Le détournement des images. Les premiers incidents concernant les drones sont venus dès leur apparition non officielle sur le théâtre serbo-bosniaque. Là déjà, des rapports annoncent des biais concernant la sécurité de ces systèmes et ceci surement est à mettre en relation avec la présence d’instructeur russe dans les contrées guerrières de l’ex-Yougoslavie. C’est l’an passé que le problème c’est à nouveau présenté. Lors de l’arrestation d’un militant chiite, les services de renseignement se sont bornés à vérifier les données de son notebook. La perplexité des forces spéciales a alors fait le tour du Pentagone. Ainsi avec un logiciel d’environ 26 dollars, ce militant irakien avait réussi à intercepter tout les informations transmisse par un Drone Prédator qui survolait la région de Nadjaf, sous contrôle de Moqtadar al Sadr. Plus récemment, des incidents sur le terrain, des cibles ratées au dernier moment ont plongé l’armée US dans l’incertitude lors des offensives du Heldmand et la piteuse reprise de Kandahar qu’on a d’ailleurs tendance à rejouer chaque année. Là, encore, des indices ont laissé supposé que soit par l’influence iranienne ou russe, des talibans utilisaient le logiciel Skygrabber. A la base ce programme, proposé par une société russe, était prévu pour capter des images de satellites, des musiques, des films et autres denrées culturelles. Andrew Solonikov, le développeur de ce logiciel, s’est juste trouvé « étonné » de son utilisation militaire. Le contournement de l’utilisation des drones était frappant, presque inhérent à la technique et la transmission des images captées. Malgré cela, l’armée US a calmé le choc de cette information en réfléchissant à crypter les images retransmises par le drone. Belle idée qui est très difficile à mettre en place et qui cause parfois des pertes en qualité des images. En même temps, de manière absurde, l’Air Force, dont 36% de ses engins sont des drones, commandait une centaine « reaper », commercialisés par « General Atomic », ayant les mêmes faiblesses que le Prédator mais coutant la bagatelle de 10-12 millions de dollars pièce. Pour information le « reaper » serait plus rapide et mieux armé que son ancêtre Prédator.
Les drones sont ainsi devenu le cheval de Trois du dispositif américain et cela pour un achat basique de moins de 50 dollars. Certains objecteront qu’il faut une carde vidéo très robuste mais ceci n’a rien d’équivalent au cout d’un drone qui s’évalue à plusieurs millions.
La problématique stratégique de ce cryptage est crucial car on peut volontairement pousser l’ennemi à la faute… faire croire aux forces spéciales qu’un site est un point névralgique d’insurgés et organiser à l’improviste une fête civile pour avoir des images de carnage…
Les erreurs de logiciels, et les problèmes de joystick. Au delà des problèmes liés à l’adaptation des protagonistes des guerres asymétriques très modernes, les drones commencent à avoir leur petit « soucis ». Ainsi, dans un article du Hindtington Post, une liste à la Prévers des déboires des drones est effarante. La plupart de ces engins de haute-technologie, qui coute si cher, qui iront bombarder « chirurgicalement » une zone de guerre, ont leur « bug ». Ainsi, divers rapports des militaires américains s’alarment des erreurs de pilotages basiques, des programmes totalement inadéquat livrés avec leur machine. On compte les ratés festifs de ces bombes volantes dont on perd le contrôle. Parfois c’est une rupture de contact, un bug de logiciel… tout un enchevêtrement de problèmes techniques qui rendent l’utilisation de ce matériel assez périlleuse. On compte ainsi 38 crashs en plein combat de ces engins si moderne, en Afganhistan ou au Pakistan. Chaque incident de ces Reaper ou prédator coutent une fortune évidemment. Neuf autres drones ont été abimés lourdement lors de vol d’entrainement sur des bases US. Au delà de ces « explosions en vol », on compte aussi des « problèmes » dont les réparations ont couté environ 1 millions de dollars pour chaque passage « au contrôle technique ». Soit plus de 79 accidents pour 79 millions de dollars.
Dans son article sur ces tragédies techniques, David Zucchino a rappelé que les drones en Afghanistan font environ 20000 heures de vol par mois. Interrogeant Thomaz Cassidi, un membre de General Atomics, celui-ci répondit également que ces drones étaient soumis à énormément de sollicitation environnementales et que le stress du pilote existait aussi. 80% des crashs et autres soucis provenaient d’erreur humaine voire d’oubli… pour l’un, le plein de carburant n’ayant pas été fait… « un plein à 5 millions de dollars »…
Plus militairement, les hommes de terrain que ce soit lors des offensives du Heldmand, de Maja ou de Kandahar sont souvent obligés de remettre une opération pour cause de la défaillance du drone. Ainsi, sans reconnaissance ou l’assurance d’un appui aérien, bon nombre d’actions ont été annulées. Ceci montre un autre point de la difficulté de mener une guerre perdue en Afghanistan…
Les traumatismes des cybers guerriers. Suite à l’inventaire des travers de ces drones, l’armée américaine a été confronté à un malaise imprévu. Ainsi, le cyber-guerrier est soumis d’abord à un stress classique d’un pilote. Perte d’attention, activités trop prenantes et ce qu’il s’ensuit est décrit plus haut… les drones partent en vrille à l’autre bout du monde. La distance de l’écran n’empêche pas le soldat de ressasser les images de jeux vidéo et la responsabilité d’avoir armé la machine et d’avoir explosé des hommes en un clic. Pour l’instant, les « UVA operators », ou pilotes de drones avouent surtout une forme de sensation bizarre. Ainsi, le Lt. Col. Michael Lenahan, au 196ieme escadron de reconnaissance, décrivait son occupation comme assez particulière… d’une heure à l’autre, il pouvait bombarder un point de l’Afghanistan et juste après mener une partie de Golf sur une base d’Arizona. Des propos plus anonymes disent déjà ouvertement que les UVAoperators sont de véritables snipers mais qu’ils n’ont aucune formation ou préparation à cet effet. En aparté, le sniper américain est bien pris en charge habituellement, alors qu’en France, j’ai eu croisé des anciens tireurs qui avaient fait du dégât en Afrique occidentale et qui à leur retour était tombé en grande précarité sans la moindre aide quelconque…
La sale guerre des drones. Pour finir ce panorama atypique des drones, j’aurai une pensée pour Perbez Hoodboy, un scientifique nucléariste reconnu du Pakistan. Il s’est exprimé à plusieurs reprises sur ce sujet notamment dans le Dawn, le journal équivalent du Monde au Pakistan. Par amitié, j’aimerai retracer sa perception de l’utilisation des drones. Dans son article du 9 mars 2008, il aborde « la guerre des drones ». Il met en parallele les drones de grande technicité à d’autres beaucoup moins couteux qui sont des « drones humains » vêtus de ceintures bourrées d’explosifs. Ainsi Pervez énumère : le MQ-1B General Dynamic Predator qui s’est abattu sur Damadola tuant au passage 18 personnes dont 5 femmes et 5 gamins. Il pointe aussi le massacre de Bajaur en Octobre 2006 fauchant 85 étudiants qui furent pris pour des militants d’Al Qaeda par bêtise. Pervez est intarissable sur ces « erreurs tragiques ». Il oppose à ces drones sophistiqués, d’autres drones totalement endoctrinés dans leur fascisme religieux et qui se font sauter souvent au milieu de foules compactes…
Aussi, pour creuser un peu le texte de Pervez ici condensé au maximum, il faut peut être se poser la question fondamentale de cette guerre. On voit des drones très couteux face à une autre armée de drones qui est favorisée par l’illettrisme, la pauvreté et l’injustice. Un seul massacre de civil comme celui qui explosa les noces d’un village Afghan en 2008 peut produire des dizaines de vocation de revanche… Face à la technicité « désinvolte » de ces drones pilotés de loin, des populations vivant dans la peur de ces engins et dans l’angoisse de frappes aveugles risquent de produire des générations de « drones humains » bien plus difficiles à contrer que n’importe quelle armée conventionnelle. En phase avec cette logique, un récent rapport de l’ONU, daté du 2 juin dernier, avise que désormais l’utilisation des drones pourra être incluse dans les qualifications de « crime de guerre ». Rappelons ainsi qu’en mai 2009, David Kilcullen qui est un consultant très avisé sur le domaine constatait que depuis 2006, seulement 14 membres éminents d’Al Qaeda avait été réduits en poussière par des drones mais que plus de 700 civils avait été victimes des Prédators et autres “systèmes non habités”. Dans un article reprenant ses propos devant le Congres, Kilcullen aurait finit par lâcher ironiquement que des tribus pachtoun sont éduqués à la guerre selon des principes de combat au corps à corps, dans un esprit de respect guerrier (on combat face à son ennemi), et que les armes américaines sont celles de « rogue states » : « lâcher une bombe de 10000 pieds ne pouvait être qu’une source d’esprit de revanche et donc s’avérait être un moyen bien contreproductif ».
En conclusion, les drones ne sont en aucun cas le magnifique objet qu’on veut bien présenter. Au contraire, ils sont peut être la source de dérapages futurs concernant des zones de guerre asymétriques, de plus en plus bercées par des influences plus globales.
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