Noël Aztèque
Le Messie qui cherchait en mer le Mexique où sévit la déesse de la mort, arrive en France ce Noël. Des mers atlantiques agitées où s'était posé son navire cosmique, les typhons et les tempêtes, divinités païennes réactualisées par les manipulateurs de fonds, l'ont déporté vers nos rivages. Il faut dire aussi que les eaux du golfe du Mexique sont bien trop huileuses désormais. Jésus ne peut y marcher, ses pieds se changeraient en matière plastique. Il a viré de bord. Il reviendra un jour vers les descendants des cristeros, Cette fois par le côté (pas tout à fait) Pacifique.

Mais pour l'heure, il a d'autres urgences. A l'Ouest, ça pionce dur et, en France en particulier, on se tue volontiers par désespoir, quand on ne vous tue pas au moral ou au physique. Ce sont les forces vives qui en prennent plein la figure : les jeunes hommes, les entrepreneurs, les fonctionnaires honnêtes, les chômeurs, les enfants, les jeunes filles du dernier printemps, et, en général le tout venant sans horizon. Des juges et des préfets se mêlent d'interdire des crèches de Noël, tout ce qu'il y a de plus ancestral, célébration de la Sainte Famille et du jeune enfant. Qu'à cela ne tienne : Jésus se tient près à renaître à Versailles, s'il le faut, puisque c'est lui le roi.
Le temps de grandir un peu (33 ans quand même), Jésus va un peu faire le ménage dans les terres anciennes de la Chrétienté, à commencer par la France, éternelle pionnière. Il compte ne retrouver son vaisseau cosmique qu'en 2047, une fois l'air de sa chère Europe assaini.
Les mafias du sud de l'Amérique Nord tuent les pauvres gens, se dit Jésus en faisant voile vers Saint-Malo. Cette guerre sale contraint à la lutte défensive. Les uns s'arment, les autres prient et, à leur façon, se préparent à mon retour. Toutefois la tâche est rude. Car enfin ces descendants d'Amérindiens ne se tournent pas que vers la Vierge de Guadalupe ; ils prient tout autant la Mort, depuis peu. Entre deux combats de coqs et deux deals mafieux, la Santa Muerte écoute le peuple saigné ; elle veille sur les assassinés de la drogue et de la liberté d'expression. Elle venge les proches disparus. Ce culte récent tire son origine de l'adoration à un martyr chrétien, San Pascualito, représenté sous la forme d'un squelette, lequel a retrouvé, en l'occurrence, sa nature féminine pré-chrétienne.
On vient de loin en pèlerinage dans les états del Norte ou à Tepito, marcher pour la "Niña Blanca", aussi blanche qu'un sépulcre, encore appelée " Flaquita " (la maigrichonne). Contre un puro (cigare, de préférence de La Havane) et du pain, le bon pain de blé blanc importé ‒ le maïs traditionnel se fait plus rare : on l'importe aussi désormais, et il en deviendrait même OGM.
À la Santa Muerte, on demande des faveurs ordinaires pour soi et les siens, plus d'autres que la Vierge de Guadalupe ne saurait accorder : mort et malheurs en tous genres sur son ennemi personnel, richesse matérielle pour soi, divine (satanée) vengeance.
Redonne le paradis perdu,l' implorent les Mexicains, celui des Toltèques de l'âge d'or, peuple d'Anahuac.
"Alors tous les animaux, les humains même, vivaient en paix ; la terre produisait sans culture les plus riches moissons ; le maïs était si gros qu'un seul épi suffisait pour faire une charge ; les calebasses étaient de la taille d'un homme, et il était inutile de teindre le coton, parce qu'il croissait naturellement de toutes couleurs ; l'air était rempli d'une multitude d'oiseaux admirables par la mélodie de leur chant et l'éclat de leur plumage. Tout le monde vivait dans l'abondance."
On s'y perd, pense Jésus, Il vaut mieux laisser aux descendants des Aztèques mon lieutenant pour l'instant, bien qu'il ne soit pas très catholique : il s'appelle Quetzal Coatl (le Serpent à Plumes). Il reviendra après le règne de la mort, comme prévu dans les textes, avec ses cheveux couleur de soleil, mais je dois préparer la route.
Le Messie, au gouvernail, s'approchant des côtes brumeuses de ce qu'on n'appelle plus que "l'Hexagone" chez les assis, songe à la France en perdition. Bien que le soleil s'y lève et s'y couche encore tous les jours, on n'y voit plus les étoiles. Un smog jaune les masque au-dessus des grandes villes, et là où elles se montrent, en haute montagne, les nuages s'accumulent.
Il serre les dents, Jésus. Ces marchands du Temple, il leur tannera la peau. Il a préparé ses cordages sur le pont. Ils vont voir de quel écologique matériau il les chauffe, ces escrocs, avec leurs colombes de la Paix en cage.
Et cette fois, pas de crucifixion du Juste, en représailles. Il aura, comme toujours, le dernier mot.
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