Nigéria : 59 000 femmes meurent en couche chaque année
L’information vient de paraître dans le rapport juillet/août de Médecins sans Frontières, 59 000 femmes par an mouraient en couche au Nigeria. Après l’excision en République Démocratique du Congo, les fistules obstétricales sont aujourd’hui le nouveau fléau au Nigeria. Comment se produisent-elles et quels sont les risques ? Comment peut-on enrayer cette épidémie ? Comment aider les patientes à se réinsérer dans la société ? Des questions fondamentales auxquelles il faut tenter de répondre pour mettre fin à cette situation d’urgence.
Qu’est-ce qu’une fistule obstétricale ?
De deux types, fistule vesico-vaginale ou recto-vaginale, une fistule est une déchirure entre la vessie et le vagin ou entre la vessie et le rectum (on en compte 600 cas au Mali selon l’Association internationale de santé maternelle et néonatale et 100 000 en Ethiopie). Une fistule se produit suite à une agression sexuelle ou bien principalement suite à un accouchement à domicile dit avec « obstruction », c’est-à-dire lorsque le fœtus n’est pas correctement placé pour l’accouchement et que sa tête est coincée dans l’utérus de la mère âgée de 15 à 19 ans.
Les adolescentes qui accouchent à domicile au Nigeria sont celles qui habitent en zone rurale (elles représentent 85% de la population) dans les villages isolés et donc trop loin pour pourvoir bénéficier de soins nécessaires de l’hôpital, pendant leur grossesse. De plus, à peine pubères ces jeunes femmes ne sont pas encore physiquement développées ou bien souffrent de malnutrition, ce qui les rend trop faibles pour concevoir un enfant d’où le risque de fistule ou de mort. Mais si ces dernières survivent à l’accouchement (qui peut durer 4 à 5 jours) leur bébé n’a pas cette chance et leur calvaire ne fait que commencer.
Atteintes dès lors de fistules qui entrainent une incontinence (urinaire ou fécale), les jeunes femmes au Nigeria dont la plupart sont analphabètes, sont répudiées par leur village et contraintes de s’isoler en raison des odeurs qu’elles dégagent. Dans certains cas, en plus de la fistule, ces femmes souffrent d’une paralysie des muscles et d’une lésion des tissus vaginaux qui les rend stériles et ne leur permet plus d’avoir de rapports sexuels.
Comment guérir les patientes atteintes de fistules et stopper l’épidémie ?
En procédant à une opération appelée « chirurgie des fistules » les médecins sont en mesure de réparer les tissus vaginaux et la vessie des patientes pour leur permettre de retrouver leur féminité. Le problème étant que trop peu de médecins au Nigeria sont formés à ce genre d’opération, et qu’il n’y a pas suffisamment de centres de soins. C’est pourquoi, afin d’enrayer cette épidémie il semble urgent de dispenser une formation de meilleure qualité aux médecins locaux et de multiplier leur effectif, tant dans les zones urbaines que dans les zones rurales. De plus, il conviendrait de sensibiliser d’avantage la population nigériane à cette maladie, notamment les chefs religieux et chefs de village, via les médias locaux comme le fait Médecins du Monde au Mali depuis 2002. Mais aussi de rendre gratuits les frais médicaux pour les patientes de fistules et d’améliorer les moyens de transport pour aller d’un centre de soins à un autre. Car lorsque ce n’est pas à bord d’un camion ou à dos d’âne que les femmes malades se rendent à l’hôpital, c’est à bord d’ambulance dont elles doivent payer l’essence.
Comment aider à la réinsertion sociale ?
Pour qu’elles puissent vivre sans avoir à se prostituer, les femmes qui ont subis une opération et qui sont dès lors guéries de la fistule, doivent apprendre un métier qu’elles exerceront dès leur sortie du centre avec pour pécule de départ 50 000 FCFA (soit 75euros). Cela n’étant possible que grâce à des institutions spécialisées pour ce genre de patientes, à l’instar du centre de soin de Niamey au Niger, qui héberge depuis sa création en 2004 des jeunes nigérianes pendant 2 à 3 mois, le temps qu’elles se fassent opérer. Il leur permet aussi d’apprendre à lire et écrire. Grâce à ce genre de centre ces femmes deviennent indépendantes et bénéficient d’un suivi médical post-opératoire pendant 1 an.
Actuellement au Mali, l’hôpital de Mopti-Sévaré dédié aux patientes de fistules est en cours de construction. D’un montant initial de 10 milliards de francs CFA, cet hôpital permettra de donner aux jeunes nigérianes des soins médicaux de meilleure qualité, avec des services adaptés à leur besoin : pédiatrie, gynécologie obstétrique, chirurgie. Cofinancé par l’Agence française de développement et la Coopération technique Belge au Mali, l’hôpital de Mopti-Sévaré pourra accueillir un grand nombre de patientes grâce à sa superficie de 6 555m² et ses 122 lits prévus.
Si la fistule obstétricale n’est pas une maladie incurable, elle reste de nos jours encore bien inconnue dans le Monde, entrainant la mort d’un nombre considérable de femmes africaines chaque année. Grâce à une sensibilisation acharnée sur cette maladie et d’éventuels partenariats entre Etats occidentaux et Etats africains dans le but de créer d’autres centres de soins, cette maladie finira par disparaître ou du moins être traitée plus rapidement.
A l’heure actuelle, les actions des ONG comme Médecins sans Frontières et Médecins du Monde ne peuvent suffire, sans un changement préalable des mentalités locales.
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