Ils sont 150 millions au moins dans le monde à souffrir de persécutions. Pourtant, à part quelques brèves ici ou là, aucun vrai reportage n’a depuis longtemps été fait sur le sujet. Il se pourrait bien cependant que le phénomène sonne à plus ou moins long terme le glas de nos démocraties occidentales. Regard sur ces nouveaux martyrs de la foi, dont le sort n’a rien à envier à une Blandine sacrifiée dans l’arène de Lyon au temps les plus sanguinaires de l’empire romain.
C’est sous la plume de Raphaël Delpard que vient de sortir aux Editions Michel Lafon un livre alarmant sur un phénomène quasiment ignoré de la presse internationale : la persécution des chrétiens aujourd’hui dans le monde. « En actionnant la sonnerie, dit l’auteur, je n’agis pas par militantisme chrétien : je suis athée, mais poursuis un combat commencé avec d’autres livres en faveur des droits de l’homme et de la préservation de la dignité des individus… Devant l’importance du problème, l’ampleur du drame qui se joue sous ses yeux, le peuple occidental, avec toutes ses composantes religieuses et politiques devraient être debout, uni dans le même combat, laissant pour une fois clivages et rivalités de côté. Parce qu’il y va de notre salut à tous. Nous taire et ne pas agir, c’est accepter l’effacement des chrétiens de certains pays comme s’il s’agissait d’un événement inévitable ; or nous devons le savoir : leur disparition pourrait entraîner aussi, et d’une façon irréversible, celle de l’Occident tout entier. C’est l’objectif revendiqué par les islamistes. L’enjeu est donc de taille, et le défi important à relever. »
La carte de la persécution
Selon l’Association
Portes Ouvertes, qui œuvre depuis des décennies au service de l’Eglise persécutée, 150 millions de chrétiens de différentes confessions seraient victimes, à des degrés divers, de persécutions dans le monde. Le palmarès des 10 pays les plus violents et les plus hostiles au christianisme s’établit comme suit : vient en tête la Corée du Nord suivie de l’Arabie Saoudite, de l’Iran, l’Afghanistan, la Somalie, les Maldives, le Yémen, le Laos, l’Erythrée et l’Ouzbékistan. Pour la petite histoire, un reportage a montré que plusieurs des réfugiés qui occupent la « jungle » de Calais sont des chrétiens érythréens qui ont fui leur pays d’origine à cause de leur foi. Il devrait être normal qu’un pays de droit comme la France leur accorde au moins l’asile politique.
Des violences extrêmes
Même si c’est au régime mégalomane de Corée du Nord que la palme de la persécution revient, de manière générale, il apparaît que ce sont les chrétiens d’origine musulmane qui souffrent le plus. Des rapports effrayants et quotidiens font ainsi état partout dans le monde d’une recrudescence sans pareille de viols, de violences et d’enlèvements destinés à forcer ces convertis à leur foi d’origine. Citons quelques cas relevés par Raphaël Delpard :
« Au Nigeria, une institutrice chrétienne est lapidée jusqu’à la mort devant l’école où elle enseignait, accusée par une élève d’avoir touché son cartable dans lequel se trouvait un exemplaire du Coran… Le 7 avril 2007, la jeune Doua al-Aswad, jeune adolescente kurde, est assassinée sur ordre d’un tribunal et avec le consentement de ses parents pour s’être convertie au christianisme. L’exécution de la sentence par des hommes fous qui continueront à s’acharner sur son corps mort sera filmée et fera, par Internet, le tour de la terre… En Egypte, l’appartenance à la religion fait partie des éléments devant figurer sur la carte d’identité. Plusieurs jeunes filles chrétiennes témoignent qu’il leur est impossible de suivre des cours universitaires pour la seule raison qu’elles ne sont pas musulmanes… »
Les pays islamistes n’ayant guère envie que les organisations attachées aux droits de l’homme se penchent sur la persécution des chrétiens, tentative a été faite lors de la dernière conférence de Genève sur le racisme (Durban II) d’imposer, pour cause de discrimination, une clause de délit de diffamation des religions. Plusieurs ONG de défense des chrétiens persécutés ont profité des moments informels pour alerter les membres présents du vécu des minorités chrétiennes dans le monde et, plus particulièrement, en terre islamique. Sensible à la cause des nouveaux martyrs, je ne peux que me réjouir du fait que, malgré les pressions, ce nouveau délit de diffamation des religions n’ait pas été retenu.
Le Soudan
Je ne peux terminer cet article sans évoquer le cas particulier du Soudan, relevé aussi par le livre de Raphaël Delpard. Un élément méconnu d’importance est, en effet, la plupart du temps occulté par les commentateurs du drame du Darfour, élément pourtant relevé à maintes reprises par des organisations telles que l’UNICEF ou la Commission des droits de l’homme de l’ONU. Cet élément fondamental est d’ordre religieux. Il est dans l’expression de haine viscérale que vouent les Arabes blancs musulmans du Darfour envers les Arabes soudanais chrétiens et noirs. De 2000 à 2007, un flux important de migrants a ainsi quitté le pays pour frapper à la porte d’Israël, via l’Egypte, posant à l’état hébreu un véritable problème d’accueil pour tous ces demandeurs d’asiles.
De façon inquiétante, l’agressivité de l’islamisme se conjugue avec la souffrance de nouveaux martyrs. Manifestement, les leçons de l’histoire, plus particulièrement celles vécues du temps de l’empire romain, n’ont pas été apprises. Selon l’expression célèbre de Tertullien, un des pères de l’Eglise, « le sang des martyrs est toujours quelque part une semence de chrétiens. » En témoigne, par exemple, Mosab Hassan Youseb, ancien membre du Hamas, devenu chrétien réfugié aux Etats-Unis, qui a définitivement tourné le dos à l’Islam, écoeuré par les atrocités commises par ses anciens coreligionnaires. Tous les jours, bravant les menaces, de nouvelles personnes, partout dans le monde, continuent à adhérer au christianisme. Pour autant, cela ne dédouane ni les coupables d’atrocités envers les chrétiens, ni le silence passif de nos démocraties qui, la plupart du temps, font comme si de rien n’était.