« Les Palestiniens sentent la liberté »
Dimanche 15 mai, des milliers de personnes ont marché en direction d’Israël pour commémorer Youm Al Nakba, « le jour de la catastrophe » qui marque la création de l’état d’Israël en 1948 et le début de l’exode de centaines de milliers de Palestiniens.
Au sud du Liban comme en Syrie, des débordements ont eu lieu, plusieurs personnes ont été tuées et des centaines blessées par l’armée israélienne. 100 à 200 manifestants venant de Syrie sont parvenus à pénétrer dans le plateau du Golan et sont arrivés au village druze de Majdal Shams, occupé par Israël depuis 1967.
Deux mois plus tôt, une page Facebook intitulé « troisième intifada » est créée. Elle invite tous les Palestiniens à entamer une grande marche de retour vers leur terre.
Jawad et Samer sont deux étudiants de 24 et 25 ans. Ils sont palestiniens et habitent tous les deux à Damas. A une semaine du grand jour, ils ne parlent déjà que de ça, marcher vers la Palestine. Jusqu’alors, toutes les conversations se concentraient sur les violences qui se déroulent en Syrie, sur la répression du régime de Bashar Al Assad mais d’un coup ils n’ont plus que deux mots à la bouche, « troisième intifada ». Pourtant, lorsque je leur demande ce qu’ils feront si ils y arrivent, ils me regardent en souriant. Ils n’en ont pas la moindre idée, en fait, ils ne pensent pas y arriver. Les jours ont passé, les télévisions syriennes ont diffusé les nouvelles, et quand je les ai revus, ils m’ont raconté.
« Nous marchions sans peur »
« Ce que nous avons fait aujourd’hui, personne ne l’a fait avant nous ! ». Jawad rayonne, il ne tient pas en place, lève les bras, n’entend même pas les questions que je lui pose. « Pour la première fois de ma vie, j’ai pu marcher dans le Golan, pas comme lorsque nous allons à Quneitra le 17 avril avec des porte-voix » (jour de l’indépendance en 1946 qui a mis un terme au mandat français). Samer, est assis, silencieux, un peu prostré, « je ne pense qu’à ça, il faut que nous y retournions ». Mais Jawad ne le laisse pas parler, il embraye immédiatement Il décrit sa joie, d’être arrivé aussi près du village d’un de ses amis druzes qu’il n’a pas vu depuis un an et qui ne peut revenir en Syrie depuis qu’il a terminé ses études. Les larmes lui montent aux yeux.
« Nous marchions sans peur, personne ne pensait aux mines, nous sentions simplement l’air de la liberté, l’air de notre terre. J’ai traversé la frontière en pleurant et en criant, mon keffieh sur la tête à cause des gaz lacrymogène. Mais les soldats n’osaient pas tirer car nous étions des milliers. Après un moment, sous le choc je me suis arrêté et je me suis demandé, est-ce que je veux continuer et risquer de me faire tuer ou rentrer ? Je suis rentré, car je crois qu’il y aura une autre chance. Et je sais une chose maintenant, je n’ai pas peur ». Samer hoche la tête en silence avant d’ajouter, « j’avais comme perdu mes sens, je sentais simplement que je faisais quelque chose, sans vraiment comprendre quoi. Je voulais sentir la terre, ma terre et celles de mes ancêtres. Je n’oublierai pas avoir respirer cet air, il y a la Palestine un peu plus loin et Safad, ma ville, à 2 heures d’ici. »
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