Maroc, bonne année les exilés
Pendant qu’au Nord de la Méditerranée, des millions de personnes se gavaient d’huîtres, de foie gras et autres plats riches en vitamines, fêtant Noël puis la nouvelle année dans une opulente tranquillité, au Sud, d’autres abordaient les fêtes de fin d’année de façon quelque peu plus difficile.
Ainsi au Maroc, à partir du 23 décembre 2006, des centaines de candidats à l’immigration en provenance de l’Afrique subsaharienne ont subi brimades, rafles et déplacements forcés de la part de la police marocaine. Parmi eux, de nombreuses femmes, dont quelques-unes enceintes, ainsi que des enfants en bas âge.
Il s’agissait d’une opération de grande envergure de la part de la police marocaine, engageant différentes forces, police, gendarmerie et forces auxiliaires. Le nombre de victimes est estimé entre 439 et 479 personnes, en provenance de Rabat, Nador et Laâyoune. Celles-ci, qu’elles soient sans papiers, en demande d’asile, ont été arrêtées, passées à tabac (principalement à coups de matraque) puis transportées en bus à travers tout le Maroc avant d’être abandonnées en différents points le long de la frontière algéro-marocaine. Les forces de l’ordre marocaine ont ensuite tiré en l’air pour pousser les malheureux migrants vers l’Algérie. Les autorités algériennes ont alors également tiré en l’air pour éloigner les indésirables.
Tout ceci s’est passé non loin de la ville marocaine d’Oujda. Charmant ! Après
enfin dix heures de calvaire où femmes, hommes et enfants étaient pris en étau
entre les deux armées, ces derniers ont pu trouver des hébergements provisoires
en banlieue d’Oujda ou dans un camp improvisé bordant le campus universitaire
de la ville. Aujourd’hui, ce sont entre 200 et 300 personnes qui dorment par
terre, alors que la température n’est guère supérieure à zéro degré. Des
associations telles MSF Espagne, le Forum réfugiés et le Comité d’entraide
international fournissent sur place l’essentiel de l’aide humanitaire. La préfecture
de police d’Oujda s’oppose aujourd’hui au retour de ces exilés dans leur
résidence d’origine, à Rabat, Nador et Laâyoune.
Ces informations ont été récoltées par une enquête de terrain du réseau Terra, avec l’aide d’Attac Maroc et de
l’association Migreurop.
Alors, quelles conclusions tirer ? D’abord un rappel de deux articles de
Articles 13 « 1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat. 2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. »
Article 14 : « 1. Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays. 2. Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées sur un crime de droit commun ou sur des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies. »
Que peut-on ajouter ? Que l’on se moque éperdument de cette déclaration dont la majeure partie des Etats bafouent les principes allégrement chaque jour ? Que l’Europe sous-traite la gestion de son immigration en provenance d’Afrique noire à des pays (Maroc, Algérie, Libye, Tunisie, Egypte) bien peu regardants en matière de droits de l’homme, et que cette politique inique entraîne des exactions scandaleuses envers les candidats à l’immigration, dont celles de cette fin d’année ? Que les murs ne seront jamais assez hauts et les violences assez spectaculaires pour empêcher des millions de personnes affamées, persécutées et spoliées de partir au Nord à la recherche d’une vie meilleure ? Qu’une politique migratoire se contentant d’éloigner les "indésirables" est stupide et non viable ?
Non, je me garderai bien de tels jugements. Nous sommes en Europe, du bon côté de la barrière, n’est-ce pas ? Fermons encore un peu les yeux. Allez, c’est la nouvelle année. Champagne !
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