Méditerranée : les flottes se renforcent, l’enjeu se précise
On compte actuellement une dizaines de navires de la marine de guerre russe en Méditerranée, plus un nombre inconnu de sous-marins. Plusieurs de ces navires sont des amphibies, possiblement pour évacuer des ressortissants russes en cas de nécessité.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH200/flotte-5a591.jpg)
Des flottes qui se renforcent
Un croiseur lance-missiles, le Moskva, est également en route. Ce croiseur dispose entre autres d’un système de radars puissant pour la détection antiaérienne de longue portée. Il pourrait ainsi détecter les missiles de croisière américains dès leur lancement et en informer la Syrie pour faciliter leur interception.
Par ailleurs un autre navire de débarquement, le Nikolaï Filtchenkov, va également faire route vers la Syrie après avoir embarqué une « cargaison spéciale » non spécifiée en Mer Noire. La flotte russe est selon certaines informations positionnée entre les côtes syriennes et la flotte américaine.
La nouvelle Russie est en marche
La présence russe en Méditerranée orientale s’est effondrée avec l’ex-URSS il y a plus de vingt ans. Vladimir Poutine a une stratégie lisible : rétablir la puissance de la Russie telle que le Tsar Pierre le Grand l’imaginait déjà il y a quatre siècles. La présence militaire et navale est un des éléments de ce rétablissement, de même que la maîtrise du gaz, ressource économique primordiale pour ce siècle, et le versant culturel : la défense du christianisme et de la culture européenne. La Russie maîtrise déjà les mers du nord depuis la Baltique, avec accès sur l’Atlantique. Elle a des côtes sur le Pacifique. Il lui manque de reprendre le premier rôle dans la région moyen-orientale.
L’empire russe a beaucoup perdu avec l’effondrement de l’URSS, en particulier son influence sur une large partie de l’Europe. La précipitation de Bruxelles à inclure les pays de l’est dans l’Union européenne est aussi une manière de reprendre l’avantage dans cette région. Mais cela a un coût exorbitant et plombe l’Union et l’euro. Pendant quel’Europe unie s’affaiblit, la Russie se renforce et les Etats-Unis se font détester. C’est malheureux car je reste persuadé que cette grande démocratie qui a libéré l’Europe de l’emprise nazie conjointement aux valeureux soldats russes, joue un rôle important dans la liberté, quoi qu’on puisse en dire, malgré son illisibilité et sa morale à géométrie variable, et malgré sa volonté hégémonique. Laquelle volonté hégémonique est partagée par les pays arabo-musulmans, la Russie mais avec plus de finesse, et la Chine en partie - bien que la Chine n’ait jamais été une conquérante militaire du monde.
La Syrie, entrée vers l’Iran
Ce qui se joue en Syrie est donc lourd d’enjeux à court et long terme, et le gazoduc qatari n'est pas le seul élément masqué. Si les Etats-Unis perdent la main dans le bassin du Levant ils perdent leur hégémonie sur une grande partie de l’Europe, dont la Turquie qui sera aussi l’un des grands perdants, elle qui n’a déjà pas les moyens de ses ambitions régionales. C’est donc une phase décisive du jeu d’échec mondial qui se passe actuellement, avec une dangerosité bien réelle. Les flottes n’ont pas une simple présence symbolique, pas plus que les navires de guerre chinois qui font également route vers la Méditerranée.
Si les Etats-Unis font tomber Assad, ce sera l’inconnu au vu de l’imprévisibilité des régimes fascislamistes du djihad dont ils auront facilité l’installation. Si éventuellement les Etats-Unis interviennent au sol (Barak Obabush a laissé entedre qu'il a un plan à ce sujet) et débordent vers l’Iran à travers l’Irak, ils pourraient gagner la partie et en sortir renforcés. Car il faut bien réaliser que la Syrie est la porte d’accès terrestre à l’Iran via l’Irak, pays si peu réorganisé et revalorisé, en proie au djihad et au terrorisme, que personne ne pleurera son invasion. Il n’y a pas d’autre accès terrestre acceptable vers l’Iran, la Turquie ne le permettant pas. Il faut donc mater la Syrie. Le mensonge incroyable de John Kerry sur la non-présence du djihad n'est qu'un élément de stratégie pour semer la confusion et créer un climat favorable à l'opération militaire.
Mais il n’est pas certain que la Russie laisse faire, bien qu’il soit peu probable que les deux géants s’affrontent directement. Une guerre USA-Russie serait trop coûteuse pour l’ex-URSS alors qu’elle est encore en phase ascendante, et de toutes façons trop dangereuse. Avant de jouer plus gros elle va donc soutenir le régime d’Assad sur le plan technologique. Si Assad gagne et se maintient, la Russie en sera renforcée. Ce sera également la fin d’une époque, celle du droit d’ingérence, de la morale universelle et des bonnes intentions de façade. Le monde occidental se rétrécira. On verra l’effondrement total de l’idéologie socialiste sous Hollande et du libéralisme à l’américaine sous Obabush.
Les modèles qui se profilent sont le capitalisme autoritaire à la chinoise et le despotisme éclairé à la Russe. L’Europe sera trop affaiblie par ses propres contradictions pour être à nouveau un modèle avant longtemps. Elle-même se cherche dans sa construction, et le chemin est si difficile que le recours aux bonnes vieilles méthodes autoritaires comme le fait Hollande donnera illusion que nous avons encore une éthique politique.
Le gaz sarin sert peu Assad. Mais il sert beaucoup le clan occidental et les pétromonarchies qui n’ont pas le courage ou la bêtise d’engager leurs propres armées. Il est probable que le Congrès américain autorise Obabush à faire la guerre. Le spectre de l’axe Syrie-Iran devrait fonctionner à plein.
6 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON