Le Tigre Chinois sort de sa “boîte”
Trois bâtiments de guerre chinois ont appareillé le 26 décembre pour une mission d’escorte anti-piraterie au large de la Somalie. Si les navires chinois vont œuvrer avec une douzaine de bâtiments d’autres pays dans le cadre des résolutions anti-piraterie de l’ONU, il ne s’agit pourtant en rien d’une décision anodine. Elle marque un tournant de première importance dans la politique stratégique de Pékin.
Sur le papier, la mission ne porte pas à conséquence : escorter les cargos du Programme alimentaire mondial (PAM) et protéger les navires marchands, en priorité ceux battant pavillon national. Le 17 décembre dernier encore un cargo chinois n’avait du son salut qu’à l’intervention de navires d’autres pays. L’engagement chinois semble donc logique. Et pourtant, cette expédition navale militaire est historique.
La dernière fois où des navires de guerres ont croisé sur un terrain d’opération aussi lointain remonte à 600 ans. Depuis, la Chine était prudemment restée dans ses vastes frontières. Un isolationnisme séculaire que même le régime communiste avait toujours respecté. Depuis sa création en 1949, la Marine de l’armée populaire de libération avait toujours limité ses opérations à des exercices conjoints avec les flottes étrangères.
Ce changement de stratégie est décrit par le China Daily à travers les propos d’un chercheur comme “un message politique fort à la communauté internationale : la Chine, avec sa force militaire et économique actuelle, veut jouer un plus grand rôle dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales”.
Le général Jean Vincent Brisset, Directeur de recherche à l’Iris, a un décryptage différent : “La motivation numéro 1 pour les Chinois, c’est sans doute de montrer qu’ils sont capables maintenant de quitter leurs eaux intérieures (…) et la deuxième motivation c’est de dire que la Chine c’est une grande puissance… “.
Devenue dépendante de ses exportations et de l’importation de matières premières, la Chine est intéressée au premier rang par le respect du droit maritime et surtout de la liberté des mers. Le mandat de l’ONU offre un paravent idéal à Pékin qui dans ses discours officiels proclame le maintien de sa doctrine de non-ingérence.
Dans les faits, les autorités chinoises se sont lancées depuis plusieurs années dans un renforcement et une modernisation sensible de sa flotte de guerre. La veille de Noël, Huang Xueping, porte-parole du ministère de la Défense, a ainsi rappelé que le pays envisageait de se doter d’un porte-avions. Une décision qui là encore n’a rien d’anecdotique.
Huang Xueping a souligné que “La Chine a un très long littoral et (que) le devoir sacré des forces armées chinoises, c’est d’assurer la sécurité maritime nationale et la souveraineté sur les zones côtières et les mers territoriales”. Puissance terrestre, la Chine est aussi, avec un littoral de 18 000 km et des eaux territoriales de 3 millions de km2 de surface, ostensiblement tournée vers la mer.
Or, si environ 30 porte-avions sont en service dans le monde, la Chine est le seul pays parmi les 5 membres permanents du Conseil de sécurité des Nations-Unies à ne pas en posséder.
Pas de conclusions hâtives. Dès 2006, la marine chinoise a fait son entrée dans le tableau des huit plus grandes Flottes de Combat et directement en troisième position soit derrière la Russie et bien avant la Grande-Bretagne. La vraie nouveauté, à travers les faits récents, c’est l’abandon de sa vocation régionale… qui n’était que locale il y a encore moins de dix ans.
Le premier risque est évidemment une augmentation des tensions avec les Etats-Unis qui avaient tendance à considérer depuis la seconde guerre mondiale le Pacifique comme leur pré carré.
La Chine voit légitimement d’un mauvais œil les tentatives de Washington pour l’encercler à travers une série d’alliances stratégiques, particulièrement avec le Japon, l’Australie et l’Inde.
Contrainte à sécuriser ses routes d’approvisionnements énergétiques, la Chine a fait évoluer sa doctrine stratégique qui est passée de la défense de son territoire à une défense active, au-delà de ses frontières.
L’annonce de la construction d’un porte-avions et, cette première mission dans le golf d’Aden symbolisent l’émergence de la Chine en tant que puissance maritime.
Rien de réjouissant quand dans le même temps d’autres pays de la zone pacifique (Japon, Corée du Sud, Australie) renforcent également leur potentiel naval militaire. La Russie notamment prévoirait de construire six porte-avions dans les deux prochaines décennies. Contrairement à son nom, l’océan Pacifique est devenu un espace de hautes tensions.
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