Mauritanie : le général Aziz, un dictateur si discret
Qui connait la Mauritanie ? Petit pays vaste comme deux fois la France mais rongé par le désert qui ne laisse que des miettes de terre aux hommes.
L’histoire de mon pays est pour le moins instable. J’ai renoncé à faire le compte des coups d’états et des régimes militaires, qui comme des dominos se sont renversés les uns les autres au fil des ans.
A l’heure où la démocratie semblait enfin possible, un dictateur d’un genre nouveau a pris le pouvoir en 2008, renversant le premier président démocratiquement élu de l’histoire du pays. Le général Mohammed Ould Abdel Aziz a depuis instauré une dictature d’un genre nouveau : celle des voleurs.

Les dictateurs mauritaniens étaient jusqu’à présent honnêtes ! Vu de France, l’expression peut faire sourire. Pourtant, une certaine éthique politique existait jusqu’à récemment en Mauritanie. Les dirigeants qui se sont succédés ces 40 dernières années en Mauritanie avaient bien des défauts, ont commis bien des exactions, mais ils avaient tout de même une certaine idée de l’Etat.
On venait à la politique par goût du pouvoir et de la domination, pas par appât du gain. Les proches des président se sont certes toujours enrichis à l’occasion (et les occasions se présentaient fréquemment), mais les présidents déchus ne sont jamais devenus milliardaires ! Question de fierté !
Le général Aziz, arrivé au pouvoir avec l’aide des services secrets français en 2008 suite à un coup d’état militaire, a totalement changé la donne. L’homme a une ambition affichée : devenir l’homme le plus riche du pays. Et il y parviendra si la rue et les querelles de palais lui en laissent le temps !
Depuis le putsch de 2008 (il a renversé le seul président démocratiquement élu de l’histoire de la Mauritanie, Sidi Cheikh Ould Abdallahi), Aziz et ses sbires ont organisé le démantèlement à leur profit de l’économie mauritanienne.
Pour ce faire, rien de plus simple. Il a suffi d’arrêter les trois principaux hommes d’affaires du pays et de commencer des négociations « musclées » pour récupérer leurs affaires et leurs richesses. Le tout sous l’œil bienveillant des services français qui voient en Aziz le rempart contre les terroristes d’Al Qaida (dont l’activité ne cesse pourtant d’augmenter).
Dans le même temps, le général Aziz a mis aux fers Hanefi Ould Dehah, un journaliste qui avait eu l’audace de publier en ligne des informations pas assez complaisantes. Condamné à six mois de prison pour un délit qui n’existe pas dans le droit mauritanien, il aurait dû être libéré le 25 décembre ! Il est depuis gardé au secret dans une prison de Nouakchott. Ainsi va la justice sous le régime actuel !
Malgré son histoire agitée, la Mauritanie est avant tout un pays de dialogue et de consensus qui a connu par le passé très peu d’effusion de sang. La volonté affichée d’Aziz de se débarrasser de toutes les têtes qui dépassent marque une rupture dangereuse. A force de radicaliser la vie publique mauritanienne, notre pays pourrait se réveiller un matin avec une situation à l’ivoirienne.
Quand on connaît l’importance de la dimension tribale dans la société mauritanienne, il est vital de maintenir les grands équilibres. Les gouvernants ont le devoir de ne pas humilier les autres tribus sous peine de dérapages. Il est peut-être déjà trop tard !
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