Les Houthis vont-ils cesser leurs attaques ?
Quiconque connaît l’histoire du groupe Houthi et l’évolution de ses relations avec l’Iran au cours des dernières années et décennies sait que la décision sur la manière de répondre aux récentes attaques des États-Unis et de leurs alliés contre l’infrastructure Houthi n’est pas entre les mains d’Abdul-Malik Al Houthi. Il s’agira simplement d’un avis consultatif de sa part ou de celle de ses camarades. Par conséquent, la discussion analytique devrait se concentrer sur la réponse attendue de l’Iran.
Les Etats-Unis reconnaissent que leurs attaques contre les zones du Yémen contrôlées par les Houthis ne sont pas, en fait, des frappes d’écrasement, mais des messages. Il s’agit de faire savoir au principal commanditaire qu’il existe une banque cible qui peut être bombardée par la coalition Prosperity Guardian. Plus important encore, l’administration Biden veut réaffirmer sa détermination à défendre ses politiques et ses positions et prouver qu’elle est capable de recourir à la force si nécessaire. Dans le passé, cette capacité a été mise en doute non seulement par l’Iran, mais aussi par tous les alliés de Washington au Moyen-Orient sans exception.
La notion de volonté de faire la guerre reste une dissuasion ouverte, ce qui signifie que les frappes qui peuvent être lancées contre les quartiers généraux et les bases militaires risquent de ne pas être efficaces. Ce sont ces mêmes frappes qui peuvent être dirigées contre les installations stratégiques et vitales ainsi que contre les chefs de pouvoir, qu’ils soient dans le groupe Houthi ou ailleurs.
Washington veut désormais mener une véritable politique de la carotte et du bâton.
Le bâton a peut-être été efficace ces derniers temps, mais la carotte n’est plus, pour les Iraniens, liée au programme nucléaire et à l’influence régionale. Il s’agit plutôt de « prévention des dommages », c’est-à-dire de ne pas agir contre les mandataires iraniens et d’empêcher Israël d’entreprendre une action militaire contre eux. Nous devons reconnaître que les Houthis, qui sont soutenus par les Iraniens, ne cherchent pas vraiment à se confronter directement à Israël ou à l’alliance américaine. Cependant, ils ne renonceront pas à la publicité et aux gains politiques qu’ils ont obtenus en annonçant le bombardement de navires et d’embarcations à destination d’Israël en soutien au peuple palestinien. Il faut donc s’attendre à ce que les Houthis poursuivent ce jeu futile tant qu’ils pourront se poser en rivaux non seulement d’Israël mais aussi des grandes puissances internationales. Les attaques de la coalition contre les bases houthies au Yémen ne suffiront certainement pas à mettre un terme à leurs opérations en mer Rouge. L’Iran a encore la possibilité de tester la détermination de l’administration Biden et sa capacité à intensifier le conflit en cours à Gaza, surtout si l’on considère l’absence d’accord des alliés régionaux des Etats-Unis, en particulier l’Arabie saoudite, pour ouvrir un nouveau front régional au Yémen.
Il est donc probable que les Houthis reprennent leurs opérations anti-navires, et peut-être les intensifient contre les unités navales américaines et britanniques, dans un jeu de guerre extrêmement propagandiste, dans le cadre d’un jeu complexe de mélange des cartes régionales et internationales orchestré par l’Iran, conduisant à un moment où de nouvelles mesures de sécurité dans les traversées maritimes sont convenues, fournissant à l’Iran et à ses mandataires une influence proportionnelle aux menaces qu’ils posent à la sécurité mondiale. Pour être sûr, les opérations américaines et britanniques contre les Houthis ouvrent la porte à une variété de scénarios. Mais l’objectivité exige de reconnaître que les Houthis n’ont laissé de choix à personne dans cette affaire. Le problème de la menace de la sécurité d’un passage maritime vital comme le détroit de Bab el-Mandeb ne peut pas être simplement ignoré. Rien ne justifie de continuer à menacer la navigation dans le détroit et la mer Rouge, même si l’objectif déclaré est d’appeler à la fin des combats à Gaza. De telles pratiques ont un impact négatif, détournant relativement l’attention de ce qui se passe dans les territoires palestiniens et sapant la sympathie internationale pour les victimes civiles palestiniennes, puisque la protection des causes justes ne peut être obtenue par des moyens illégaux ou nuire à d’autres, comme dans le cas des attaques contre les navires et le commerce international sur la seule base de la suspicion qu’ils appartiennent à Israël ou qu’ils ont un propriétaire israélien.
Je suis convaincu que l’Iran s’est mis dans une position stratégiquement difficile et très complexe en permettant à ses mandataires d’ouvrir tous les fronts à la fois. Même si l’escalade de ces mandataires est calculée et très prudente, elle constitue une menace pour Israël et pour le monde, comme dans le cas des attaques des Houthis.
Par conséquent, l’Iran est confronté à des scénarios catastrophiques dans lesquels il est possible de détruire tous ses mandataires régionaux d’un seul coup, ou du moins d’éliminer leur capacité d’agir et d’exercer une influence. Cela pourrait obliger l’Iran à intervenir directement pour protéger son investissement massif dans ces mandataires ou parce que le sort de son régime est largement lié à celui de ces agents.
Cela mettrait Téhéran face à un scénario qu’il tente d’éviter depuis longtemps, à savoir s’engager dans une guerre ouverte et directe avec ses adversaires stratégiques, à un moment où il ne peut attendre une position internationale pour calmer un conflit potentiel, alors que les relations de la Chine avec les États-Unis se détériorent et que Pékin veut rester en dehors des conflits en cours au Moyen-Orient, comme le montre sa réponse à la guerre de Gaza, ajouté à l’incapacité de la Russie à fournir un soutien diplomatique ou militaire à son allié iranien.
La seule chose qui permet d’être optimiste quant à l’absence d’escalade et d’élargissement du conflit est le fait que les Etats-Unis continuent de compter sur le réalisme du régime iranien et sur sa propension à défendre ses intérêts lorsqu’il est menacé. Washington continue donc d’envoyer à Téhéran signal indirect après signal indirect par l’intermédiaire de mandataires, afin d’éviter d’alimenter une conflagration régionale qu’il sera ensuite difficile de contrôler.
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