnaires et les plus agressifs dans le développement de techniques de pompage en eaux profondes et très profondes. On suivra donc avec intérêt l’évolution des rapports de forces qui prennent forme à l’échelle mondiale sur ces problématiques technologiques. Et pour conclure, on peut faire un bref rapprochement avec « l’affaire BP » et la crise qui secoue la société britannique en Louisiane : il ne fait effectivement pas l’ombre d’un doute que les milliards de dollars engagés dans la lutte contre la pollution vont affaiblir la multinationale au point d’en faire une proie idéale au rachat. L’image de BP devenue catastrophique pourra ainsi être effacée d’un coup de baguette magique, tandis que les « majors pétrolières » prédatrices pourront acquérir à bon prix toute l’expertise développée à l’heure actuelle dans le domaine de la gestion des risques et des plans de sauvetage en eaux profondes...
12 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON