Un procès, dont l’objectif est de prouver l’inconstitutionnalité de l’interdiction pour les personnes du même sexe de se marier civilement en Californie (Proposition 8), s’est ouvert cette semaine devant un tribunal fédéral de San Francisco. Premier procès fédéral du genre, il devrait logiquement aboutir à une décision de la Cour Suprême des États-Unis qui serait dès lors, sans appel.
Le procès, rendu possible grâce au juge fédéral Vaughn Walker, qui a donné suite au recours du procureur général de Californie, a pour but de décider si oui ou non, la Proposition 8, approuvée par référundum par 52.5% des californiens le jour même de l’élection de Barack Obama. Cette proposition soulève deux problèmes : tout d’abord il s’agit d’un amendement ouvertement discriminatoire, pour des raisons que certains jugent fondées, d’autres non. De plus, cet amendement peut être considéré comme une révision à part entière de la constitution californienne, et non un simple amendement justement ; si cela était confirmé, cela rendrait la proposition 8 caduque au nom de la séparation des pouvoirs.
Les opposants à la proposition 8 ont essuyé un cuisant revers en Mai dernier, lorsque la cour suprême de Californie décida de valider celle-ci à 6 voix contre 1. Néanmoins, la procédure fédérale, pour le moment au premier palier, donne une seconde chance aux opposants de s’exprimer, et pas nécessairement sur un plan purement juridique. Ce procès est en effet l’occasion d’un débat sur bien d’autres questions, en particulier la place qu’à et que devrait avoir l’homosexualité dans la société californienne, et plus généralement américaine. Pourtant, quelque soit le verdict du procès fédéral, la décision devrait être contestée et devrait aboutir jusqu’à la Cour Suprême, qui aura la très lourde tâche de trancher cette délicate question à l’échelle de l’ensemble des Etats-Unis.
Jusqu’ici, la Cour Suprême des Etats-Unis s’était contentée de souligner le fait que la question du mariage homosexuel relevait des Etats, comme pour se défausser d’une décision probablement trop lourde à porter. Pourtant, les marges de manoeuvre semble désormais limitées pour la plus haute autorité judiciaire américaine, tant la Proposition 8 et plus généralement le mariage homosexuel soulèvent la polémique et sont le lieu de batailles farouches entre opposants et partisans. De plus, la Cour Suprême possède aujourd’hui une composition plutôt favorable aux libéraux.
En effet, sur les 9 juges de la Cour Suprême, seulement 4 se revendiquent ouvertement conservateurs (Roberts Jr., Scalia, Thomas et Alito), tandis que 4 s’affichent plus libéraux (Stevens, Breyer, Sotomayor et Ginsburg). Pour répondre à cette question très sensible, le juge Kennedy devra trancher. Nommé par le neo-conservateur Ronald Reagan, il est néanmoins considéré outre-atlantique comme très centriste, prenant régulièrement position entre autres contre la peine de mort et les discriminations contre les homosexuels. Dès lors, il est difficilement envisageable que Kennedy se joigne aux voix des juges conservateurs pour bannir à jamais les mariages homosexuels aux Etats-Unis, décision qui aurait des effets particulièrement néfastes ne serais-ce que pour la situation des homosexuels aux Etats-Unis, déjà très délicate.
Il est par conséquent difficile d’envisager que l’issue du procès fédéral qui se tient en ce moment à San Francisco n’aboutisse pas à un arrêt de la Cour Suprême des Etats-Unis déclarant inconstitutionnel les amendements discriminatoires contre les homosexuels, au sujet du mariage. Ainsi, les différentes lois, constitutionnelles ou non, votées afin d’écrire en lettres d’or que le mariage implique un homme et une femme, seraient immédiatement abrogées. De manière plus générale, cette décision aboutirait dans des délais relativement courts à une légalisation du mariage homosexuel aux Etats-Unis. Cela ne devrait pas trancher, en revanche, la question de l’homoparentalité. La grande bataille du mariage homosexuel ne sera donc pas la dernière bataille entre le milieu associatifs homosexuels et les milieux religieux. Quand au mariage, la grande interrogation se situe au niveau d’une estimation de la date à laquelle la Cour Suprême des Etats-Unis mettra un terme à la question du mariage homosexuel dans le pays. A vrai dire, personne ne peut y répondre actuellement.