Maroc - Russie ou l’accord matriochka
Le 10 octobre dernier, le premier ministre russe Dimitri Medvedev, accompagné de son ministre de l'Agriculture Alexandre Tkatchev, s'est rendu au Maroc à l'occasion du Forum d'affaires russo-marocain. La veille, Medvedev avait fait une escale fructueuse chez les voisins algériens à l'issue de laquelle la coopération économique et militaire historique entre Moscou et Alger s'était vue confirmée, avec pour horizon une sortie de la dépendance à la rente pétro-gazière. Cinq accords avaient été signés dans les secteurs de la justice, de la santé, de la formation professionnelle, des hydrocarbures et de l'énergie nucléaire civile1.
Pour en revenir au Maroc, si aucun chef de gouvernement russe n'y avait posé les pieds depuis 1971, le déplacement de Medvedev s'inscrivait dans la continuité de la visite de Vladimir Poutine en mai 20162. Ce déplacement fut ainsi l'occasion de signer onze accords de coopération3 entre les deux pays, dont les relations économiques ont connu une croissance conséquente sur les quinze dernières années ; le volume de leurs échanges commerciaux est ainsi passé de 200 millions de dollars en 2001 à 2,5 milliards en 2016.
Au menu de ces accords, l'agriculture fut un plat de choix avec la perspective d'une augmentation des livraisons de blé, de sucre et d'huile végétale russes contre celles d'agrumes et de légumes marocains. Ajoutons à cela l'opportunité pour l'agriculture marocaine d'un accord de libre-échange avec la Russie en 20184, qui lui ouvrirait de facto l'accès aux marchés des pays membres de la CEI - c'est-à-dire, outre la Russie, l'Azerbaïdjan, l'Arménie la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Moldavie, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan - représentant un ensemble de deux-cent millions d'habitants - représentant un ensemble de deux-cent millions d'habitants.
Le barrage al Wahda, conçu selon des technologies russes, produit un tiers de l'électricité du Maroc
Le domaine énergétique tenait également une place primordiale dans les négociations : les sols marocains sont dépourvus d'hydrocarbures et les compagnies russes se feront un plaisir d'approvisionner en gaz naturel liquéfié. Pour ce qui est de l'électricité, l'imposant barrage Al Wahda, conçu selon des technologies russes, en génère déjà le tiers du royaume. Pour finir, Rosatom a remporté la mise concernant l'implantation du nucléaire civil... Et l'atome français dans l'affaire, nous demanderez-vous ? C'est ballot ! La vente d'Alstom a renvoyé aux vestiaires la fine équipe Areva-Alstom-EDF, et, par là même, notre chaîne de production nucléaire maison5. Oui, on tire un peu sur l'ambulance... Alors ne mitraillons pas non plus le corbillard en évoquant l'incapacité toute française à jouer sur le levier économique formidable que constitue la francophonie6...
Autre secteur d'importance, et non des moindres, concerné par ces accords : l'armement. Le Maroc devrait prochainement acquérir des batteries du fameux système de missiles sol-air russes S-4007. Système de défense donc mais contre qui ? A priori, plutôt contre un vieux et fidèle client des jolis joujoux russes, lui aussi maghrébin et du genre chatouilleux...
Si vous entrez parmi les borgnes, fermez un œil.
1 https://www.tsa-algerie.com/algerie-russie-plusieurs-accords-signes-video/
2 https://www.medias24.com/NATION/POLITIQUE/162459-Signature-de-16-conventions-entre-le-Maroc-et-la-Russie.html
3 https://ledesk.ma/2017/10/11/medvedev-le-detail-des-accords-conclus-entre-le-maroc-et-la-russie/
4 https://www.medias24.com/MAROC/ECONOMIE/ECONOMIE/177167-Maroc-Russie-un-accord-de-libre-echange-en-2018.html
5 https://www.youtube.com/watch?v=WR-ILZ1nBSM
6 http://la-centrale-a-idees.over-blog.com/2016/09/la-francophonie-un-tresor-delaisse.html
7 http://fr.le360.ma/politique/exclusif-le-maroc-interesse-par-lacquisition-du-systeme-de-missiles-sol-air-russe-s-400-138449
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