Liban : Les contradictions d’un gouvernement d’union nationale
Sitôt formé, le gouvernement d’union nationale se démène déjà dans ces problèmes.
Non pas dans les problèmes quotidiens des libanais, problèmes sociaux comme l’appauvrissement de la population, économiques comme la crise dans laquelle se démène l’industrie locale avec la faillite d’industrie comme Unicéramique ou politiques locaux et régionaux comme les menaces israéliennes et la guerre prévue pour le printemps prochain, mais dans les propres contradictions de la majorité parlementaire avec les menaces de retrait des partis phalangistes et voire même au sein du 14 Mars lui-même avec Michel Pharaon qui aurait rejeté sa participation au gouvernement.
Assurément, les grands gagnants sont du côté tout d’abord de l’opposition qui même si elle a perdu les élections en terme de nombre parlementaires élus en juin 2009, avait remporté 54% des voix sur l’ensemble du Liban, démontrant l’inconsistance de lois électorales par rapport à la notion de démocratie, c’est-à-dire de gouvernance par une majorité populaire en antagonisme dans le cas libanais avec une majorité parlementaire.
Le Liban n’a jamais eu droit historiquement à la démocratie véritable, ceci se poursuit actuellement, en raison de l’ingérence de puissances extérieures, qu’elles soient françaises puis britanniques ou américaines dans les années pré-guerre civile, syriennes et saoudiennes durant la dernière occupation, voire aujourd’hui dans le conflit entre axes syro-iraniens d’un côté et israélo-américains de l’autre avec la balance saoudienne.
Le gouvernement d’union nationale, tel que formé aujourd’hui, est plus que nécessaire pour stabiliser une situation, pour empêcher qu’un nouveau conflit civil apparaisse au Pays des Cèdres. Saad Hariri, via ses concessions à l’opposition l’a peut-être compris, Dieu seul sait. Ceux qui mettent des bâtons dans ses roues, au motif d’intérêts locaux, agissent en fait pour l’étranger, “you name it”.
En cela, le repositionnement politique de Walid Joumblatt, la médiation de Sleiman Franjieh ou de Nabih Berri entraient dans les équations politiques, il fallait reconstruite des ponts, quitte à faire des sacrifices, au risque de mécontenter certains de leurs alliés même, comme les Forces Libanaises qui faisaient l’écho des demandes américaines, proxi aux demandes israéliennes de ne pas voir le Hezbollah au sein de ce gouvernement, Saad Hariri était ainsi obligé par Walid Joumblatt, par sa volonté de voir figurer dans le gouvernement qu’il formait le Hezbollah, de devoir accorder une oreille plus qu’attentive aux demandes du CPL, demandes aujourd’hui obtenues avec les ministères des télécoms et de l’énergie.
Joumblatt, ainsi, a sacrifié ses violentes diatribes anti-syriennes pour un certain pragmatisme politique prenant en compte le changement d’équilibres régionaux en faveur de l’axe syro-iranien, pour calmer les choses sur le terrain libanais, empêcher que les circonstances régionales influent négativement sur le Liban, chose que le général Aoun avait compris il y a fort longtemps avec la conclusion en février 2006 d’un Mémorandum d’entente commun avec le Hezbollah. Un shift à 180 degré, accusaient alors ses alliés de circonstance de l’époque du 14 Mars, aujourd’hui adversaires.
On remarque qu’à chaque fois qu’il y avait l’espoir d’un règlement de la crise politique, la valse diplomatique reprenait, avec celle de l’ambassadrice américaine à Maarab, de Kouchner au Liban pour garder le pays sous pression, le rendre comme une marmite les conflits régionaux pourraient éclater de manière limitée, tandis que la Syrie – principale accusée du blocage dans le processus de formation – espérait récolté les fruits d’une bonne volonté et rompre son isolement diplomatique avec l’exemple de la prochaine venue de Bachar al Assad à Paris le 13 novembre prochain.
Certains pays espéraient voir le Liban se transformer en un lieu de bataille pour éviter une guerre généralisée entre sunnites et chiites par exemple comme se fut malgré tout le cas en Irak et ce qui aurait pu déborder dans certains pays du Golfe ou en Arabie Saoudite comme le démontre aujourd’hui les actions militaires saoudiennes contre les rebelles chiites du Yémen, actions pourtant réfutées par Riad, entre israéliens et arabes comme en juillet 2006, voir en conflit de civilisation.
Le Liban est un laboratoire, mais au mauvais sens du terme. Un laboratoire d’équations régionales, permettant de voir qui sera le gagnant. Les conflits libanais sont expliqués par l’accaparement du pouvoir par une certaine communauté religieuse ou ethnique. On a eu des cas de conflits entre druzes et chrétiens au XIXème siècle, entre chrétiens et musulmans en 1958, entre vision occidentale et panarabe en 1975, on aurait pu, avec les évènements des dernières années avoir un conflit entre sunnites, actuelle classe dirigeante et chiite, communauté à la dynamique positive.
Alors que faire du Liban ?
Une démocratie véritable signifie que le système politique libanais doit changer pour prendre en compte, soit les communautés dynamiquement en puissance, ce qui implique que les communautés sur le déclin doivent laisser passer leur pouvoir, si toutefois on désire rester dans un modèle de “démocratie consensuelle”, notion par vraiment démocratique en fin de compte, soit aller de l’avant, refuser l’interaction communautaire et religieuse dans notre système politique. Mais est-on prêt à laisser tomber ce système politique communautaire qui n’aura de cesse que de nous pousser vers l’abime des conflits fraternels.
La solution intermédiaire pourrait être fort malheureusement un palliatif sans saveur, celui non pas d’une remise à plan d’un système politique mais celui d’un amendement de la constitution libanaise et des accords de Taëf, une solution à court terme passant par le retour des prérogatives de la Présidence de la République au détriment de celles du premier ministre, pour que ce dernier joue le rôle d’équilibre qu’il lui ait normalement dû, mais également au détriment du Président de la Chambre des Députés, véritable centre du Pouvoir politique, on n’est pas dans un régime démocratique parlementaire, mais une dictature parlementaire au mieux, un oligopôle politique au pire.
Parce qu’en fin de compte, tous les libanais sont des frères, ils sont obligés de vivre ensemble qu’on le veuille ou pas, tout comme les libanais sont obligés de vivre avec comme voisins les syriens et les israéliens. Le prix de la Paix est l’abandon de nos croyances et de nos préjugés communautaires et religieux, cantons chrétiens ou druzes, nation islamique, état arabe ou panarabe pour celui de la construction d’une nation libanaise.
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