Lithium : et si c’était vrai ?
Si la presse internationale s’extasie régulièrement devant le cours du baril de pétrole qui s’est envolé de plus de 180% en cinq ans, celui du lithium a littéralement décollé : +857% sur la même période. Le prix de la tonne de lithium est ainsi passé de 350 dollars en 2003 à plus de 3000 aujourd’hui, témoignant d’un engouement international pour ce métal à la texture molle, présenté par certains comme le pétrole du futur.
Le lithium est effectivement utilisé pour concevoir les batteries lithium-ion, très légères, peu volumineuses, et dont la capacité de conduite d’électricité permet d’être utilisée dans le cadre d’automobiles électriques. Actuellement, les batteries lithium-ion ne sont utilisées que pour des appareils électroniques tels que portables et ordinateurs : la croissance des batteries lithium-ion a d’ailleurs pris des proportions vertigineuses ces dernières années : +50% de batteries lithium-ion dans les téléphones portables, +23% dans les ordinateurs portables. Les raisons de cet engouement ? La légèreté du lithium, un argument de poids face aux batteries nickel-métal hydrure, pourtant présentées il y a encore une vingtaine d’années comme batteries du futur.
Le lithium bolivien au coeur des convoitises
Si les batteries lithium-ion venaient à alimenter plus tard nos automobiles, la Bolivie deviendrait certainement le Moyen-Orient des prochaines décennies, un eldorado énergétique qui suscite beaucoup d’espoir au sein de ce pays de quelques 10 millions d’habitants. En effet, alors que 65% de la population vit sous le seuil de pauvreté et que l’indice de développement humain ne dépasse guère les 0,6 point, la Bolivie concentre sur son territoire plus de 70% des réserves mondiales de lithium, qui à défaut d’être aujourd’hui exploitées, suscitent nombre de convoitises.
Le groupe français Bolloré a d’ores et déjà fait part de son intérêt pour le lithium bolivien, nécessaire à la commercialisation de sa "blue car", au même titre que les firmes japonaises Mitsubishi et Sumitomo. Depuis quelques temps, nous avons une proposition de la France, et il y a des experts dans le domaine du lithium pour construire des voitures avec des batteries au lithium avait affirmé le président bolivien Evo Morales, avant de se rendre en France pour entamer des négociations avec Vincent Bolloré. Les Etats-Unis lorgnent eux aussi depuis un certain nombre d’années sur le lithium de Bolivie, la société américaine Lithco avait d’ailleurs en 1990 commencé un travail d’extraction, avant que le nationaliste Gonzalo Sánchez de Lozada ne vienne l’en empêcher.
Exploitation du lithium bolivien : un dilemme écologique
Mais le lithium bolivien présente une faille de poids, susceptible de ralentir la date de lancement de son exploitation. L’essentiel des réserves se trouvent en effet dans les bas-fonds du désert salé de Uyuni, vestiges d’un ancien lac d’eau de mer, merveille naturelle (voir photo ci-dessous) dont la destruction serait une conséquence inévitable de l’exploitation du lithium qu’il recèle.
Plusieurs associations environnementales se sont déjà dressées contre l’exploitation du désert d’Uyuni, ainsi que le secteur touristique local. Mais face à l’espoir de milliers de déshérites que véhicule l’exploitation du lithium et le travail qu’elle apportera aux populations locales, il sera difficile de parvenir à préserver cet édifice naturel somptueux. Aujourd’hui, rien ne certifie que le lithium d’Uyuni ne sera un jour exploité. Or, comme le souligne un économiste bolivien, si nous n’entrons pas dans la course maintenant, le marché trouvera d’autres solutions pour les besoins mondiaux de stockage de l’énergie.
Le lithium est-il une alternative au pétrole ?
Le lithium abonde-t-il en quantité suffisante sur la planète pour palier l’épuisement des nappes de pétrole ? Les experts ne cessent de se contredire sur la question, mettant en doute la capacité du lithium à alimenter les batteries lithium-ion pour l’ensemble du secteur automobile mondial les prochaines décennies.
En effet, tandis que le gouvernement américain évalue les réserves mondiales de lithium exploitables à 11 millions de tonnes, un cabinet scientifique français a quand lui émis le chiffre de 234.000 tonnes, ce qui, en prenant compte du lithium utilisé dans les mobiles et portables, ne permettrait de consacrer que 31.000 tonnes aux futures voitures électriques, soit moins de 1,5 millions d’automobiles. Mais si l’on se base sur les estimations américaines, les réserves de lithium seraient amplement suffisantes à la fabrication d’automobiles pour plus d’un siècle. Difficile donc, de promouvoir le lithium au titre de pétrole du futur si aucune garantie n’est apportée quant aux réserves disponibles...
Dans les conditions actuelles, affirmer avec certitude que l’ensemble de nos automobiles fonctionneront dans les prochaines décennies avec des batteries lithium-ion relève de la supposition. L’hypothèse la plus crédible se trouve dans le développement des voitures fonctionnant aux bio-carburants, tandis que la voiture électrique lithium-ion ne sera que minoritaire dans le parc automobile mondial. Quant à la Bolivie, le statut de moyen-orient du XXIème qu’elle compte obtenir nécessite que l’exploitation du lithium qu’elle possède soit entreprise prochainement, au risque de voir des technologies plus modernes émerger. Nissan a d’ores et déjà annoncé travailler sur un modèle de batteries dont l’autonomie, de 500 kilomètres, serait trois fois plus importante que les lithium-ion...
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