Mexique et Etats-Unis, clandestinité et lutte contre la drogue
Il y a deux mois, le président américain autorisait la construction d’un mur entre le Mexique et les Etats-Unis, dans l’idée de lutter contre la clandestinité et la drogue. Qu’en est-il, deux mois après ? Le parti de Bush a perdu les deux élections de mi-mandat.
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Tout le monde sait bien (c’est du moins ce qu’on en dit) que la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis a la réputation d’être la plus poreuse au monde. En autorisant la construction d’un mur, le président Bush a l’ambition, voire la prétention de dissuader les clandestins et les différents trafiquants de drogue de tenter un passage vers son pays. Néanmoins cette barrière entre les deux Etats ne sera pas continue. Trois portions seront construites pour contrôler environ le tiers du tracé limitant les deux pays : soit environ 1100 kilomètres sur une frontière totale de près de 3200 kilomètres. Des pans de mur en béton alterneront avec des clôtures en métal ou des barbelés. Des barrières amovibles, des postes de contrôle supplémentaires matérialiseront la frontière à la limite des Etats américains les plus fréquentés pour tenter la traversée. Cette barrière de l’administration Bush sera surveillée par des caméras, des satellites et même des drones.
De son côté, le Mexique s’est donné des moyens forts pour lutter contre la drogue, afin d’améliorer son image aux yeux des USA. Près de 3300 militaires et policiers ont été déployés avec leur matériel pour reprendre le contrôle de la ville de Tijuana. Le ministre de l’Intérieur, Francisco Ramirez, souligne : « Nous avons lancé cette opération pour mettre fin aux diktats des cartels de la drogue et à l’impunité des délinquants qui mettent en péril la tranquillité des familles et pour récupérer les espaces publics. Aucun Etat de la République ne sera plus prisonnier des trafiquants de drogue et du crime organisé. »
La guerre contre les trafiquants de drogue coûte cher.
Le président Felipe Calderon déclare vouloir faire de la lutte contre la grande criminalité une priorité de son gouvernement. Il a demandé aux députés de voter une augmentation budgétaire de 30 % pour l’aider à remporter ce combat que ses prédécesseurs ont perdu. Felipe Calderon a trois objectifs prioritaires : la création d’un système unique d’information criminelle qui coûtera 25 millions de dollars, la mise sur pied d’une police fédérale unique (une sorte de gendarmerie nationale) avec un budget de fonctionnement de 130 millions de dollars et une enveloppe de 30 millions de dollars pour combattre la vente de drogue au détail, qui est en passe de transformer le Mexique en un pays de consommation, alors qu’il n’était jusqu’alors qu’un pays de passeurs. Le président Felipe Calderon a choisi de s’attaquer en priorité à l’insécurité et au trafic de drogue. On verra rapidement s’il a une véritable volonté de combattre ce cancer. En s’attaquant à Tijuana, le nouveau gouvernement montre qu’il n’a pas peur d’affronter un cartel de la drogue qui a longtemps fait l’objet de protection, en particulier sous le gouvernement du président Vicente Fox .
Le Conseil citoyen de sécurité publique au Mexique signale qu’à Tijuana, une dizaine de personnes se font enlever et une dizaine de personnes sont assassinées chaque jour, et partout, y compris dans les lieux publics. En quatre ans, le nombre des vendeurs de drogue et celui des consommateurs a quadruplé. Près de cinq cents familles ont préféré fuir de l’autre côté de la frontière pour échapper à cette violence urbaine. Les restaurants affichent une baisse de leur chiffre d’affaires et de leur clientèle de 50 %. Capella Ibarra, l’un des chefs de file du Conseil citoyen, applaudit l’opération Tijuana car il estime que les autorités locales ne peuvent plus rien faire. La plupart sont sous le contrôle des barons de la drogue, la corruption ayant pénétré toutes les institutions, en particulier la Police et la Justice.
L’opération Tijuana devrait durer plusieurs semaines. Les routes, le ciel et la mer seront sous haute surveillance, mais aussi les administrations et les polices municipales et étatiques. Le procureur général de la République a mis à la disposition de ces forces de l’ordre un groupe spécial de quarante-huit inspecteurs du ministère de la Justice considérés comme intègres pour exécuter les interpellations, démanteler les organisations criminelles liées aux enlèvements, au trafic d’armes, de drogue et de personnes.
Une opération de même type, entreprise le 11 décembre dans l’Etat du Michoacán, au centre du Mexique, a donné de bons résultats : l’armée a confisqué six tonnes de cannabis, 150 kilos de graines, 127 armes, 32 000 cartouches, 41 grenades, 35 véhicules, elle a détruit 540 hectares de marijuana et a arrêté 80 personnes dont un kapo important du Cartel du Milenio. Une perte financière pour les trafiquants, estimée par le gouvernement à 700 millions de dollars.
Un clin d’œil aux USA
Le président Felipe Calderon doit aller plus loin en s’attaquant aux éléments corrompus qui protègent les trafiquants et les grands criminels depuis l’intérieur de l’Etat, ce qui leur fournit leur véritable force. Des analystes mexicains et américains estiment que les cartels de drogue ne sont pas plus forts que l’Etat : « Ils existent parce qu’on leur a permis d’exister, c’est ce que démontrent les vingt-cinq ans de combat sélectif mené par les gouvernements mexicains. » Encore faut-il savoir si le président Felipe Calderon « osera toucher aux gouverneurs et aux généraux en activité ou à la retraite qui sont liés au barons de la drogue ».
Le président Felipe Calderon a été félicité par Washington pour son engagement à lutter fermement contre la criminalité. Ses actes montrent au président des Etats-Unis et au Congrès américain qu’il est un président fort, avant de reprendre les discussions bilatérales. Felipe Calderon a bien conscience qu’il ne pourra rien obtenir des Etats-Unis s’il ne montre pas une véritable volonté à éradiquer cette tentaculaire gangrène qui concerne les deux pays.
En conclusion : le mur (ou barrière) est honteux.
La réalisation de cette construction gigantesque coûtera entre six et huit milliards de dollars. L’administration Bush n’a pas encore le financement pour débuter les travaux. Etant donné les sommes en jeu et le symbole, fermer l’accès Sud du territoire américain, le projet fait des remous au sein même du Congrès. Beaucoup d’hommes politiques américains pensent que cette barrière n’empêchera pas les clandestins et autres trafiquants à s’introduire aux USA, s’ils le veulent vraiment. Avec la nouvelle équipe des démocrates, le projet « pharaonique » de Bush va-t-il être réalisé ?
Un porte-parole de la présidence mexicaine a expliqué que « les murs ne peuvent pas résoudre les problèmes ». Il a rappelé que le Mexique soutient la déclaration de l’Organisation des Etats américains (OEA). Elle a été signée par trente pays qui considèrent que la construction d’un mur « constitue une mesure unilatérale, contraire à l’esprit d’entente entre pays voisins et qui affecte la coopération dans l’hémisphère ». Le nombre de Mexicains vivant sans papiers aux Etats-Unis est estimé à cinq ou six millions, pour un total de clandestins estimé à près de onze millions d’individus.
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