Obama joue son va-tout sur l’emploi
Par Benoît Toussaint — De plus en plus impopulaire, Barack Obama a annoncé un plan en faveur de l’emploi pour remettre l’économie des Etats-Unis sur les rails de la croissance. A quelques mois de la prochaine élection présidentielle, il joue sans doute sa dernière carte avant le vote des électeurs.

Alors que les craintes d’une récession se font de plus en plus vives aux Etats-Unis, Barack Obama a annoncé le 8 septembre un vaste plan en faveur de l’emploi. Visiblement plus tendu et fébrile que lors de son discours sur l’état de l’Union en janvier dernier, le président américain a exhorté les parlementaires à « voter immédiatement » le projet intitulé American Jobs Act. Elaboré dans l’urgence, ce plan prévoit une action en trois volets pour sortir les Etats-Unis de l’impasse économique et réduire le chômage qui s’élevait en août à 9,1%.
Le président américain propose l’extension et l’élargissement des baisses temporaires de charges sur les salaires, qui ont été abaissées à 4,2% contre 6,2% cette année. Le plan envisage de réduire ce taux à 3,1% en 2012. L’administration espère que cette réduction d’impôt élargie profitera aux familles des classes moyennes et les incitera à consommer, au moment où la demande faible est un frein majeur à la reprise économique.
Les entreprises devraient, elles aussi, bénéficier de crédits d’impôts afin de favoriser les embauches et celles qui augmenteront les salaires seront exemptées de charges pendant plusieurs années. Des mesures qui devraient représenter un manque à gagner de 245 milliards d’euros par l’Etat américain.
En parallèle, Barack Obama a promis de consacrer 140 milliards de dollars aux dépenses publiques telles que la construction d’autoroutes, de routes, de voies ferrées, d’installations aéronautiques ainsi que la modernisation des écoles publiques et des collèges. Son plan propose 40 milliards de dollars d’aide pour éviter le licenciement de quelque 280 000 enseignants — ainsi que des policiers et des pompiers.
Au total, ce plan devrait réduire de 447 milliards d’euros les revenus de l’Etat Américain. C’est un peu plus de 50% du plan de stimulation de l’économie mis en place en 2009 et qui est loin d’avoir atteint ses objectifs de relance de la croissance américaine.
« Si vous voulez des travailleurs sur les sites de travail, adoptez cette loi, a martelé Barack Obama, si vous voulez des enseignants dans les classes, adoptez ce projet de loi. Si vous voulez que les gérants des petites entreprises embauchent de nouvelles personnes, adoptez cette loi ». Puis de défier les Républicains à la chambre en leur adressant : « prouvez que vous êtes prêts à vous battre aussi durement pour les réductions d’impôts pour les travailleurs et les classes moyennes, que vous ne le faites pour les compagnies pétrolières et les riches ». Selon la Maison blanche, ce projet devrait permettre de créer 1 million d’emplois en augmentant la croissance du PIB de 1 à 1,5 point en 2012.
Un tournant dans la présidence
Cette annonce représentait un enjeu crucial pour Barack Obama qui joue peut-être sa dernière carte avant l’élection de 2012. Il jouerait même sa survie, selon Thomas Defranck du DailyNews à Washington. De plus en plus impopulaire et malmené dans les sondages, le président américain a lancé une vaste offensive de reconquête de l’opinion qui lui reproche une gestion catastrophique de la crise et de la santé économique du pays. Le pessimisme du public au sujet de la direction du pays a bondi à son plus haut niveau en près de trois ans, selon un nouveau sondage Washington Post-ABC, effaçant la vague d’espoir qui avait suivi son investiture en 2008.
Malgré les appels au consensus, les conseillers de la Maison Blanche ont toutefois reconnu en privé que l’approbation par le Congrès de ce plan dans son ensemble est improbable. Steve Ekovitch, professeur de Sciences Politiques et d’Histoire à l’Université Américaine de Paris, estimait peu avant l’annonce de l’American Jobs Act, que Barack Obama allait proposer « un plan inacceptable pour les républicains. Ceux-ci devraient donc le récuser et Obama en profitera pour indiquer qu’il a formulé des propositions pour enrayer la crise mais que les républicains les ont refusées ».
Un stimulus de plus ?
Les réactions qui ont suivies l’annonce dans la sphère économique étaient mitigées. Du côté des Républicains, l’accueil fait à ce plan a été pour le moins glacial. Le président de la Chambre John Boehner s’est déclaré peu enthousiaste, tout en se disant un peu plus optimiste sur ses chances d’être voté : « Les propositions du président décrites [jeudi] soir méritent toute notre considération. Nous espérons qu’il accorde une attention sérieuse à nos idées ». La candidate du GOP à l’élection présidentielle Michelle Bachmann a estimé « qu’il n’y rien de positif dans ce plan ». Il s’agit « plus d’un plan de réélection qu’un plan pour l’emploi », a estimé Mitch McConnel, chef de file des républicains au Sénat.
Outre le problème que fait peser ces nouvelles dépenses sur la dette américaine, certains analystes ont fait remarquer que des mesures temporaires ne pourraient avoir qu’un effet limité et insuffisant pour redémarrer le moteur de l’économie américaine. Pour Caroline Baum, analyste pour l’agence Bloomberg, les solutions temporaires constituent toujours de mauvaises idées : « Pourquoi des entreprises se laisseraient-elle convaincre d’embaucher pour un crédit d’impôt à court terme, lorsqu’elles doivent assumer des charges et des dépenses sur le long-terme ? Elle ne le feront pas, à moins d’avoir décidé de toute façon à employer ». Autrement dit, l’American Jobs Act favorisera les effets d’aubaine.
Mais surtout, c’est l’efficacité même des stimulus qui a été pointée par certains analystes. En dépit des 800 milliards injectés dans l’économie en 2008, les Etats-Unis ne sont pas parvenus à sortir de la crise. Selon Garett Jones et Daniel Rotschild, analystes pour l’American Enterprise Institut, les connaissances qui remontent de l’économie réelle permettent d’affirmer que les stimulus ont été des occasions perdues. En pratique, il se sont transformés en mariage forcé entre une théorie économique justifiée par des modèles informatiques et 40 ans de politiques sociales et progressistes. Cela a produit le taux de chômage de 9,1% que l’Amérique connaît actuellement.
Pour ces auteurs, l’économie aurait pu bénéficier davantage d’incitations pour les personnes et les entreprises à investir, produire et se développer. Le plan devrait être examiné prochainement par les représentants des chambres. Les termes de l’accord pourraient faire l’objet d’un vote séparé afin de n’en adopter que les meilleures mesures. La question des réformes structurelles risque d’être la grande absente des débats.
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Journaliste en formation au Centre de formation des journalistes (CFJ, promotion 2012). Diplômé d’une Grande Ecole en commerce international, Benoît Toussaint est blogger et auteur pour de nombreux sites et webzines sur la toile. Intéressé par la politique américaine, ainsi que par l'évolution de l'histoire des idées aux Etats-Unis.
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