Nouvelle Donne
La communauté internationale a les moyens de renvoyer le fondamentalisme aux oubliettes de l’Histoire. En a-t-elle la volonté ?
Il y a quatre ans, le triomphe de George W. Bush aux élections présidentielles laissait présager le pire pour l’Amérique et le monde : le pays supposé mener la lutte en faveur de la démocratie et contre le terrorisme confirmait à sa tête un fondamentaliste menant délibérément une politique favorable à la montée des extrémismes au sein de chacune des grandes religions monothéistes, et imposant à son propre pays d’inquiétants accents de théocratie fascisante*.
Il y a quatre semaines, le triomphe de Barack H. Obama aux élections présidentielles apportait un formidable message d’espoir : ce même pays, les Etats-Unis d’Amérique, embrassait massivement un discours de respect, de tolérance et d’espoir, renvoyant dans l’ombre le discours de haîne et de peur dans lequel ses dirigeants l’avaient enfermé au lendemain du 11 Septembre, faisant ainsi le jeu des auteurs des attentats**.
S’ils se trouvent bientôt privés de leur principal leader ou partenaire, les fondamentalistes n’ont pas pour autant perdu la guerre, comme en attestent la semaine dernière la vague d’attentats à Mumbai, les tueries de Jos au Nigeria, ou les violences quotidiennes aux quatre coins de la planète.
La logique ne change pas : entretenir la haîne et la peur, affaiblir les modérés et renforcer les radicaux, encourager le repli sur soi et la crainte de l’autre, placer le débat sur le terrain de la religion alors qu’il est avant tout question de politique.
George W. Bush a délibérément apporté la pire des réponses possibles au 11 Septembre, et Manmohan Singh doit surtout se garder de montrer du doigt le Pakistan. Il lui faut bien au contraire tendre la main à Asif Ali Zardari et l’aider à vaincre les ennemis communs, à condition naturellement que celui-ci joue la carte de la transparence et de l’ouverture. L’objectif recherché à travers les attaques de Mumbai, c’est bien sûr d’attiser la haîne au sein de la plus grande démocratie du monde, et de fragiliser toute dynamique de paix dans la région, mais aussi et avant tout de faire basculer le Pakistan du mauvais côté.
Les maillons faibles, ce sont bien sûr la Palestine, le Liban ou l’Afghanistan, mais aussi des pays souvent pointés du doigt comme le Pakistan ou l’Iran. Des pays condamnés à évoluer en renonçant à l’extrémisme, mais minés de l’intérieur et de l’extérieur par des ennemis qui ne peuvent pas se permettre que les modérés et les réformateurs sauvent un maillon aussi essentiel de leur stratégie globale.
On ne peut pas empêcher les actes terroristes, mais on peut en annihiler la portée. Chaque attaque ne doit pas nous éloigner mais nous rapprocher les uns des autres.
L’Afghanistan n’était pas responsable des attentats du 9/11, c’est le monde qui a abandonné l’Afghanistan aux mains de ceux qui les ont fomenté. A son tour, le Pakistan a besoin d’aide, mais pas d’une aide contre-productive comme celle qui a conforté Pervez Musharraf dans la dictature et légitimé les Islamistes dans leur quête du pouvoir : l’effort doit être total, moins militaire que politique, économique, culturel et social - il doit embrasser tous les acteurs de la région et réintégrer le Pakistan dans le camp des démocraties victimes du fondamentalisme.
Celui-ci s’étiolera lorsque l’opinion publique le rejettera comme un corps étranger nocif. L’exemple viendra du haut avec des leaders sains oeuvrant réellement au bien de la communauté et collaborant au-delà des différences pour lutter à la source contre la pauvreté et l’injustice. L’exemple viendra aussi du terrain par la reconquête d’esprits séduits par l’aide apportée au quotidien par les vitrines caritatives des mouvances fondamentalistes. Pas seulement Islamistes : les fondamentalistes Chrétiens contribuent tout autant à attiser les flammes en envoyant des armées de prosélytes dans les régions défavorisées d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique du Sud. C’est la version ONG des croisades, ou plutôt du "Choc des Civilisations" d’Huntington, cette nouvelle bible célébrant l’alliance des néocons et des théocons.
Ce que l’on attend du nouveau président Américain, ce n’est pas qu’il renforce les clivages actuels mais qu’il apporte un éclairage plus objectif sur une situation complexe. Il suffit de prendre un minimum de recul pour exposer l’imposture fondamentaliste. Il faut du courage et des caractères forts pour remettre des pays en miettes dans le sens positif de l’Histoire.
Mais quelque part tout le monde est aujourd’hui suffisamment meurtri pour que chacun accepte de faire un pas. Et si la dynamique prend vite, si la diplomatie reprend ses droits, si la politique regagne ses lettres de noblesse, si l’Amérique elle-même montre la voie du soft power y compris dans la sphère économique, même la Russie et même la Chine seront obligés de suivre.
* cf "Universal Declaration of Independence from Fundamentalism"
** cf "The Stolen Election"
initialement publié sur blogules.
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