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Accueil du site > Actualités > International > Obama, l’étranger dans la maison ?

Obama, l’étranger dans la maison ?

L’éditorial de David Brooks dans le New York Times d’hier mérite de s’y arrêter car il soulève une question évidente, et tente d’y répondre par une interprétation solide de la personnalité d’Obama : pourquoi celui-ci, compte tenu du phénomène qu’il représente, ne parvient-il pas à distancer plus nettement son adversaire ? Son analyse vaut bien des commentaires pour mieux comprendre pourquoi, malgré l’attrait du personnage, ses chances réelles de victoire ne doivent pas masquer la probabilité tout aussi réelle qu’il perde le 4 novembre prochain.

Obama séduit. Son assurance physique, le timbre de sa voix et les messages rassembleurs ainsi que le lyrisme de son discours, sans oublier sa dextérité au basket, tranchent avec les hommes politiques habituels. Son métissage ajoute, bien sûr, au caractère exceptionnel de sa candidature qui le fait entrer dans l’Histoire puisqu’il est le premier non-Blanc à figurer dans le duel final pour la présidence. Obama est aussi un peu la réincarnation du mythe Kennedy : même âge, même facilité, même aisance, même talent oratoire, et une "success story" à l’américaine, quoique différente de celle du clan Kennedy, fondée sur l’immense fortune du père, Joseph Kennedy.

Pourquoi donc Obama, acclamé à Berlin tandis que le président Bush n’intéresse personne à Paris et se fait huer à Séoul, n’est-il pas plus en avance sur les compteurs de la popularité ? Brooks souligne que, partout où il est passé, Obama est resté un peu en touche. Il a habité plusieurs mondes (Harvard, le quartier noir de Chicago, le Sénat) et exprime plusieurs héritages (l’Afrique, l’Indonésie, Hawaii et le Kansas), mais n’appartient à aucun. Obama a le talent de s’intégrer à chacun de ces univers, mais il ne pousse pas jusqu’à se les approprier, il passe de l’un à l’autre sans s’y accomplir, comme si à chaque fois c’était autre chose qui l’attendait. Du coup, on ne sait comment définir Obama. Il est insaisissable, il n’est pas comme McCain, droit dans ses bottes, mais plutôt un fin et subtil roseau qui plie au vent, comprenant vite et absorbant dans sa complexité la réalité qui l’entoure ; le contraire d’un pilier qui soutient l’édifice. Le facteur confiance fait alors défaut, dit en substance Brooks : "on l’aime, mais on ne sait pas bien où il va". Brooks conclut : "Ce devrait être un raz-de-marée démocrate. Mais les électeurs ont peine à faire confiance à un ’voyageur’ qu’ils ne savent pas identifier".

Obama partout et nulle part en somme. Et si la présidence des États-Unis était sa destination finale, est-on tenté de demander  ? Si elle était le point où convergent les faisceaux de toute une vie et de ses legs multiples ? Le point de confluence où les contradictions se résolvent et les incertitudes se dissipent ? La présidence est un office où il faut avoir les pieds dans le local et la tête dans les échelons supérieurs de la décision politique, comprendre le particulier et le général, saisir la multiplicité des influences et des conséquences d’un problème et d’une décision. C’est là aussi qu’il faut appartenir à tous et à personne, pas même à soi-même.

Pour y arriver, toutefois, Obama pâtit d’une faiblesse inhérente, peut-être irrémédiable, décelée par Brooks. Pour convaincre, il doit s’incarner, se définir, car à force de synthèse il risque d’être perçu comme synthétique, tandis que son adversaire, lui, est tout le contraire d’un "voyageur" insaisissable.



David Brooks


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8 réactions à cet article    


  • Ha-n Ha-n 7 août 2008 14:52

    Oui mais à l’inverse, être l’homme de personne c’est également être l’homme de chacun, c’est à mon sens très novateur d’une certaine manière de faire de la politique, d’après ce que j’ai vu, Obama est dans un schéme d’agrégation des masses ce qui est, du moins d’après ce que j’ai vu récement, l’opposé du schéme standard en politique. En temps de crise, cette approche sera couronnée de succès, car le phènomène de psychose de la crise fait que l’on va choisir l’homme d’ouverture plutôt que l’homme de fermeture.


    • Mescalina Mescalina 7 août 2008 17:26

      Oui mais à l’inverse, être l’homme de personne c’est également être l’homme de chacun

      Les américains sont patriotes, leur identité culturelle est très forte, ils sont fiers et derrières leur nation. Voir la durée du soutien majoritaire pour la guerre en Irak. Ils choisiront un président enraciné qui défendra leurs intérêts avant tout.

      Obama est dans un schéme d’agrégation des masses
       
      Opération très risquée et pratiquement vouée à l’échec. Un mentos dans un Coca. On agrège des intérêts convergents. Voir l’interpélation récente qui l’a cloué sur place lorsque un groupuscule black l’a interpelé en plein meeting d’un "And what will you do for us". Très marrant d’ailleurs pas vu un article la dessus sur ce site d’activiste qu’est AVOX. 

      En temps de crise, cette approche sera couronnée de succès, car le phènomène de psychose de la crise fait que l’on va choisir l’homme d’ouverture plutôt que l’homme de fermeture.

      En temps de crise, les américains soutiennent Bush. Un homme d’ouverture il est vrai. Mc Cain rassure, est lisible, et nul doute que la thématique de l’insécurité et la psychose de la crise lui feront gagner les élections. Voir les élections récentes (Et pas qu’aux USA...).


    • Ha-n Ha-n 7 août 2008 17:58

      D’un autre côté, Mc Cain fait figure de monolithe, tandis qu’Obama semble "adaptable", c’est en celà que je le vois plus capable de fédérer une amérique en crise, en plus je vois guère le lobby afroaméricain appeler à voter McCain parce qu’Obama n’est pas spécifiquement un candidat de minorités.


    • Mescalina Mescalina 7 août 2008 17:01

      Approche très intéressante.
      Merci.


      • Bois-Guisbert 7 août 2008 20:59

        Obama sera battu, et certainement plus nettement que McGovern en 1972.

        Principalement à cause de la couleur de sa peau. Obama, c’est l’Alien, le candidat insolite, pour qui on vote dans les sondages, pas dans l’isoloir...

        Ce n’est pas Ségolène Royal qu’il évoque, c’est Bayrou. Ou, pire, Coluche.

        Si les vrais hommes politiques ont des partisans et des supporters, Obama a des fans et des groupies : c’était particulièrement manifeste à Berlin, où j’étais, au milieu d’une foule hallucinée de Love Parade..

        Et il ne faut pas oublié qu’en dépit de tous les atouts que lui voit M. Mireur…


        — Obama séduit. Son assurance physique, le timbre de sa voix et les messages rassembleurs ainsi que le lyrisme de son discours, sans oublier sa dextérité au basket, tranchent avec les hommes politiques habituels. Son métissage ajoute, bien sûr, au caractère exceptionnel de sa candidature -,

        …il n’a jamais réuni que 17 millions de voix lors des primaires, ce qui ne représente qu’environ 6 % de l’électorat américain. C’est loin du raz-de-marée dont on nous bassine, même si cela équivaut à 12 % des votants, en cas de participation de l’ordre de 50 %.

        A cela s’ajoute un vide programmatique abyssal que le washingtonologue Guy Millière met impitoyablement en évidence :

        Barack Obama, c’est bien davantage que de l’inexpérience, c’est du vide. Une fois les téléprompteurs et les oreillettes éteints, le discours se grippe et les arguments s’épuisent.
        Ou alors, il ne reste que quelques formules, où surnagent les mots « espoir » et « changement », à moins que ce ne soit une combinaison des deux, « l’espoir du changement » qui, bien sûr, implique un « changement dans l’espoir »…

        Quand on enlève les téléprompteurs, les oreillettes, le discours des speechwriters, la prestance de gravure de mode teintée d’un zeste de trucs de prêcheur et d’hypnose collective, il reste le contenu du programme, et celui-ci est d’un vide consternant et d’une vacuité socialiste qui trahit le manque d’imagination et l’illusion qu’avec des vieilles recettes moisies, on peut inventer un avenir tout neuf.

        Pour quelqu’un qui, comme moi, n’a pas beaucoup de sympathie pour les Etats-Unis de l’après-guerre froide, c’est un peu dommage. Voir cette grande andouille idéaliste patauger, pendant quatre ans, dans un costard beaucoup trop grand pour lui, serait un plaisir chaque jour renouvelé…

        A condition que le Lee Harvey Oswald de service ne mette pas un terme prématuré à la calamiteuse expérience… Même diminués, les Etats-Unis restent la première puissance mondiale, et on ne peut laisser n’importe quel hurluberlu dégoulinant de bons sentiments, en faire n’importe quoi...


        • fourreau 8 août 2008 02:16

          prenez la peine de vous relire rien que pour ne pas dire une chose et son contraire. Cela fait de vous un hurluberlu authentiquement dégoulinant...AV va regretter de vous ouvrir ses pages !


        • Bois-Guisbert 8 août 2008 09:26

          prenez la peine de vous relire rien que pour ne pas dire une chose et son contraire.

          Vous pouvez développer la contradiction, qu’on voie précisément de quoi il retourne ?

          Sinon, taisez-vous à jamais smiley


        • Ha-n Ha-n 10 août 2008 02:45

          Les primaires sont les primaires, de plus les programme d’Obama et Clinton n’étaient pas tellement différents.
          Citer Millière, ça c’est osé, ça doit être le seul néoconservateur français qui je connaisse (bonjour la partialité...).
          Obama peut gagner " à la française", c’est à dire pour ce qu’il n’est pas, un digne successeur de Bush engoncé dans une doctrine républicaine qui, finalement, prend des mesures que vous qualifieriez de socialiste, comme quoi il n’y a qu’au plus fort de la tempète qu’on peut voir si le capitaine les a bien accrochées, si vous me passez l’expression....

          Sinon tant pis.

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