Nos valeurs démocratiques sont-elles à vendre avec les JO ?
L’organisation des JO par la Chine dans un contexte de violences nous renvoie collectivement à une question fondamentale : sommes-nous capables de défendre et d’assumer nos valeurs et « nos » droits de l’homme ?
Lors d’un récent (http://www.nouvellearcadie.net) café citoyen, à Metz, l’occasion a été donné à un public diversifié de débattre autour de la question d’actualité : "Les droits de l’homme sont-ils à vendre ?". Une participante affirmait grosso modo qu’on ne pouvait pas imposer "nos" valeurs à d’autres pays, et que les cultures institutionnelles se valaient toutes. Si l’on ne doit effectivement rien imposer, les cultures ne se valent pas. Ni sur le plan des institutions ni sur le plan de la morale collective et des pratiques sociales.
Certains défenseurs des JO à Pékin ont choisi de fermer les yeux sur les tensions extrêmes entre la Chine et le Tibet, prétextant d’une part qu’on ne doit pas mélanger la politique et le sport et, d’autre part, que le Tibet n’a rien à dire et qu’il n’est pas un "modèle". Que cette province chinoise (censée être autonome) soit régie partiellement par un archaïsme religieux, comme le rappellent certains observateurs, n’est pas faux. Mais ce n’est pas notre affaire. En outre, a-t-on déjà vu un Tibétain imposer sa loi et affirmer sa propre raison contre le monde entier ? Pour avoir rencontré quelques moines tibétains et croisé des représentants du peuple tibétain en exil dans le nord de l’Inde, j’affirme que les valeurs européennes de démocratie et des droits de l’homme sont largement compatibles avec celles des Tibétains. Le Tibet célèbre même un "Democracy Day", au mois de septembre. Je ne suis pas bouddhiste et la religion, généralement, m’indiffère. Libre à chacun de la vivre à sa façon.
Liberté d’expression et valeurs démocratiques
Mais lorsque nos policiers français cassent la gueule à un photographe de la presse (libre ?) et déchirent les drapeaux de manifestants pacifiques qui n’ont rien de menaçant ou d’excité, les citoyens de ce pays sont en droit de s’interroger sur la portée de leur propre "modèle" et sur la valeur de "leurs" droits de l’homme, tels qu’on les pratique en France. Lorsque Robert Ménard, président de l’association (http://www.rsf.org) Reporters sans frontières, attire l’attention en Grèce, il se fait emmener au poste de police et risque un procès. Depuis quand, en démocratie, enferme-t-on les gens pour leur liberté d’expression pacifique ? Depuis quand, en démocratie, chez nous, en France, les policiers ont-ils des pratiques qui rappellent certaines milices de dictature ? La ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, dément qu’il y ait eu des consignes. Certaines informations tendraient à prouver le contraire. Mais il est difficile de savoir qui a donné les ordres. En l’occurrence, la désinformation agit à tous les niveaux. Une photo, diffusée par l’agence britannique de presse (illustration ci-contre) montre que les Chinois ont manipulé l’opinion internationale pour faire croire à une révolte des moines Tibétains à Lhassa.
Les Jeux ont un objectif commercial
Au moment où la flamme olympique a traversé la capitale française, l’unité de lieu et de temps a composé un drame qui doit nous inciter à la réflexion. Soyons clairs : le CIO (Comité international olympique) est un organe mondialisé qui fait du commerce, tout en promouvant les valeurs du sport olympique (que l’on retrouve à peu près dans celles des démocraties occidentales). Le commerce est l’objectif caché, mais prioritaire. Le CIO est une sorte de VRP, vendu lui-même aux sponsors des Jeux. Sans sponsors, pas de Jeux. Pour cette fois, les fabricants et les lobbies (pour moi ce n’est pas un gros mot) ont décidé de se vendre à la Chine. Pourquoi pas ? C’est dans l’air du temps. Le temps de l’économie globalisée. Gardons-nous de porter un jugement de valeur. Cela dit, sachant que l’unité de lieu et de temps des compétitions sportives en Chine permet de signer des gros contrats, il ne faudrait pas oublier la seconde partie - officielle et publique - de la mission du CIO : les valeurs. C’est là que les citoyens - amateurs de sport ou pas - devraient avoir le courage d’ouvrir les yeux.
Où va-t-on ?
En conséquence, dans cette unité - imposée par notre système - de lieu et de temps, que nous devons donc assumer, on peut considérer que "le partenaire" (en l’occurrence la Chine) a sa chance sur le plan de certaines valeurs politiques. Les unités de lieu et de temps sont - principe théâtral - les révélateurs des scènes-clés. A ce stade de la "pièce" - drame collectif - le régime chinois se campe dans la posture de l’acteur qui non seulement ne joue pas la pièce, mais en plus méprise le public et, par-dessus le marché, le vole et le viole.
L’attitude de nos propres institutions est particulièrement choquante. Elles semblent soumises aux ordres de Pékin en plein Paris. Les services de sécurité chinois ont dirigé une partie des opérations. Rien que pour ça, l’on peut se sentir Tibétain. Comment reprendre la main ? Porter la contradiction est-il encore possible ? A cet égard, le débat organisé par John-Paul Lepers, sur la Télé libre, est instructif et assez édifiant.
Et si on se réveillait ?! Aux dernières nouvelles, même George W. Bush, qui impose la démocratie quand ça l’arrange, envisage de ne pas assister à la cérémonie d’ouverture des Jeux. Décidément, nos valeurs foutent le camp.
Laurent Watrin
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