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Accueil du site > Actualités > International > Le Soudan s’en sortira-t-il un jour ?

Le Soudan s’en sortira-t-il un jour ?

La Création d’un nouvel état - le Sud-Soudan, qui aura lieu effectivement le 9 Juillet 2011 -, marque une étape importante pour le retour à la stabilité et la paix au Soudan. Est-ce la preuve que le pays puisse se relever ? Après plus de 60 ans de guerre civile presque ininterrompue la situation peut-elle réellement s’améliorer, quand on sait qu’aucun changement politique n’a eu lieu et que de nombreuses questions sont encore en suspens – sur la partition Nord-Sud, sur le Darfour…

L’objectif de cet article est justement de revenir sur les enjeux liés au Soudan, et ce par une mise en perspective historique et géopolitique.
C’est également l’occasion de s’intéresser à un pays qui a connu les pires atrocités de ce XXIème siècle sans pour autant que l’opinion publique se soit fortement mobilisée.

Le Soudan : entre coups d’Etat et guerres d’indépendance


Depuis l’indépendance – celle du Soudan et non pas du Sud Soudan -, acquise en 1956 au détriment du Royaume-Uni, les guerres civiles et coups d’état ce sont succédés, pour des raisons variées.

Signe d’un triste destin, lorsque le Soudan déclare son indépendance en 1956, le pays est déjà le théâtre d’une guerre civile - guerre d’Anyanya – depuis plus de six mois. La crainte de la population du Sud – composées de traditionnalistes, d’animistes, de chrétiens - était de se voir imposer le diktat de la population arabo-musulmane du Nord et du pouvoir central de Khartoum. Cela allait au-delà de ce que l’on considère souvent comme une simple guerre de religions, puisque moins de 25% des habitants du Sud sont chrétiens. (1)

C’est dans ce sens que va le témoignage de Joseph Lagu, ancien chef de la rebellion sudiste qui souhaitait dès 1955 l’indépendance du Sud : "Nous ne voyions aucune autre option que de nous battre pour le droit de notre peuple à vivre en toute liberté"(2). Néanmoins c’est bien par crainte d’une menace arabo-musulmane provenant du Nord que les sudistes reçoivent le soutien de plusieurs pays. Les premiers à les soutenir sont les Israéliens, après que Khartoum - Nord du Soudan – eut soutenu l’Egypte lors de la guerre de Six jours en 1967 qui confronta Israël à la coalition formée de l’Egypte, la Syrie, l’Irak et la Jordanie.

Les nombreux massacres commis lors de cette première guerre civile connaissent un épilogue – provisoire - en 1972 avec les accords d’Addis-Abeba, conférant un certain degré d’autonomie au Sud. Le bilan est macabre : 500.000 personnes périrent durant ces 17 années de guerre.

Une succession de coups d’Etat 

En 1981, le Colonel Nimeiri, à la tête du pouvoir après un double coup d’Etat - en 1969 lors de son arrivée au pouvoir et en 1971 afin de reprendre le pouvoir qui lui avait été confisqué par un coup d’état marxiste – souhaite renforcer le pouvoir du Nord sur le Sud, notamment pour profiter des ressources pétrolières découvertes quelques années plus tôt au Sud. Pour cela, il dissout l’assemblée régionale du Sud du Soudan et fait emprisonner plusieurs de ses représentants.

En 1983, alors que les Sudistes défendent la création d’un Sud Soudan uni – autonome mais pas indépendant –le Colonel Nimeiri décrète en réaction la création de trois régions, afin de contrer cette initiative et empêcher toute unité du Sud. Dans le même temps les deux plus hauts responsables de l’assemblée régionale du Sud sont emprisonnés. L’armée du Sud entre en rébellion et s’attaque au Nord, c’est le début d’une nouvelle guerre civile sanguinaire qui durera 21 ans, provoquant 2 Millions de morts et 4 millions de déplacés.

En 1989 c’est au tour d’Omar-Al-Bachir – président actuel du Soudan - de prendre le pouvoir par un coup d’Etat prenant dans le même temps le contrôle des armées. Il s’en suit une application extrême de la charia – droit musulman – qui prévoit pour ceux qui ne respecteraient pas les règles divers châtiments : lapidation (pour les coupables d’adultère par exemple), amputation des membres des voleurs… -

« Les raisons de la colère » 

Le bref retour sur l’histoire du Soudan nous éclaire déjà sur une chose : si on ne peut considérer qu’il s’agisse d’une simple lutte entre chrétiens et musulmans, il y a néanmoins une double volonté de la part des Sudistes :

- Résister à l’influence musulmane des différents pouvoirs successifs, auxquels les sudistes – tout comme les habitants du Darfour, ne se retrouvent pas – Bien que le Sud soit composer de différentes populations qui sont elles-mêmes composées de tribus, d’ethnies très diverses aux croyances et coutumes différentes, celles-ci sont plus proches des cultures sub-sahariennes que de celles du Nord.

- Refus d’accepter le pouvoir centralisé de Khartoum, car lorsque le Soudan était administré par les anglais le pays était séparé en deux régions distinctes et autonomes, avant d’être réunies au moment de l’indépendance. Cette réunification supposait alors le contrôle du Sud par Khartoum, même si à l’époque les dirigeants du Nord avaient garanti le statut de région autonome au Sud, qui resta une promesse non tenue nourrissant la rancœur des habitants du Sud. (cf infra)

Les termes de l’indépendance du Sud Soudan

délimitation frontiere nord sud soudan
Le 6 Janvier 2005, après 21 ans de guerre civile, sont signés les accords de Nairobi. Ils prévoient notamment la mise en place d’un référendum après 6 ans de transition – soit Janvier 2011 -, le retrait des troupes Nordistes du Sud et inversement ; ainsi que le partage des richesses – répartition des revenus pétroliers à 50/50 entre le Nord et le Sud -…

Le référendum, voté à la quasi-unanimité - 98,83% - le 15 Janvier par 97,58% des 3,9 millions de sud-soudanais, est donc le fruit de l’inflexion politique de Omar Al-Bachir envers les revendications de la population Sud-Soudanaise, ayant finalement compris qu’il n’y avait d’autres solutions pour mettre fin à un conflit ayant causé la mort de plus de 2 millions de personnes. Les Etats-Unis ont joué un rôle prépondérant dans la signature de ces accords, en soutenant le Sud et le processus d’indépendance par une aide annuelle de 300 Millions de dollars par an depuis les accords de 2005. (3)

Le traité est aujourd’hui signé et les principaux accords définis, bien que de nombreuses questions restent encore en suspens, qui conditionneront le succès ou non de la partition du territoire et sa stabilité dans le futur.

Des enjeux sous jacents importants 

On peut distinguer 3 enjeux majeurs à la partition du Soudan en deux nouveaux états :

- Enjeux énergétiques :
La répartition des rentes du pétrole est le principal enjeu de cette partition : cela représente environ 90% du budget de Juba (Capitale du Sud Soudan) et 40% du Budget de Khartoum (Capitale du Nord-Soudan). En effet les réserves en pétrole du Soudan sont importantes – 6,8 Milliards de Barils, plaçant le pays au vingtième rang des pays les plus riches en pétrole – , mais se trouvent à 80% au Sud, tandis que l’acheminement (oléoduc et port pétrolier) et le raffinage s’effectue au Nord. Bien que des premières discussions aient eu lieu et que le gouvernement de Khartoum ait indiqué que les répartitions des rentes seraient modifiées – Aujourd’hui 50/50 et dans le futur 70/30 ou 80/20 en faveur du Sud -, ce sujet reste explosif aux vues de l’interdépendance créé par la situation : l’un détient les ressources, l’autre son acheminement et sa revente.

- Enjeu de territoires :
Alors que la partition effective des deux territoires aura lieu le 9 Juillet 2011 une question centrale concernant le partage des territoires n’est toujours pas résolue. Il s’agit entre autres de la région d’Abyei, âprement disputée par les deux parties en raison de ses réserves de pétrole. (cf Figure 1 supra)
Un exemple récent illustre l’importance et la difficulté de cette négociation pour la région d’Abyei, le président soudanais ayant déclaré le 28 Avril à la télévision d’Etat "Nous ne reconnaîtrons pas le nouvel Etat du Sud-Soudan s'il mentionne Abyei dans sa Constitution", or le projet de constitution du Sud Soudan reconnaît ce territoire comme partie intégrante de leur pays. Le président a accentué la pression en prenant la ville d'Abyei grâce à son armée.

- Enjeu de flux migratoires :
Une question importante est celle des flux migratoires : que va-t-il advenir de tous ces Sud-Soudanais aujourd’hui au Nord et qui souhaitent maintenant regagner le Sud ?

La Constitution du Sud-Soudan prévoit la possibilité pour les habitants ayant fuit au Nord de récupérer leurs terres à leur retour, or d’autres personnes du Sud, elles aussi déplacées par les conflits sont maintenant sur ces terres. Le HCR (Haut Commissariat des Réfugiés) rapporte que des heurts ont déjà éclaté dans le Sud à cause de ces flux de population.

Quelques chiffres de l’ONU (4) donnent la mesure de l’enjeu :
- Entre 1,5 et 2 Millions de personnes du Sud vivent actuellement au Nord
- Pendant les deux derniers mois précédant le scrutin quelques 120.000 Soudanais étaient déjà rentrés chez eux au Sud, soit une moyenne de 2.000 retours quotidiens.

La démesure de la violence de ce conflit a permis – tardivement, après 2,5 Millions de morts - une prise de conscience tant de la part des rebelles que du gouvernement, chacun réalisant que personne ne pouvait tirer profit d’une telle situation. Le président soudanais Omar Al-Bachir, poursuivi par la CPI pour génocide, a déclaré lui-même : “La sécession du Sud-Soudan est la limite qui sépare la guerre et la paix et non le Nord et le Sud”

La partition des deux pays est donc une avancée majeure pour la paix et la stabilité du pays. Mais ce serait sans compter le Darfour, province de l’Ouest du Soudan où la guerre civile qui fait rage depuis 2003 peut être considérée à l’heure actuelle comme la plus importante du XXIème siècle.

Darfour : du conflit au génocide 

Ce qui se passe au Darfour est tout aussi sanglant et complexe que ce qui s’est déroulé entre le Nord et le Sud du pays par le passé. Cette grande région de l’Ouest du pays, de plus de 510.000 m² (soit la superficie de l’Espagne) et peuplé de 6 millions d’habitants, est le théâtre d’un affrontement entre rebelles et forces du gouvernement, qui dure depuis 2003 et qui a déjà causé la mort de plus de 300.000 personnes – et en a déplacé 2,7 millions de personnes selon l’ONU.

Les causes de ce drame humain 

La situation des habitants du Darfour envers Khartoum ne peut être comparée à celle du Sud. En effet, bien que l’opposition au régime centralisé et dictatorial de Khartoum soit également une réalité au Darfour et que l’on peut identifier une opposition culturelle - entre les tribus qui peuplent le Darfour - les Fours, les Zaghawas, Masalits, Berlits - qu’on considère comme culturellement « africains », en opposition avec le pouvoir en place, culturellement « arabe », d’autres raisons nécessitent d’être citées, et c’est leur concomitance qui a fait exploser la rébellion en 2003. Tout d’abord il y a une démographie exponentielle qui a vu la population du Darfour doubler en 20 ans, un territoire extrêmement pauvre, non développé et désertique, qui crée une compétition pour l’espace et l’accès aux différentes ressources. La découverte de ressources pétrolières dans la région a également suscité les convoitises, notamment du pouvoir central de Khartoum et des étrangers, Chine en tête.

Enfin l’élément central, comme l’explique Jean-Louis Péninou dans son article dans le Monde Diplomatique de mai 2004 (5), sont les attaques et les crimes perpétrés par des tribus arabes, animées par un sentiment de toute puissance depuis que l’accession au pouvoir d’Omar al Bachir en 1989 leur garantit le soutien de Khartoum. Au Darfour les attaques sont majoritairement perpétrées par des tribus arabes : benis halbas, um julluls, Rezeigats. C’est durant les années 1990 que le terme de Janjawid apparaît, pour englober sous un terme commun ces différentes tribus arabes extrêmement violentes, rasant villages, troupeaux, pratiquant le viol et l’extermination d’une grande partie des gens qu’ils croisent sur leur chemin.

Le début du conflit 

En Mars 2003 se forme l’ALS – Armée de Libération du Soudan - première coalition militaire qui dépasse la dimension ethnique qui prévalait jusqu’alors, en regroupant Masalits, Zaghawas, Bertis. Il s’agit en réalité de l’extension militaire du MLS (Mouvement de Libération du Soudan), créé 10 ans plus tôt.Ces derniers parviennent à se doter de moyens logistiques et techniques leur permettant de combattre efficacement le pouvoir en place. En réponse, Khartoum finance et arme de nombreuses tribus arabes, - ces milices Janjawids évoquées plus haut - afin qu’ils combattent l’insurrection des habitants du Darfour.

Sur les traces de l’ALS va se former le MJE – Mouvement pour la Justice et l’Egalité -, structurant un peu plus la rebéllion mais compliquant les efforts de paix par la suite, car il y aura toujours une organisation (que ce soit l’ALS, la MJE, ou encore les milices Janjaweeds) qui ne participera pas ou ne respectera pas les cessez-le-feu successifs.

Le conflit a pris de l’importance à mesure que les populations locales s’organisaient militairement pour leur défense, conflit qui a d’ailleurs rapidement dépassé les frontières soudanaises. En effet, il est aujourd’hui indéniable que sans l’appui du voisin Tchadien, jamais les rebelles du Darfour n’auraient pu avoir cette force armée.

Le voisin Tchadien 

L’imbrication entre les guerres civiles du Tchad et du Soudan est directe. En effet, sur ce continent où les frontières étatiques sont la plupart du temps un non-sens ethnologique et/ou historique, le lien d’appartenance à une tribu ou ethnie a bien plus de sens que la nationalité de chacun. Cette idée est fondamentale pour comprendre les enjeux liés du Soudan et du Tchad. En effet,

Le président du Tchad, Idriss Déby, est d’origine zaghawa, tribu dont les racines sont entre l’Est du Tchad et le Darfour, tribu fortement hostile au pouvoir d’Omar Al-Bachir et composant une grande part des mouvements rebelles. Dès lors, la contestation des zaghawas envers Omar Al-Bachir se concrétise par un soutien de Idriss Déby aux rebelles du Darfour et l’inverse est également vrai –soutien des rebelles tchadiens par Khartoum -.

La meilleure illustration est le cas du chef militaire de l’ALS –rebelles du Darfour –, Abdallah Abakkar : il a été en 1990 l’un des principaux acteurs ayant permis le coup d’Etat d’Idriss Déby au Tchad. On comprend donc bien que la notion de frontière joue peu, et qu’un chef militaire peut faire un coup d’Etat dans un pays avant de s’attaquer au pouvoir en place dans un autre. Cela implique que lorsque Deby prend le pouvoir grâce à des miliciens soudanais, il doit alors accepter à son tour de les aider pour qu’ils puissent prendre le pouvoir au Soudan. Khalil Ibrahim, le président du MJE, avait d’ailleurs déclaré lorsqu’un différent les opposait au président tchadien Déby : « « Il ne doit pas oublier qui l'a porté au pouvoir » .

Le soutien du Tchad envers les rebelles soudanais est aussi vrai dans l’autre sens, c’est ce qu’explique Olivier Bercault de Human Rights Watch : « Les rebelles [au Tchad] sont entièrement soutenus par le Soudan, même s'ils sont Tchadiens. Un mouvement de l'Est du Tchad ne peut arriver à N'Djamena sans un soutien logistique du Soudan. » (RFI, 21 Avril 2006)

On assiste donc à un soutien croisé entre gouvernement et rebelles du pays voisin, qui rend la situation extrêmement complexe, hors de toute rationalité, et qui s’apparente aujourd’hui à une lutte de pouvoir où la dimension ethnique, l’opposition culturelle est prépondérante. Cette lutte entre un Chef d’Etat arabe soudanais et un Chef d’Etat « africain » tchadien relève également d’un objectif politique chacun ayant intérêt à ce que le pays voisin soit diminué afin d’y augmenter sa propre influence dans la région.

Un Chef d’Etat responsable 

Omar Al-Bachir, le président soudanais, est militaire de formation. Après avoir notamment dirigé l’affrontement au Sud contre les sécessionnistes de l’APLS (Armée Populaire de Libération du Soudan, antérieur à l’ALS) dans les années 80, il prend le pouvoir par un coup d’Etat en 1989.

Le président soudanais est directement responsable de cette guerre civile, et surtout de son escalade. Ainsi on a déjà détaillé les différentes causes du conflit qui révèle l’implication de la politique d’Omar Al Bachir, mais c’est dans la gestion du conflit qu’Omar Al Bachir va engager toute sa responsabilité. En effet, en réaction à l’ampleur que prend la rébellion à partir de 2003, le président soudanais choisit d’armer les milices arabes Janjaweed, groupe rebelle ultra violent déjà allié dans le passé de Khartoum mais jamais doté d’autant de pouvoir et d’armes. Leur stratégie de terre brûlée, qui consiste à tout détruire, à commettre vols et viols sur la population, va déclencher une grave crise humanitaire. Bien qu’Al Bachir contredise le recours aux Janjaweed pour mater la rébellion, l’ensemble des observateurs, notamment Human Rights Watch (HRW) et les Etats-Unis, défendent la thèse du soutien des milices par le pouvoir central. Ils prennent pour preuve le cas de Musa Hilal : considéré comme le leader des milices Janjaweed, il a été promu comme conseiller spécial du ministre en charge du territoire (6) en 2008.

Un Chef d’Etat irresponsable 

Alors qu’Omar Al Bachir utilise la violence extrême des Janjaweed pour contenir la rébellion, il empêche parallèlement le travail des ONG internationales. A plusieurs reprises celles-ci seront soit interdites de pénétrer sur un territoire ou un camp de réfugiés (Camps de Kalma et Bilal en Août 2010 par exemple), où même exclues pour 13 d’entre elles après la décision de la Cour Pénale Internationale (CPI) en Mars 2009 d’émettre un mandat d’arrêt international contre le président soudanais. Il y a quelques semaines - 15 Février 2011 - , Médecins du Monde, qui n’avait pas été exclu en Mars 2009, a reçu l’ordre de la part des autorités d’une province du Darfour de cesser ses activités, et a fait arrêter 12 de ses employés. Les négociations sont toujours en cours entre Médecins du Monde et les autorités de la Province.

C’est donc toute la population qui est prise en otage par le président soudanais, qui utilise l’action humanitaire comme argument politique. Cela est d’autant plus irresponsable que la plus grande part de la population survit uniquement grâce à une aide alimentaire - Tony Blair parle de 4 millions de personnes à l’échelle du pays - (7)

En décembre 2010, Wikileaks révèle un télégramme diplomatique américain qui met en cause le président Soudanais (8), le suspectant d’avoir détourné jusqu’à 9 Milliards de dollars à des fins personnelles. Bien que la CPI soit en train d’enquêter aucune preuve n’a encore pu être établie et le pouvoir de Khartoum a nié l’existence de tels détournements.

La situation actuelle au Darfour 

Aujourd’hui, la situation est encore complexe et instable. Les différents pourparlers et processus de paix n’ont pas permis la résolution du conflit, du au fait qu’à chaque négociation une des parties prenantes refuse soit de participer soit de respecter les accords édictés. La situation a même empiré depuis décembre 2010, la région subissant un regain de violence, provoquant selon l’ONU le déplacement de 40.000 nouvelles personnes ainsi que de nombreux morts.

Le problème qui revient avec ces nouvelles violences est la capacité réelle des ONG à travailler. Début Janvier, 17 ONG dont « African Centre for peace and justice studies » et « Human Rights First » ont exprimé leurs vives préoccupations sur la dégradation de la situation au Darfour, via un communiqué.

L’indignation internationale 

La catastrophe humanitaire qui se déroule au Darfour a suscité l’indignation internationale, avec des conséquences diverses. Tout d’abord, au plan international, au-delà des nombreuses réactions diplomatiques, c’est les condamnations successives d’Omar al-Bashir par la Cour Pénale Internationale (CPI) après plusieurs enquêtes de l’ONU qui viennent témoigner de la désapprobation internationale envers le président Soudanais.
En Mars 2009, celui-ci est accusé de « crimes contre l’humanité », avant que vienne s’ajouter un nouveau chef d’accusation en Juillet 2010, celui de « génocide » , pour sa volonté avérée de vouloir exterminer plusieurs ethnies au Darfour.

Ces deux accusations ont conduit la CPI à établir un mandat d’arrêt international à son encontre, ce qui fait de lui le premier président en exercice à être l’objet de telles poursuites. Si les poursuites internationales se focalisent sur le Darfour, les Etats-Unis ont mis en place un ensemble de sanctions depuis 1997, afin de faire pression sur le gouvernement soudanais ainf qu’ils accélèrent le processus de paix entre Nord et Sud. Ces sanctions prévoient notamment la limitation du commerce et des investissements d’entreprises américaines au Soudan.

Plusieurs actions ont également été développées par des personnes appartenant au paysage médiatique, une des actions les plus importantes étant le projet « Not on our watch » fondé entre autres par George Clooney, Matt Damon et Brad Pitt, qui a permis de lever de nombreux fonds et de mettre au premier plan le conflit soudanais.

Soudan, Diplomatie et Realpolitik 

L’indignation internationale provoquée par le Darfour et précédemment par le conflit Nord-Sud cache un autre aspect peu glorieux de la diplomatie internationale menée par plusieurs pays – Chine en tête -, qui est une realpolitik active. Comme pour de nombreux conflits dans des pays où les enjeux sont importants – notamment pour le pétrole ou la taille du marché intérieur – c’est une politique diplomatique guidée par les intérêts propres de ces pays, qui privilégie une approche économique et pragmatique.

Les deux grands partenaires du régime sanguinaire d’Al-Bashir sont la Chine et l’Inde. La Chine, grand pourfendeur du droit d’ingérence et très préoccupé par son approvisionnement énergétique, a décidé de nouer un partenariat étroit avec un pays qui lui apporte à la fois du pétrole - la Chine achète 65% du pétrole Soudanais – (9) et un territoire pour exporter sa main d’œuvre. L’Inde, pour les mêmes raisons, a développé de nombreux partenariats dans le domaine des infrastructures, de l’agriculture, de l’électricité et des télécommunications en échange de pétrole (10).

L’or bleu au cœur de la géopolitique régionale 

Un enjeu majeur dans la géopolitique régionale est la remise en cause du partage de l’eau du Nil. A l’heure actuelle, le Soudan et l’Egypte captent 87% de l’eau prélevée dans le fleuve (55,5 Milliards de m3 pour l’Egypte et 18,5 pour le Soudan)(11).

Avec d’une part le fait que l’Ethiopie, la Tanzanie, L’Ouganda, le Kenya, La république démocratique du Congo, le Burundi, Le Rwanda, L’Erythrée (12) demande une redistribution plus égalitaire, et de l’autre le fait que le tout nouveau Sud-Soudan prétendra lui aussi à obtenir une partie de cette ressource de plus en plus rare, des négociations approfondies auront nécessairement lieues dans les prochains mois, sans que l’on puisse dire aujourd’hui à quoi cela aboutira.

Al-Bachir, bien que reconnu coupable de génocide et de crimes contre l’humanité, ne semble pas sur un siège éjectable. En effet, malgré le fait que le conflit du Darfour ne soit toujours pas complètement résolu, le fait qu’il ait accepté la partition du pays en accordant un référendum national devrait lui donner quelques gages auprès de la communauté internationale pour un futur proche. De plus, après les différentes révolutions arabes, notamment celles des voisins égyptiens et libyens, la communauté internationale, sous l’égide de l’ONU, ne prendra pas le risque de déstabiliser un pays supplémentaire. Quant à un soulèvement national, il ne semble pas que ce soit réaliste, tant les problématiques sont locales, le pays peu unifié et le Sud-Soudan libéré. Quant à un coup d’état, Al-Bachir a prouvé en 1999 qu’il avait tout à fait les moyens de se défaire de ses concurrents, même puissants. Le fait qu’il ait pris aussi le contrôle des armées lors de son accession au pouvoir était une précaution supplémentaire contre un éventuel coup d’état.

La situation semble donc bloquée : d’un côté l’intense pression exercée par les gouvernements étrangers a permis une inflexion du président soudanais Al Bachir, mais pas jusqu’au point d’empêcher les exactions de se poursuivre au Darfour et au Sud-Soudan. Il semble qu’une sortie de crise ne peut être associé qu’à un départ d’Al-Bachir, mais celui-ci n’est guère pressé de partir ni menacé sérieusement par qui que ce soit.

Les premiers pas d’un Sud-Soudan indépendant en Juillet prochain et l’aboutissement ou non des négociations prévues – eau, pétrole, territoires – entre Sud et Nord permettra d’en dire plus sur leurs destins respectifs.

L'apparation d'une nouvelle zone de conflit autour de la Ville d'Abyei - prise de la ville d'Abyei par l'armée Nordiste le 21 mai 2011 - a déjà entrainé le déplacement de 15.000 personnes et ne présage rien de bon pour la suite de ces négociations à forts enjeux.

Mathieu Joselzon

 

Toute la bibliographie sur :

http://somewhere.blog.lemonde.fr/2011/05/08/le-soudan-s%E2%80%99en-sortira-t-il-un-jour/


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10 réactions à cet article    


  • Yvan 25 mai 2011 10:51

    La séparation des uns et des autres est nécessaire. La cohabitation avec les islamistes est impossible y compris pour les musulmans qui ne demandent qu’à vivre en paix.
    le printemps arabe nous a appris que les peuples voulaient la démocratie et les droits de l’homme notions incompatibles avec les barbus qui partout entendent imposer leur dogme.


    • leypanou 25 mai 2011 11:54

      "précédemment par le conflit Nord-Sud cache un autre aspect peu glorieux de la diplomatie internationale menée par plusieurs pays – Chine en tête -, qui est une realpolitik active«  : vous ne vous trouvez pas ridicule avec votre précision »Chine en tête" ? Ne vous êtes-vous posé la question des luttes mondiales pour l’approvisionnement en pétrole et c’est seulement la Chine ou l’Inde qui sont concernées ? Citez un pays au monde qui a autant de militaires, porte-avions, etc, etc, ailleurs que chez lui autres que les Etats-Unis. Cela fait plus de 50 ans que la deuxième guerre mondiale est terminée et il y a toujours des bases militaires etats-uniennes au Japon et en Allemagne, sans compter les porte-avions partout sur les mers du globe. L’aspect peu glorieux de la diplomatie internationale est menée par plusieurs pays, et le premier est les Etats-Unis, les autres pays sont des nains à coté. Lisez par exemple les livres de W. Blum : il y a matière à réflexion.


      • Madoff Madoff 25 mai 2011 12:00

        Heu cet article nous explique que le Soudan s’est séparé pour des raisons ethniques ... Soit mais il souligne que très peu que le Soudan a tenté de négocier son pétrole aux chinois , cet tentative de négocier sur les prix et au final de négocier les prix du pétrole vendus aux américains
        n’a pas vraiment plus au vendeurs de pétroles occidentaux.
        Et donc comme ils l’ont fait dans la plupart des pays qui commençaient timidement à se tourner vers l’Asie ( qui travaille d’une façon beaucoup plus respectueuses de ses partenaires africains que l’occident ) ils ont appuyés sur les failles ethniques ( intrinsèque aux pays africains ) à coups de dollars pour déchirer le pays en deux en contrôlant bien sûr la partie pétrolifère .
        Le tout emballé par une com’ humanitaire bien rodée ( envoi de stars pour « sensibiliser » la population aux « problèmes » des soudanais ).

        Ils emploient la même technique de contrôle partout ou ils ont des interets en Afrique ...


        • Yvan 25 mai 2011 12:04

          c’est sur que les chinois (et les russes) se foutent des droits de l’homme ne les respectant pas chez eux
          nous avons des priorités et des intérêts à défendre tout en prônant certaines valeurs.


        • Yvan 25 mai 2011 22:20

          les fous d’allah n’ont pas besoin de nous pour se massacrer depuis...la révélation du bédouin
           smiley


        • Madoff Madoff 26 mai 2011 09:57

          En ce moment vos « valeurs » prennent un sacré coup sur la tronche Yvan :)


        • Georges Yang 25 mai 2011 16:20

          Vous avez énormément lu pour rédiger cet article, mais vous n’êtes probablement pas allé au Soudan.
          La situation est encore plus complexe que vous le décrivez, vous allez dans le sens de Save Darfour et Urgence Soudan avec les mauvais Arabes et les bons Noirs.
          Le sud a été pillé et est encoe pillé par les milices Dinkas de Garang puis Salva Kir et Nuers de Machiar et autres chefs de clan au détriment des autres tribus du sud, Shillouk, Murle, Kakwa , Madi , Azande(les premiers anyanya quand les Dinkas soutenaient Khartoum.
          Quand au JEM (ou MJE son chef est lié à Deby et a commis un raid sur Khartoum avec le soutien au moins moral de Hassan Tourabi, le chefs des vrais islamistes
          L’indépendance du sud était devenu inéluctable mais ses chefs sont des pillards incultes qui n’apporteront rien au pays
          Le Soudan uni était possible, les leaders arabes ont certes aussi une grande responsabilité


          • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 25 mai 2011 19:08

            Excellent article qui donne une impression d’impartialité. Evidement, derrière tout ca, le probleme de fond que l’Afrique a été découpée à la tronçonneuse, n’a jamais eu sa chance et ne l’aura pas sans une intervention étrangère de bonne foi qui apparait aujourd’hui tout a fait chimérique.



            ( NB : ne prenez pas la peine d’ouvrir le lien s1 vous n’avez pas une heure ou deux a y mettre)

            • Gargantua 25 mai 2011 20:31

              Non le Soudan comme beaucoup d’autres pays, son conduit vers la ruine.


              • Kessonfait ? 29 mai 2011 01:04

                Mathieu

                Le Soudan et l’Afrique ne pourront s’en sortir sans projets de développement comme celui ci.


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