Massacre des chrétiens d’Orient : génocide ou non ?
Les médias et les hommes politiques nous ont habitué à une inflation dans la qualification de certaines situations et de certains comportements, pour augmenter l’impact que ceux-ci auront sur la population. Certains mots sont en effet particulièrement percutants, parce qu’ils véhiculent des sentiments d’horreur. Nous savons combien des vocables aussi divers que traumatisme, assassin, pédophilie sont régulièrement utilisés sans rapport avec une réalité médicale ou juridique.
Il en est ainsi du mot génocide qui est victime d’une appropriation multiple et souvent abusive qui a pour conséquence malheureuse de lui faire perdre une grande partie de son authenticité et de son caractère saisissant. Recueillant les faveurs des médias qui s’en sont emparés comme d’un label pour le servir à toutes les occasions, même les plus inappropriées, il a en quelque sorte échappé au monde rigoureux du droit international humanitaire.
Celui-ci a défini que le génocide constituait le plus grave des crimes contre l’humanité, non seulement sur le plan symbolique mais aussi sur le plan moral, puisqu’il fait appel à une volonté de destruction d’un groupe précis de populations dans des circonstances particulièrement horribles. L’article premier de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 établit que le génocide est « un crime de droit international » que les pays signataires s’engagent à « prévenir et réprimer ». Cette qualification juridique, intégrée dans le droit positif français, a par ailleurs acquis un statut exceptionnel dans l’ordre juridique international puisque, s’il est découvert, n’importe quel État devrait intervenir pour arrêter les auteurs de tels actes.
Ces derniers jours le mot « génocide » fut utilisé par des hommes politiques américains et français pour désigner les crimes commis contre certaines communautés religieuses en Irak. Cette qualification est-elle pertinente ? Sans entrer dans les détails d’une jurisprudence internationale parfois controversée, exposons quels sont les critères permettant de qualifier un massacre de génocide.
Au sens de l’article 2 de la Convention de 1948, le génocide s’entend « de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel… ». Il est ainsi défini que certains actes doivent avoir été commis, que leurs auteurs doivent être animés d’une intention particulière, et que certains groupes doivent être visés. Reprenons ces trois critères pour considérer s’ils conviennent à la situation des minorités chrétiennes et Yazidi poursuivies par les fondamentalistes musulmans en Irak.
Les actes commis
La Convention de 1948 fournit la liste des actes retenus pour définir un génocide. Ce sont :
a) Meurtre de membres du groupe ;
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe ».
A l’évidence les trois premiers actes sont régulièrement commis par les djihadistes qui poursuivent les chrétiens et les Yazidi.
L’intention criminelle
La même Convention considère que de tels actes doivent être accomplis dans l’intention de détruire « en tout ou en partie » un groupe d’individus. En l’espèce, ces mêmes djihadistes se montrent très clairs sur leurs intentions.
Ces crimes doivent viser certains groupes
Même si ce critère a fait l’objet d’aménagements, il détermine que seul « un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel », doit être ciblé. En l’occurrence c’est parfaitement le cas, puisque ces minorités religieuses sont persécutées en tant que telles.
Si donc certains hommes politiques, et parfois certains juristes, utilisent à tort le mot génocide pour désigner des faits criminels particulièrement graves mais ne répondant pas en tous points aux critères retenus par la communauté internationale, il n’en est pas ainsi concernant la situation que nous évoquons. Cette qualification est incontestable ; elle devrait ouvrir la voie non seulement à des réponses politiques et militaires appropriées, mais aussi à une saisine de la Cour pénale internationale, pour crimes de génocide. Plusieurs méthodes peuvent être utilisées à cette fin.
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