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Le suffrage universel aux Etats-Unis pour bientôt ?

Guillemette Faure, correspondante aux Etats-Unis pour Rue 89, explique de manière très pédagogique, le système électoral américain dans son article "Pourquoi c’est si compliqué d’élire un président américain". Elle met en perspective les raisons qui ont poussé les pères fondateurs à choisir un mode de scrutin au suffrage indirect via des grands électeurs plutôt que le suffrage universel. Je vais donc rebondir sur son article pour approfondir un passage qui m’a appris l’existence d’une possible évolution de ce mode de scrutin.

L’un des principaux reproches que l’on peut faire au mode de scrutin actuel est le découragement de voter dans les États qui sont acquis à un parti et la focalisation sur les Swing States. Je ne peux l’affirmer, mais la tendance abstentionniste élevée aux Etats-Unis (en 2004 sur 215 millions d’électeurs, 122 millions de votants soit 56,69 % de participation) me semble due en grande partie au mode de scrutin, mais aussi au fait que celui-ci induit un gain non proportionnel des grands électeurs, lorsqu’un Etat vote à 50,1 % pour un candidat, il remporte l’ensemble des grands électeurs de l’Etat.

Nombreux sont les Français qui s’étonnent de ce mode de scrutin pour les présidentielles aux Etats-Unis, plus ou moins à juste titre, car même si le président en France est élu au suffrage universel à deux tours, il ne me semble pas que la résultante en soit plus démocratique, la représentation nationale reste majoritairement acquise aux deux partis les plus forts et occulte le reste de l’opinion. Plus de 40 % des votants au premier tour ont vu leur représentativité s’évanouir au second tour. Et le Parlement n’étant pas élu à la proportionelle, celui-ci reproduit le schéma du collège électoral américain.

La question parlementaire (ou congressiste aux Etats-Unis qui fonctionne sur le même mode) mise à part, le passage au vote par suffrage universel aux Etats-Unis n’opérerait pas une révolution du paysage politique, et je ne vois pas quelles pourraient être les raisons morales ou politiques qui interdiraient cette évolution. Il existe pourtant des barrières constitutionnelles à ce que l’Etat fédéral opte pour ce mode de scrutin, comme le souligne l’article de Rue 89 :

Trois Américains sur quatre sont favorables à une élection au suffrage universel direct. Mais, écrit Corine Lesnes :

« Pour changer le système, il faudrait un amendement constitutionnel, donc une majorité de deux tiers au Congrès, et la ratification de trois quarts des États, ce qui a peu de chances de se produire ».

Il existe une solution pour contourner ce problème constitutionnel : le "national popular vote".

En effet, la constitution offre à chaque État le droit de changer le mode d’attribution de ses grands électeurs, donc plutôt que de donner l’ensemble des grands électeurs au candidat qui a reçu le plus de suffrages au sein de l’Etat, celui-ci offrirait l’ensemble de ces grands électeurs au candidat gagnant le vote national. Bien entendu, ce mode de scrutin ne peut être appliqué du jour au lendemain et ne peut se limiter à quelques Etats. Au stade actuel, le national popular vote a été voté dans 4 Etats : Maryland, New Jersey, Illinois et Hawai, soit 50 votes. 9 autres pourraient se joindre à eux : l’Arkansas, le Colorado, le Maine, la Caroline du Nord, Washington DC, la Californie, le Massachusetts, Rhode Island et le Vermont. Mais l’application de la loi en question est conditionnée exclusivement à ce que plus de 270 grands électeurs soient désignés par cette méthode, donc dès lors que suffisamment d’États auront adopté ce mode électoral, l’ensemble d’entre eux mettront ce système en application.

Les chances de voir cela en 2012 sont assez élevées au regard de la carte électorale. Les 14 États cités ci-dessus comptabilise 168 grands électeurs, il manque donc 103 voix supplémentaires pour mettre cette loi en application. Si l’on considère que les États démocrates sont plus propices à voter en faveur de cette loi (le Parti démocrate est légèrement avantagé depuis 1988 par le vote populaire et la tendance risque d’aller de l’avant), il suffirait que d’autres Etats à majorité démocrates depuis 1988 emboîtent le pas comme le Michigan (17 votes), New York ( 31 votes), Oregon (7 votes), Wisconsin (10 votes), Minesotta (10 votes), La Pennsylvanie (21 votes) et le Connecticut (7 votes).

Je ne cite là aucun Swing States majeur comme l’Ohio, la Floride ou la Virginie qui pourraient être tout autant intéressés par ce mode de scrutin, on peut en conclure que le passage de cette loi est tout à fait envisageable dans les années à venir…

Ainsi le pays ferait quelques progrès vers un système légèrement plus représentatif et peut-être pourrions-nous envisager aussi que les membres du Congrès soient élus à la proportionnelle pour chaque Etat, permettant ainsi aux indépendants comme Ralph Nader, au Green Party ou au Parti libertarien d’avoir une véritable représentation, à ce jour seul Kucinich élu très à gauche chez les démocrates ou Ron Paul libertarien inscrit au Parti républicain font exceptions, mais ils sont véritablement en marge de leur parti.

Article original sur cafécroissant


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4 réactions à cet article    


  • ZEN ZEN 31 octobre 2008 12:02

    Intéressant
    Il faudra bien un jour changer le système que la majorité de la population ne comprend pas



    Maison-Blanche 2008 : un show anti-démocratique (Entretien sur le processus électoral aux États-unis) :
    "...Le système électoral est un casse-tête que l’immense majorité des citoyens ne comprend pas. Dès la fondation des États-Unis, les choses ont été volontairement embrouillées et elles ont été complexifiées avec le temps. La
    Constitution des États-Unis a été conçue en réaction à la Déclaration d’indépendance. Il s’agissait d’arrêter un processus potentiellement révolutionnaire et de créer une oligarchie nationale qui se substitue à l’aristocratie britannique. Alexander Hamilton —le principal père de la Constitution— a imaginé un système pour empêcher toute forme de souveraineté populaire : le fédéralisme. Ce mot est équivoque. Dans la vieille Europe, on l’utilise pour désigner une forme d’union politique démocratique qui respecte les identités particulières et maintient des souverainetés partielles. On pense à la Confédération helvétique par exemple. Hamilton, quant à lui, a pensé le système non de bas en haut, mais de haut en bas. Il n’a pas fédéré des communautés locales pour créer un État, mais il a divisé l’État en utilisant des communautés locales....Alexander Hamilton était obsédé par sa hantise de la « populace » et sa volonté de créer une oligarchie états-unienne équivalente à la gentry britannique. Au cours du temps, son courant politique a imaginé toutes sortes de verrous pour tenir le peuple loin de la politique.Comme toujours, chaque État dispose de ses propres lois. D’une manière générale, elles visent à limiter la possibilité de créer un parti politique et de présenter des candidats aux diverses élections. Dans la plupart des scrutins locaux, il est interdit de se présenter sans l’investiture d’un parti et il est impossible en pratique de créer un nouveau parti.Le système le plus caricatural est celui du New Jersey où il faut réunir 10 % des électeurs pour pouvoir créer un nouveau parti, une condition que chacun sait irréalisable et qui interdit définitivement aux petits partis états-uniens de disposer d’une section au New Jersey.C’est un système entièrement fermé sur lui-même dans lequel, au final, la vie politique a été confisquée par les responsables des deux grands partis au niveau de chaque État. Il est impensable de pouvoir jouer un rôle si l’on n’est pas au préalable coopté par ces gens là......"


    • Gilles Gilles 31 octobre 2008 15:08

      Pour suivre ZEN

      Suppressing the vote has long been a cornerstone of the GOP’s electoral strategy. Shortly before the election of Ronald Reagan in 1980, Paul Weyrich — a principal architect of today’s Republican Party — scolded evangelicals who believed in democracy. "Many of our Christians have what I call the ’goo goo’ syndrome — good government," said Weyrich, who co-founded Moral Majority with Jerry Falwell. "They want everybody to vote. I don’t want everybody to vote. . . . As a matter of fact, our leverage in the elections quite candidly goes up as the voting populace goes down."

      Ce responsable national républicain dit :

      Ils veulent que tout le monde vote. Je ne veux pas que tous votent. Dans les faits, notre influence dans les élections augmente franchement avec le déclin du vote parmi la populace


      On admire le langage

      Cet article tiré de :

      Block the Vote a rapport avec les efforts de cartains républicains pour épurer au maximum les listes électorales

      • Gilles Gilles 31 octobre 2008 15:09

        Toujours dans la même, veine pour supprimer les électeurs. Ce qui me fait croire que le suffrage universel n’est pas pour demain

        Aux États-Unis, les saisies immobilières ont augmenté de 21 % en un an. Certains groupes républicains cherchent à empêcher les propriétaires expulsés de voter.
        	 	 	

        « Je vais voter pour Obama, parce que les républicains ne montrent aucune compassion pour les victimes d’une crise survenue depuis qu’ils sont au pouvoir. J’irai au bureau de vote de mon ancienne adresse et que quelqu’un essaye seulement de m’empêcher de voter ! Je connais mes droits, je ne me laisserai pas faire. » Sandra Hines, dont la maison à Detroit a été saisie voici quelques mois, n’entend pas se laisser intimider par les menaces de groupes républicains qui prévoient d’utiliser des listes d’expropriations pour empêcher les ex-propriétaires de voter au motif qu’ils n’habitent plus à l’adresse indiquée. Plus de 33 000 électeurs auraient ainsi été radiés des listes électorales dans le Michigan. Une sorte de double peine qui priverait de leurs droits civiques des citoyens souvent pauvres, noirs ou hispaniques, déjà frappés par la perte de leur logement.

        Plus de 2,3 millions de logements ont fait l’objet d’une procédure de saisie depuis le début de l’année dans le pays

        ça doit faire au bas mot 4 à 5 millions d’électeurs adultes + les enfants



      • SALOMON2345 3 novembre 2008 14:42

        - Il ne me semble pas totalement exact de prétendre que 40% des voix disparaissent au 2e tour, il serait plus exact de dire que ces 40% se sont réparties vers les pôles à tendance majoritaire, comme l’esprit de la Ve republique l’a souhaité, non pas pour éteindre les sensibilités diverses dans le pays, mais pour obliger celles-ci à se prononcer sur "l’essentiel" dans lequel chacun pouvait se retrouver.

        - On peut également hiérarchiser les points politiques ou des majorités sont possibles sans perdre de vue que la perfection dans tout système est impossible....malgré le dicton !

        - La IVe a démontré - trop vilipendée malgré ses talents et son courage - la difficulté à gouverner DURABLEMENT et Guy Mollet souligna, un jour, que la France comptait 50.000 partis...donc autant d’avis impossible à rassembler c’est pourquoi, il me semble que le système actuel n’est pas le pire, les alternances l’ayant démontré. Je n’en dirais pas autant du Sénat absolument non représentatif, fond et forme !

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