Le « Vergatario » : Allo, Chávez ?
Ce n’est pas un iPhone, un gPhone ou un Blackberry. Non. C’est un cellulaire (ou mobile) tout ce qu’il y a de plus conventionnel. Il s’appelle le Vergatario et est vénézuélien. Il vient d’être lancé par Hugo Chávez en personne, en présence du vice-président chinois Xi Jinping.
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Pourquoi tout ce ramdam ? Parce qu’il sera vendu au prix imbattable de 30 bolivars (soit 11 euros au change officiel et un peu plus de 4 euros au taux parallèle !). Cela en fait le téléphone cellulaire le moins cher au monde. Il sera produit au Venezuela par la Fábrica Venezolana de Telecomunicaciones (Vetelca), une entreprise de capital mixte créée récemment, dont 85 % des parts sont détenues par l’État vénézuélien et 15 % par l’entreprise chinoise ZTE. Située dans la zone franche de Paraguaná, dans l’état de Falcón, l’usine doit assembler 600.000 appareils par an. Une seconde usine est en construction à Cúa. De quoi inonder le marché national et exporter l’objet vers plusieurs pays d’Amérique latine.
Le Vergatario n’est sans doute pas un monstre de technologie, mais il contiendra tout de même un reproducteur MP3/MP4, une radio, une caméra, une alarme, un chronomètre, une calculatrice, des jeux, un calendrier, une messagerie de texte et bien sûr... un téléphone ! À ce prix, qui dit mieux ? Il sera commercialisé à partir du mois de mai prochain par Movilnet, filiale de la compagnie téléphonique CANTV qui avait été (re)nationalisée en 2007. Pour son lancement, une promotion spéciale sera faite à l’occasion de la fête des mères.
Appareil révolutionnaire
What’s the catch ? comme disent nos amis anglophones. Où est le truc ? C’est Hugo Chávez lui-même qui le dévoile : « Ce type de progrès n’est possible que dans le cadre de la révolution ». Voilà donc le Vergatario promu en tant qu’appareil révolutionnaire –dans le sens politique du mot, bien entendu, plutôt que dans le sens technique. En ce sens, fort de son prix cassé, il doit s’opposer à des concurrents « capitalistes » bien plus chers, offerts par les grandes multinationales de la téléphonie cellulaire –Nokia, Ericsson, Motorola et consorts. Service public contre profit privé, socialisme contre capitalisme, voilà en quelque sorte sa vraie valeur. C’est une sorte de téléphone du peuple, comme la Volkswagen fut, en des temps moins cléments, la voiture du peuple.
Et pourquoi pas ? Parallèlement, la compagnie téléphonique nationale CANTV développe son réseau mobile dans de nombreuses régions rurales du pays jusqu’alors négligées, faute de rentabilité, par les compagnies privées. Par ailleurs, le satellite vénézuélien Simón Bolívar, construit par la Chine et lancé l’année dernière, permet l’accès aux télécommunications dans les régions les plus éloignées, en particulier l’immense Amazonie, où il est exclu d’installer des antennes conventionnelles. Le Vergatario est donc un élément supplémentaire dans le cadre d’un vaste plan qui vise à permettre aux plus défavorisés de communiquer dans la modernité. Que celui qui est contre lance la première pierre !
Eh bien, figurez-vous qu’il y en a qui lancent la pierre... Les mauvaises langues de l’opposition n’ont pas tardé à déblatérer sur l’initiative de la CANTV en affirmant que le Vergatario était technologiquement dépassé par rapport aux smartphones de ce monde –snobisme oblige ! Plus grave et plus pervers, ils ajoutent que l’appareil servira surtout à espionner les conversations de ses utilisateurs. Décidément, la psychose collective n’est pas morte du côté de l’opposition !
La verve du président
Un dernier mot sur le nom même de l’appareil : Vergatario. On entre ici dans le domaine de la vénézolanité la plus pure. En réalité, son vrai nom est ZTE 366, du nom de son fabricant chinois. Mais c’est Hugo Chávez en personne qui, avec sa verve habituelle, lui a donné publiquement le nom de Vergatario. Que veut dire ce mot ? Au Venezuela, il désigne quelque chose de très bon, d’excellent. En français, on pourrait traduire cela par « le battant ». Toutefois. le choix du vocable a déjà fait énormément causer dans le monde hispanophone. Il dérive en effet du mot verga qui veut dire verge, dans toutes les acceptions du terme, y compris les sexuelles. L’expression de verga désigne le plus souvent quelque chose de mauvais. Au Venezuela, elle a basculé sémantiquement vers son contraire, puis a donné vergatario, terme qui contient une connotation indéniablement positive.
Pour ces raisons sémantiques, il est donc peu probable que l’appareil soit commercialisé à l’étranger sous le nom de Vergatario. Mais au Venezuela, le nom du téléphone est déjà définitivement adopté : ce ne sera pas le ZTE 366, mais le Vergatario, le Vergatario de Chávez !
Photo : Bernardo Londoy
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