Mieux vaut tard que jamais !
Le Directeur général s'aperçoit soixante dix ans après la cération de l'Agence Française de développement que Pour survivre, l’Afrique doit développer son agriculture !
Voilà qu’à l’occasion du soixante dixième anniversaire de la Caisse Centrale de Coopération économique, devenue depuis Agence Française de Développement, que son Directeur général découvre avec une incroyable ingénuité que « Pour survivre, l’Afrique doit développer son agriculture. » !
Il faudrait peut-être au passage lui rappeler qu’il n’y a pas que pour l’Afrique que l’agriculture - appelée à juste titre secteur primaire, ce qui n’ a rien à voir avec le niveau intellectuel de ses acteurs-, est l’activité économique qui doit être développée et maintenue en priorité à toute autre.
Il s’agit même d’une évidence biblique : « À la sueur de ton front ton pain tu mangeras ! ».
Il se trouve hélas que depuis les indépendances, ceux que l’on appelle les « donnors », ayant en charge la distribution de l’Aide Publique au Développement, n’ont pas encore compris que la priorité des priorités des pays en développement est l’atteinte de leur autosuffisance alimentaire, et que celle-ci passe avant toutes autres préoccupations telles le sinistre ajustement structurel, le respect des règles de l’Organisation Mondiale du commerce, ou l’inénarrable concept de commerce dit équitable.
Ces « donnors », Banque Mondiale, Commission Européenne, Agence Française de développement entre autres, jouent depuis des décennies à qui sera le plus inefficace, dans l’engloutissement des sommes énormes – nos impôts- englouties dans cette Aide Publique au Développement.
Il y a quelques mois Le directeur général de L’agence Française de développement déclarait sans rire : « Les procédures de déliement de l'aide au développement interdisent de favoriser les entreprises nationales »
Le commentaire suivant était ajouté dans LES ÉCHOS : « Le directeur de l'Agence Française pour le Développement ne remet pas le principe en cause mais affirme qu'il faut « aider les entreprises françaises à se trouver au bout des projets que nous élaborons ».
On croit comprendre que ce charabia était dans le droit fil des déclarations de l’ancien secrétaire d’État à la coopération qui avant de proposer la création d’un loto pour financer l’Aide Publique au développement, déclarait lui aussi sans rire : « Ne pas avoir peur de dire aux Africains qu’on veut les aider mais qu’on veut aussi que cela nous rapporte ! ».
C’est ce même Directeur général, le roi du coton, qui prétend que la culture de ce dernier est une des priorités dans le développement de l’agriculture africaine.
Il n’a donc pas compris ou ne veut pas comprendre, que les cultures industrielles, longtemps imposées par la banque Mondiale dans le cadre de ‘l’ajustement structurel, permettent peut-être d’obtenir des devise à l’exportation du coton, mais surement pas l’indépendance financière recherchée, dans la mesure où ces devises ne permettent pas d’importer l’alimentation de base qu’il serait infiniment plus intelligent de produire que du coton.
« En Afrique les projets de Lutte contre la pauvreté appauvrissent les populations ! ».
C’est une femme admirable qui le dit. Une Sénégalaise qui depuis Saint-Louis œuvre inlassablement pour aider les femmes de la vallée du fleuve Sénégal à faire renaître l’agriculture de la région. Les hommes eux sont, contre l’avis des femmes et au péril de leur vie, partis en Europe pour essayer de gagner quelque argent…
« L’AIDE FATALE : Les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique ».
C’est Dambisa MOYO, une autre Africaine qui a écrit ce livre, elle sait de quoi elle parle pour avoir travaillé à la Banque Mondiale…
Depuis l’indépendance les divers acteurs de l’Aide Publique au Développement AFD, Banque Mondiale, FAO, Union Européenne entre autres, ont investi des millions, au Sénégal par exemple, mais partout ailleurs en Afrique. Tout ceci en vain !
En 2004 un projet de l’Agence Française de Développement prétendait résoudre le problème de la rentabilisation des barrages construits dans les années 80 dans la vallée du fleuve Sénégal.
Le projet présenté notamment par cinq expert Sénégalais de qualité proposait en toute priorité la mise en place d’un système d’organisation professionnelle agricole reposant sur le modèle coopératif – le vrai- dans les domaines humain, technique économique et financier.
Il fut rejeté avec une violence inouïe, notamment par le représentant de la Banque Mondiale.
« Ce que l’on vous demande ce n’est pas d’organiser l’agriculture Sénégalaise, mais de trouver des investisseurs étrangers qui utiliseront les populations locales et exporteront productions et bénéfices » !
« Comment voulez-vous que des investisseurs étrangers s’intéressent à des exploitations de six cents mètres de long sur deux mètres de large où vivent jusqu’à quarante personnes ? », disait cette femme infatigable qui anime des groupe féminins et des Mutuelles d’’Epargne et de Crédit dans la région du fleuve.
C’est la même qui ajoutait : « La construction des barrages a été une ineptie, l’agriculture vivait mieux avant eux » !
Ce n’est pas la construction de barrages qui est une ineptie, mais la façon dont cela a été fait et surtout le refus encore une fois de mettre en place une organisation professionnelle cohérente et intelligente qui permette au Sénégal de satisfaire avant toute autre chose son autosuffisance alimentaire.
Nous avons pendant deux décennies tenté de mettre en place des outils de développement, de financement notamment, qui ont fait la preuve de leur inefficacité et accentué pauvreté et famine dans les pays que nous entendions aider.
Ce furent les funestes « ajustements structurels » imposés par la Banque Mondiale qui, pour simplifier, consistaient à pousser les pays à une indépendance et autonomie financière.
Il fallait pour cela se procurer des devises, ce qui était fait par des cultures industrielles exportées alors que le niveau prioritaire d’autosuffisance alimentaire n’avait pas été atteint.
Le résultat fut qu’il était impossible d’importer les ressources alimentaires de base en raison de la faiblesse des devises obtenues dans le cadre d’une organisation mondiale du commerce qui assassine les plus faibles.
La Banque Mondiale dans cette phase avait rejeté violemment le modèle d’organisation coopérative du secteur agricole, et notamment la toute première étape de ce modèle remise à l’honneur par Muhammad YUNUS : la microfinance.
La Banque Mondiale et les organismes de distribution de l’aide publique au développement affligés du syndrome du thermostat, qui fait qu’en matière de pensée nous agissions comme avec cet appareil dont nous ne connaissons que les positions extrêmes, revenait brutalement dans une deuxième phase à Muhammad YUNUS à sa Grameen Bank et à la microfinance sans imaginer que cette toute première étape d’un modèle millénaire devrait bien vite être dépassée.
Les Pionniers de Rochdale en 1843, les producteurs de fourches de micocoulier dans le Gard en 1661, les créateurs de fruitières et autres tontines se référaient à des traditions ancestrales que l’on trouvait déjà chez les agriculteurs de Babylone, pourquoi l’outil mis en place dans nos agricultures il y a plus de cent ans ne serait il pas le modèle incontournable à développer chez ceux qui attendent que nous les fassions bénéficier de notre expérience ?
Ce n’est pas parce que le merveilleux outil de la coopération est dépassé ou n’a plus lieu d’être chez nous que nous devons en rejeter l’utilisation dans les agricultures émergentes, ou en rester à ses toutes premières étapes comme nous nous obstinons à le faire avec la microfinance.
C’est cet outil qui dépassant très vite la toute première étape de la microfinance a permis, il y a plus d’un siècle, à nos agricultures de connaître le développement que l’on sait alors qu’elles étaient dans la situation de celles que nous prétendons aider.
Oui Monsieur le Directeur général il est bon de clamer haut et fort que « Pour survivre, l’Afrique doit développer son agriculture. », mais pas n’importe quelle agriculture, pas celle qui conduit a la Grèce , le Portugal, l’Espagne, la Pologne et bientôt la France à la situation catastrophique qui s’annonce, mais celle qui permet à l’Homme de s’épanouir pleinement en lui permettant par son travail de satisfaire en priorité les besoins élémentaires de la vie.
Oui Monsieur le Directeur Général l’agriculture est une priorité absolue, mais le vrai modèle de son organisation n’est pas celui décadent auquel nous sommes arrivés, mais celui qui il y a cent trente ans a permis à nos agricultures de pays riches de se développer alors qu’elles étaient dans la situation de celles que nous prétendons aider aujourd’hui, sans jamais y parvenir.
« Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson. »
CONFUCIUS
Philosophe, historien et homme d’Etat chinois
« Yah ça m’a mordu, Back to the trees ! », retour aux arbres ! rugit oncle Vania notre lointain ancêtre face à l’apport trop brutal du feu qu’Édouard était allé chercher bien loin (Roy Lewis : « Pourquoi j'ai mangé mon père »).
Apprends–nous plutôt à pêcher ! Sans nous renvoyer dans les arbres.
À BERGERAC
Jean-Pierre Canot
Auteur de « Apprends-nous plutôt à pêcher »
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