Ma femme tu seras présidente !

Depuis hier soir, nous savons de manière plus précise qu’Omar Bongo est mort. Mais ce qui aura marqué cette fin de parcours, c’est ce dérapage du gouvernement gabonais, ce spectacle ridicule offert à toute la planète : démentis et contre démentis. Comme si Bongo était un immortel. Un timonier indétrônable ne serait-ce que par la maladie, l’usure et la fatigue. Ce pugilat par médias interposés a donné lieu à une cacophonie typique aux gouvernants africains.
Ces missi dominici
Le seul débat qui vaille dans tous les arcanes du pouvoir en occident, c’est celui de la fin tragique des dirigeants africains, et l’instabilité institutionnelle qui va s’en suivre. Il y a tout juste un an, au Cameroun, le président du Cameroun a commencé à se montrer en public au défilé civil et militaire marquant la fête nationale du 20 mai, avec son épouse Chantal. Ce qui n’a pas manqué d’intriguer l’opinion camerounaise. Il en est de même au Gabon, où dans la fin des années 80, la vingtaine amorcée, qu’Omar Bongo a commencé à se montrer en public avec son fils Ali Ben et sa fille Pascaline. Le trouble est encore grand quand on sait que pour avoir une place dans l’Etat du Cameroun, il faut succomber aux charmes de la première dame. Les emplois civils et militaires seuls domaines réservés du président Paul Biya, sont maintenant l’affaire d’un clan tribal aux mains de l’illustre première dame. Au Gabon, il en est de même de la caste Bongo. Nous ne sommes pas surpris de voir un ministre être désavoué par Pascaline ou Ali Ben. Notre surprise n’est pas grande de voir Chantal Biya gérer de main de maîtresse les marchés publics, les recrutements dans la police et l’armée. Depuis qu’Omar et Paul, ces protégés de la Françafrique dirigent de manière intransigeante ces deux Etats aux relents de Républiques bananières, la communauté internationale est suspendue à leurs faits et gestes. Il ne reste plus qu’à ces tsars de transformer leurs institutions dites démocratiques en soviet suprême.
Les sirènes du pouvoir
Si dans tous les voyages de Biya, son épouse y figure, il va sans dire que c’est pour préparer, en cas de fin tragique la place à Paul Biya Junior, trop jeune dans l’immédiat pour hériter de la couronne. Pour la première fois quand on voit Chantal Biya avec son époux dans les plantations du président dans son village à Mvomeka, cela ressemblait à une vaste opération de communication : un président et sa jeune épouse unissant leurs forces pour cultiver la terre, grenier essentiel des populations, qui sont à plus de 60% rurales. Des années plus tard, la première dame récupérait la journée du 08 mars comme sienne. C’est le diktat des femmes sur le pouvoir.
Au détour des conversations anodines de l’entourage du président, on voit en elle une vraie dame de fer, une bonne prétendante à la couronne. Tous ces bruits de coulisses laissent interloqués tant les diplomates que les experts en politique africaine. Car, depuis toujours beaucoup voyaient en Franck Biya, fils aîné du président un héritier naturel. Cette guéguerre entretenue au palais a poussé Franck à se retrancher en Occident et de se contenter de faire du business.
Quand l’Occident voudra…
Comme le fameux tournoi que Madame Biya a instauré tous les mois de février dans le village de ce dernier, nul n’ignore que de Staline à Castro, toutes les dictatures font des liesses populaires le moment favori du culte de la personnalité. Cet appel à la jeunesse en est l’illustration. Dans cette communication à outrance à laquelle Chantal se livre, elle utilise le désœuvrement et la misère ambiante pour hisser la famille présidentielle au cœur de cette frange de la population. On se souvient qu’à la première édition de ce tournoi 2009, qui coïncide non seulement avec la naissance de son époux, mais aussi avec la fête de la jeunesse célébrée le 11 février, elle a plus fait valoir son image dans les spots publicitaires que celle de son époux. Madame Biya peut donc utiliser un anniversaire privé à des fins officielles, sans que cela ne choque nos éminents juristes.
Cette proximité populaire est loin d’être banale, encore qu’en politique il n’existe pas de fait banal. La stratégie huilée des thuriféraires du palais voient d’un mauvais œil une transition démocratique. Les cercles du pouvoir la préparent même involontairement à prendre les rênes politiques. Même si la fragilité du parti au pouvoir crève les yeux, un décès de Paul Biya entraînerait la mort politique et économique de plusieurs lobbies. Tous ces expédients et ingrédients concoctés dans les cuisines du palais, sont une pilule qu’on veut faire avaler avec la complicité des chancelleries étrangères au peuple camerounais.
A l’issu des exercices militaires du 20 mai et toutes les parades qui s’en suivent, sous son regard omniprésent, on est en voit de croire qu’en cas de crise grave au Cameroun, l’armée va lui faire allégeance. Ces incongruités démocratiques sont toutes avalisées par l’Occident qui ne se soucie que de ses rentes. Nous nous sommes toujours interrogés sur le bien-fondé du pouvoir en Afrique et que veulent dire élections, démocratie ? Notre surprise est encore plus grande quand après le décès d’hommes démocratiquement élus, l’alternance se fasse à l’instar des chefferies villageoises ou des dynasties. N’en déplaise à Antoine Glaser qui disait sur France Info, qu’au Gabon, il n’existe pas d’opposant crédible, tout simplement parce que Bongo a mis long au pouvoir, donc il ne voit qu’en la famille Bongo le talent de mener une transition pacifique. Voilà le genre de chicanerie jouissive qui veut replacer les africains sous le joug paternaliste d’une France bienséante et bien pensante, au grand dam des populations enclines au progrès qui passe inéluctablement par l’alternance.
Si en paraphrasant Chirac on pense que la démocratie soit un luxe pour les africains, il est aussi temps, de laisser les africains redevenir des cannibales, de réfuter les préservatifs et de marcher nus !
Aimé Mathurin Moussy
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