Le règne de Poutine touche-t-il à sa fin ?
Depuis le début de l’affaire du groupe russe Wagner, je me suis retenu de griffonner à la hâte mon analyse de la situation, de ses voies et de ses résultats. Au fond de moi, j’ai la certitude que le côté « secret » de ces événements dépasse ce qui est visible pour le public. Ce que nous voyons et lisons en termes de déclarations et de positions n’est peut-être que la partie émergée de l’iceberg. Cependant, maintenant que la poussière est retombée et que la frénésie médiatique s’est calmée, nous pouvons tirer quelques conclusions de ce qui s’est passé.
Tout d’abord, je ne suis pas de ceux qui concluent d’emblée que le pouvoir du président russe Vladimir Poutine est sur le point de s’effondrer ou que l’homme est sorti affaibli de cette crise, les ailes coupées. La vérité sur ce qui s’est passé reste cachée à tous, à l’exception de ceux qui font partie du cercle restreint du Kremlin. C’est pourquoi les opinions varient entre un « coup d’État raté » et un « coup d’État soigneusement orchestré ».
Un troisième groupe croit à un complot occidental, voire à un pacte secret entre la Russie et l’Occident, utilisant la rébellion comme un écran de fumée pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Par ailleurs, je n’adhère pas aux analyses rapides qui décrivent la Russie comme un pays dont les systèmes de gouvernement se sont effondrés sous la pression des factions rebelles. Certains ont même établi un parallèle entre Poutine et Kadhafi, suggérant qu’il craignait de subir le même sort.
Il est vrai que je ne chante pas exactement les louanges de la force du régime du président Poutine. Mais, d’un autre côté, je ne peux pas concevoir l’idée que son règne s’écroule comme un château de cartes juste à cause d’une milice d’environ 25 000 membres.
Certes, on parle des distances étonnantes parcourues par cette force, sans résistance ni confrontation, dans sa marche vers Moscou. Mais de nombreuses questions restent sans réponse. Il y a beaucoup d’incertitudes, d’énigmes et de zones d’ombre qui, j’en suis presque sûr, ne seront pas expliquées de sitôt.
Au milieu de tout cela, une chose est claire comme de l’eau de roche : la Russie n’est ni une république bananière, ni un État faible. Du moins en ce qui concerne la sécurité.
Il est difficile de dire à voix haute ce qui s’est exactement passé dans les coulisses de cette affaire. Qu’il s’agisse de préserver le prestige de l’État russe ou d’étouffer toute violation sournoise ou tout acte de « trahison » qui aurait pu avoir lieu au sein de l’appareil de sécurité, une chose est sûre : les choses sont gardées secrètes.
Dans les deux cas, le fait de mettre les choses sous le tapis semble être un réflexe naturel. N’oublions pas que le président Poutine lui-même, dans son discours télévisé après l’écrasement de la rébellion, l’a qualifiée d’« aventure criminelle », d’« offense grave », de « trahison », de « terrorisme et d’extorsion ». Mais, d’un autre côté, nous devons tenir compte du fait que le cerveau présumé de tous ces « crimes » a réussi à s’enfuir sans encombre au Belarus. Et ne parlons même pas de l’abandon des poursuites contre le chef du groupe Wagner, ses associés et ses soldats.
Il en résulte une série d’autres questions sans réponse qui, au moins dans un avenir prévisible, restent enveloppées de mystère : Y a-t-il eu un accord qui a mis fin à la rébellion ? Cet accord présumé a-t-il un lien avec un changement potentiel de la structure du pouvoir en Russie ? En outre, pourrait-il être lié à la fin imminente du règne du président Poutine (étant donné que les prochaines élections présidentielles russes sont prévues pour mars 2024) ? Existe-t-il une sorte d’arrangement pour une sortie gracieuse du président, garantissant qu’il sortira par les plus grandes portes du Kremlin, évitant ainsi d’entraîner la nation dans un conflit interne dans le cadre de la guerre en cours en Ukraine ?
En vérité, en tant qu’observateur, je ne peux pas affirmer que le président Poutine est sorti affaibli de cette crise, contrairement à ce qu’affirme l’ancien président américain Donald Trump. Et je n’ai pas le sentiment que la fin du règne du président Poutine est proche. Cela ne s’explique pas par une confiance inébranlable dans la solidité de son régime, car les preuves visibles ne donnent pas une image claire d’une telle force d’âme. Toutefois, l’absence de scénario concret peut être attribuée principalement au manque d’informations et à l’absence de comptes rendus détaillés qui pourraient permettre une évaluation stratégique basée sur des preuves factuelles et plus proche d’un raisonnement sain, s’éloignant des simples analyses et des vœux pieux.
La situation est claire comme de l’eau de roche pour tout le monde : Le président Poutine pourrait paraître « faible » aux yeux de l’élite, des Russes ordinaires et de la communauté internationale, à moins que le Kremlin ne présente des justifications rationnelles et convaincantes qui réfutent la notion dominante de faiblesse sur la scène russe - lorsque Poutine a parlé d’une « menace mortelle pour notre État » - et prouvent que l’affaire en question n’a aucune incidence sur son contrôle ou sur sa capacité à réprimer la rébellion sans faire de concessions substantielles. Dans une certaine mesure, tout cela dépend du sort du chef de la rébellion, Evgueni Prigojine, et de ses intentions de rester en Biélorussie.
La vérité toute simple, à mon avis, est que l’assurance d’un nouveau mandat pour le président Poutine n’est plus une affaire réglée, comme c’était le cas il y a environ un an. Le catalyseur de ce changement n’est pas la mutinerie du groupe Wagner, mais plutôt le schisme silencieux qui a émergé au sein de l’élite russe en raison de la guerre en Ukraine, qu’il s’agisse de la décision fondamentale de lancer l’opération militaire ou de la poursuivre.
En outre, nous ne pouvons pas ignorer les vulnérabilités et les pertes substantielles, tant en termes de vies humaines que de ressources, subies par l’armée russe. Ces pertes ont indéniablement pesé sur l’économie russe, même si celle-ci est parvenue à maintenir un certain niveau de cohésion et de résilience face aux sévères sanctions occidentales. En outre, elles ont érodé la confiance en la Russie en tant que puissance militaire et stratégique mondiale compétente.
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