Les rencontres rendent intelligents
En ces temps de renfermement sur soi, de peur exacerbée de l’autre, de recherche perpétuelle de boucs émissaires, de pensée unique véhiculée par un nombre restreint d’intervenants, il est rafraîchissant d’entendre d’autres sons à défaut d’images car les grands médias sont trop accaparés, sûrement.
Des personnalités riches, fortes, puissantes existent, sis, dont les opinions interpellent et c’est tant mieux.
Albert
Jacquart était ainsi à Nancy. Ce généticien membre du Comité
consultatif national d’éthique n’a pas manqué d’aborder la
problématique d’éventuels prélévements d’ADN. Rappelant au passage que
nous avions tous un ADN, il estime qu’"on ne peut réduire un homme à
son ADN".
Ouf nous voilà sur une autre planète, un endroit où l’on réfléchit, où l’on parle calmement et posément, où l’on n’intervient pas qu’en prévision de l’impact de ce que l’on va dire. Cela fait bizarre.
"La
terre est toute petite et accueillera bientôt 8 milliards de personnes.
Les mouvements migratoires sont obligatoires et il faudra s’adapter."
Cette
évocation simple des enjeux de demain loin de toute ambition politique
laisse pantois. Pour cet humaniste chantre de la sensibilisation le
salut passe dans les échanges, les rencontres quand d’autres prônent un
protectionnisme à tout crin ou le droit du sang voire un nouveau droit,
celui de l’ADN, doit prévaloir.
Sa philosophie est volontariste, ambitieuse et en même temps effroyablement éloignée des débats actuels :
"Je n’ai pas de solution : mon objectif, ce n’est pas de construire la
société de demain, c’est de montrer qu’elle ne doit pas ressembler à
celle d’aujourd’hui."
Nous voilà à l’orée de discussions
fabuleusement riches et d’engagements citoyens autrement plus
conséquents que lors d’un Grenelle de l’environnement si limité à nos
petites frontières. Saurons-nous saisir ces perches ? repousser les
frontières, en rêver de nouvelles plus éloignées ?
Des frontières... tout se passe actuellement comme si notre société inventait chaque jour de nouvelles restrictions, de nouvelles
barrières, bâtissait des murs de protection contre toutes les menaces à
venir. Car l’avenir fait forcément peur, il est forcément menaçant et
notre souci quotidien est de nous protéger, de nous préserver. Le
mouvement d’opinion à l’encontre des fonctionnaires en France est à ce
titre assez cocasse car l’esprit décrié du petit travail tranquille est
celui défendu par une majorité d’entre nous à l’échelle de notre
quotidien : vivre au sein d’un petit pays tranquille une petite vie
tranquille. En fait on rêve donc de devenir suisse...
Cela peut plus
facilement expliquer pourquoi les grands problèmes économiques de ce
monde nous passent tellement au-dessus, la France, en premier lieu ses
politiques, ne se passionnant que pour ses débats intérieurs : prix du
baril de pétrole, taux d’échange dollard-euro, qualité de la production
chinoise, menaces islamiques, famines, guerres civiles...
Aux
antipodes se trouve Titouan Lamazou dont l’ouvrage Femmes du monde
(et l’exposition parisienne qui y est consacrée) est une authentique
merveille. De ces portraits de femmes du monde entier, rencontrées,
dessinées, photographiées, ressort une beauté, une humanité, une diversité superbes.
Au-delà,
ce grand navigateur, aventurier, homme libre, pointe du doigt un des
grands malaises de notre temps : "Je ne m’étais pas rendu compte à quel
point la libre circulation en ce monde s’était dégradée depuis 30 ans."
Et son voyage date d’avant septembre 2001 alors imaginez...
Et
d’avoir cette formule particulièrement saisissante : "Les Etats-Nations
sont devenus des Etats-prisons pour le plus grand nombre de leurs
ressortissants."
C’est donc le thème du déplacement qui paraît pour
lui au coeur de nos dysfonctionnements. Le déplacement des hommes, pas
celui des marchandises ou des données. A l’heure de l’internet, de la
vitesse, de la mondialisation, les cultures ne se partageraient pas,
les échanges autres que commerciaux ne pourraient se réaliser. Ainsi se
défendraient les nations devant le risque de changement, d’évolution,
la peur de demain.
Pour se présenter et expliquer son attachement à
la planète plutôt qu’à un pays, il a cette formule magique : "Je suis
béarnais par mon père et... romantique par ma mère."
Alors que notre
pays se félicite d’une protection future basée sur le fichier ADN des
nouveaux venus comme panacée à notre confort, les voix de ces deux
hommes brillants peuvent nous inciter à penser que tout n’est pas aussi
simple ni aussi simpliste. Ouf.
Puis ça donne envie de voyager aussi, et ça redonne ses lettres de noblesse au romantique, quand la romancière Louky Bersianik écrit : "La liberté devrait être le seul romantisme de l’être humain. C’est cela qui est respectable dans l’homme"...
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