Nicaragua, le péril bleu (le canal de Panama)
Quand au Nicaragua le petit Ramon va à l'école, il doit traverser la jungle avec tous ses dangers parfois mortels. Il ne se doute pas qu'un autre péril joue avec son avenir.
Le nouveau canal de Panama, inauguré le dimanche 26 juin 2016, va concurrencer le futur canal du Nicaragua prévu autour de 2020. Et c'est l'arrachement de son pays à la pauvreté qui risque d'être compromis.
Un canal entre l'Atlantique et le Pacifique était très attendu. Les enjeux sont stratégiques, économiques et sécuritaires :
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stratégique pour les Etats-Unis qui peuvent faire transiter les navires militaires d'une côte océane à l'autre sans contourner le cap de l'Amérique du sud,
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économique pour eux et pour tous les pays qui commercent entre l'Asie et la côte est des Amériques, ou entre d'une part la côte ouest des Amériques et d'autre part l'Europe, l'Afrique et une partie de l'Asie
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sécuritaire à cause de l'évitement des aléas politiques autour du canal de Suez et des risques de piratage dans l'océan indien
Le canal de Panama existe déjà me direz-vous.
Les Français en avait entrepris la construction. Mais plus de pots-de-vin avaient coulé que d'eau pour les bateaux et la classe politique en avait été éclaboussée, mouillée par les magouilles.
Les Américains US avaient repris le chantier et l'avaient mené à terme.
Un siècle a vu des cargos transiter les uns dans un sens, les autres dans le sens inverse.
La mondialisation a accru le commerce, et les bateaux devenus plus gros et plus automatisés réclament un tirant d'eau plus important et un écartement des berges plus large.
Le 22 octobre 2006, un référendum panaméen approuve le projet présidentiel lancé au printemps précédent. Et comme aurait dit Hannibal « J'adore quand un projet se déroule sans anicroche ». En effet, le canal est opérationnel malgré quelques incidents mineurs :
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un doublement du coût, mais que le premier chef de projets qui n'a jamais commis un dépassement de budget jette le premier discrédit
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quelques conflits sociaux, mais pas de quoi dormir la nuit debout
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un contentieux entre l'Etat et le consortium de construction. Relevons au passage aucun conflit avec l'Urssaf. A ma connaissance il n'y a pas d'Urssaf en Amérique centrale. C'est normal. Ce serait un trop grand malheur pour un si petit pays.
Et voilà, les « neo-panamax », ou « post-panamax », peuvent passer : ce sont des porte-conteneurs plus gros, de 14.000 EVP (équivalent 20 pieds de longueur) au bonheur des armateurs qui enverront d'abord de 5.000 EVP à 9.000 ou 10.000 EVP, le temps de l'aménagement des ports de New York et d'ailleurs. En français, ils mesurent jusqu'à 366 mètres de long et 49 mètres de large, de quoi tripler leur capacité.
Les coûts de transport entre l'Asie et la côté orientale yankee devraient baisser de 1/3, grâce aux cargos plus gros, mais aussi grâce à la diminution du passage par le canal de Suez :
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New York et Shanghai via Panama, c'est un raccourci de plus de 3000 km, soit plus de 2 semaines en mer gagnées,
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New York et Hong Kong via Panama, c'est peanuts : un jour en moins,
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le Texas, ou la Louisiane, et le Japon via Panama, c'est gagnant pour le gaz naturel liquéfié. Mais en riposte Suez solde de 35 % ses tarifs pour les bateaux à destination américaine
Jusqu'ici, le canal se contentait de 5 % de la valeur du trafic maritime mondial, 5 % des conteneurs, de 5 % des produits chimiques, et de 10 % du blé.
Le nouveau canal devrait multiplier par 5 certains de ces chiffres et faire grimper de 1 milliard $ à 3 milliards $ les recettes (ou les bénéfices, les journalistes m'ont l'air d'être particulièrement incultes en comptabilité, je n'ai pu me faire une religion).
Du côté de la technique, remarquons que c'est le plus grand projet d'ingénierie et de construction depuis plus de 100 ans, c'est à dire depuis le premier canal.
Chaque écluse compte 4 bassins avec 8 doubles portes coulissantes, donc 16 portes en tout, de 3300 tonnes chacune. La maintenance peut être assurée sans interrompre le trafic.
Elles élèvent et redescendent les navires sur une altitude de 26 mètres à l'aide de la dernière technologie électronique. Leurs 3 bassins de récupération recyclent 60 % de l'eau utilisée pour vider et emplir les bassins par gravité.
Le reste du canal a été creusé et élargi pour créer une double file et l'altitude du lac artificiel Gatun a gagné 45 cm.
Est-ce suffisant ?
Les 3 premiers bateaux géants au monde font 19 200 TEU. Ils snobent les 14000 ! La compagnie MSC (Mediterranean Shipping Company) devra passer son chemin, et peut-être attendre le canal du Nicaragua.
C'est beau une telle prouesse technique.
Ce serait pas mal toutefois que l'économie mondiale reparte, parce qu'il ne faudrait pas que ça ressemble à l'artère principale d'une petite ville de province lors d'une fin de journée en semaine.
Les Chinois se sont investis dans le canal concurrent du Nicaragua mais ils ne boudent pas celui-ci puisque le sort a choisi le « Cosco Shipping Panama » pour passer en premier.
Alors qu'adviendra-t-il du canal du Nicaragua, prévu aussi pour des super cargos ?
Qu'en seront les conséquences pour Ramon, pour son pays, pour son avenir ?
https://www.youtube.com/watch?v=7nMJAYqKRR4
https://www.youtube.com/watch?v=3BsEC0_IkLI&feature=youtu.be
https://www.youtube.com/watch?time_continue=106&v=3BsEC0_IkLI
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