Les Directeurs Généraux de l’UNESCO : une histoire de l’audace intellectuelle
Troisième article de notre série sur les élections du Directeur Général de l’UNESCO. Après les origines historiques et les grandes actions de l’institution, coup d’oeil ses précédents « DG » : des intellectuels de haut vol, d’origines diverses et souvent audacieux.
Après avoir retracé avec vous la préhistoire de l’UNESCO, où nous avions vu qu’Einstein, Marie Curie ou encore Bela Bartok préfiguraient au sein de l’ICIC la nécessaire universalité de la coopération intellectuelle, et après avoir détaillé les grandes réalisations de l’institution (de la constitution du Patrimoine Mondial de l’humanité aux toutes premières actions en faveur du développement durable – dans les années 60 !), voici notre troisième article consacré à l’UNESCO. C’est en septembre que sera élu le prochain directeur général. Retour sur les directeurs les plus marquants d’une institution discrète mais efficace et plus mouvementée qu’il n’y paraît.

Liste des directeurs de l’UNESCO
C’est tout d’abord la diversité des profils des Directeurs Généraux qui frappe, avec 8 nationalités différentes en 9 directions (du Sénégal au Japon en passant par la France ou le Mexique). Aucun pays n’a “la main” sur cette institution, dont les Directeurs doivent être choisis avec mille précautions, précisément car sa vocation est de dépasser les clivages nationaux. Cette diversité, on la retrouve également dans l’origine des Directeurs : deux biologistes, deux éducateurs, deux professeurs de sciences politiques, un diplomate… autant de professions où l’intellect est sollicité pour comprendre la différence, une qualité essentielle pour diriger l’UNESCO, et dont ne semble malheureusement pas disposer le candidat favori pour 2009, Farouk Hosni, auteur d’une incitation regrettable à l’auto-dafé de livres juifs.

A gauche, Julian Huxley, 1er DG de l’UNESCO
C’est en second lieu l’audace intellectuelle de personnages en avance sur leur époque (qui ont su, par exemple, convoquer la première conférence intergouvernementale sur l’environnement et la durabilité en 1968, première pierre sur le long chemin du développement durable). Le tout premier directeur, le britannique Julian Huxley, avait ainsi rédigé en une quinzaine de jour un document résumant en 60 pages la philosophie de l’UNESCO “UNESCO. ITS PURPOSE. AND ITS PHILOSOPHY“, qui suscita la controverse par son parti pris laïc, écartant l’idée que la religion puisse avoir son mot à dire sur les affaires internationales. Le Sénégalais Amadou-Mahtar M’Bow, qui dirigea l’UNESCO de 1974 à 1987, avait de son côté été à l’initiative du rapport “New World Information and Communication Order”, qui initiait lui aussi une réflexion nécessaire l’inégalité dans les médias : 80% du temps médiatique consacré aux informations des pays développés, 90% du spectre hertzien détenus par ces mêmes pays, sens unique du flux de distribution des oeuvres culturelles à la télévision (les séries américaines étant visibles partout, contrairement aux productions des pays en voie de développement)… Autant de questions qui restent, par ailleurs, d’actualité.

La couverture du rapport de Huxley, 1946
C’est, enfin, la capacité des directeurs à établir le consensus par leur intégrité et leur moralité qui impressione. Parvenir à des accords importants incluant les quelques 193 pays membres de l’UNESCO nécessitent une capacité d’écoute et de proposition hors du commun. Ainsi le mexicain Jaime Torres Bodet avait-il servi 3 cabinets présidentiels différents dans son pays. L’Américain Luther H. Evans était également réputé pour ses talents de conteur, grâce auxquels il parvenait à aplanir les débats souvent houleux et longs des commissions décisionnaires, aux Etats-Unis comme à l’UNESCO. Enfin, l’actuel directeur, le Japonais Koïchiro Matsuura, a su user de tout son tact pour réintégrer les Etats-Unis à l’UNESCO en 2004, après près de 20 ans de brouille.
C’est dire si le poste de Directeur Général, dont on parle peu, ne doit pas être confié au tout-venant. C’est d’ailleurs là que le bât blesse, puisque le Ministre de la Culture égyptien Farouk Hosni est pressenti pour ce poste. Malheureusement, celui-ci ne peut se targuer d’aucune compréhension de la “diversité”, ayant su “domestiquer la culture et la mettre au service du pouvoir” selon les termes de l’intellectuel soudanais de renom Abdelwahab Al-Effendi. Aucune audace intellectuelle non plus de la part de celui qui a si longtemps empêché la traduction de livres israëliens dans son pays, incitant même les éditeurs de son pays à “développer des anticorps” (Al-Arab Al-Youm). Enfin, sa capacité à établir le consensus se rapproche plus du marchandage éhonté, après avoir réussi à éviter la colère d’Israël malgré ses diatribes anti-sémites répétées, et après avoir “volé” la candidature arabe pour l’UNESCO, comme en témoigne cet intéressant article du directeur de campagne de l’ex-candidat algérien, paru dans Libération.
Il est donc plus que temps que soit médiatisée cette élection pour éviter que la direction de l’UNESCO ne tombe entre les mains d’un incompétent, c’est aussi l’héritage de ses illustres prédécesseurs qui est en jeu. Plus d’infos sur Save UNESCO.
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