Obésité et vieillissement, les véritables ennemis de la Chine
D’après des estimations récentes, la population chinoise devrait atteindre 1,6 milliard d’habitants en 2040, contre 1,2 milliard en 1995. Ensuite, elle devrait retomber en dessous de 1,4 milliard aux environs de 2100. Ce sont là des fluctuations importantes qui touchent 20 % de la population mondiale et qui soulèvent de graves problèmes sur les plans de l’alimentation, de l’emploi, de l’urbanisation et du vieillissement de la population. La démographie chinoise devient une véritable bombe à retardement, lançait en 1999, l’OCDE.
En pleine dynastie des Han (de l’an 206 avant jusqu’à 220 après Jésus Christ), la Chine comptait déjà des villes de cinq cent mille habitants et plus. Et son territoire équivalait à celui de l’Europe occidentale. En 2004, la population mondiale était estimée à 6,4 milliards d’habitants. En 2010, la République populaire de Chine, d’une superficie de 9 600 000 km2, compte 1,3 milliard d’habitants répartie entre 55 ethnies différentes qui s’expriment dans leur propre langue ou dialecte. Le mandarin est la langue officielle du pays. À l’horizon 2050, la Terre devrait compter environ 9 à 9,5 milliards d’individus. Pourtant, dans les années 1990, l’ONU annonçait entre 11 et 15 milliards d’habitants à l’horizon 2100. Les données statistiques ont changé puisque, après 2050, les démographes prédisent une stabilisation de la population en raison de la décroissance du nombre d’enfants par familles. Le taux actuel de fécondité est de 1,77 enfant par femme, selon le World Population Prospects : The 2008 Revision, publié par l’ONU.
Il est important de se rappeler que dans les années 70, un couple chinois avait en moyenne 5,8 enfants. Le 25 septembre 1980 entre en vigueur, en Chine, une politique structurée du contrôle des naissances. Politique qui s’est appelée de l’enfant unique. Cette politique était rendue nécessaire en raison d’une surpopulation grandissante et pour des objectifs de croissance économique et de hausse du niveau de vie des Chinois. Pour le gouvernement chinois : « le contrôle des naissances appliqué en Chine consiste à retarder l’âge du mariage et de la procréation, à donner naissance à des enfants bien constitués. On encourage dans tout le pays chaque couple à n’avoir qu’un seul enfant. A la campagne, il est possible, pour les couples qui ont des difficultés réelles, d’avoir un deuxième enfant quelques années plus tard. Dans les régions habitées par les minorités ethniques, c’est en respectant la volonté du peuple de ces ethnies et en tenant compte de leur population, de leurs ressources, de leur économie, de leur culture et de leurs us et coutumes qu’on adopte des règlements différents du contrôle des naissances qui sont les suivants : un couple peut en général donner naissance à deux enfants, ou même trois dans certaines régions ; et le contrôle des naissances n’est pas applicable aux ethnies dont la population est en nombre réduit ». En effet, dans ce dernier cas, les 54 minorités ethniques chinoises sur 55 (environ 100 millions de chinois) ont droit à 2 ou 3 enfants afin de poursuivre leurs lignées, selon la constitution Chinoise. Cette politique de l’enfant unique n’a pas fait l’objet, lors de son adoption, d’une législation nationale mais bien d’un ensemble de législations provinciales et locales. En 2002, le gouvernement chinois a régularisé, à l’ensemble du pays, cette situation en faisant adopter, par le Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire, une loi générique.
Une autre mesure est venue s’ajouter à celle sur le contrôle sur les naissances. L’âge légal pour le mariage a été élevé à 20 ans pour les femmes, à 22 pour les hommes. La cellule familiale pouvait se constituer d’un enfant unique avec ses deux parents et ses quatre grands-parents. Autres résultats de cette mesure : l’âge moyen du premier mariage pour les femmes en âge de procréer s’est élevé de 20,8 ans en 1970 à 23,57 ans en 1998, et le taux global de la contraception des femmes mariées en âge de procréer a atteint 83%. Le dernier recensement en Chine (2000) a toutefois jeté une ombre sur la fiabilité des statistiques. Les pouvoirs publics ont, par exemple, été incapables de dire si la réduction du nombre moyen de personnes par famille, tombé de 3,96 en 1990 à 3,44 en 2000, était due au camouflage des naissances hors quota et sujettes à sanctions, ou à la baisse de la fécondité des femmes, dont les résultats bruts du recensement indiquaient qu’elle était tombée à 1,5 (certaines études la situent seulement à 1,22), parmi les plus faibles du monde, et très en-dessous du taux de remplacement de 2,1.
On évalue aujourd’hui à plus de 90 millions le nombre d’enfants uniques, appelés également les « petits empereurs ». Selon la Commission chinoise d’État pour la population et le planning familial, cette politique aurait évité près de 400 millions de naissances supplémentaires en 30 ans, ce qui a permis d’économiser sur les coûts d’entretien pour l’État et la société, d’adoucir la pression du surpeuplement sur les ressources et l’environnement, et de stimuler le développement économique et l’amélioration des conditions de vie de la population. Zhao Baige, vice-directeur de la Commission, a expliqué, à Copenhague, et cité par le China Daily, qu’au plan environnemental : « As a result of the family planning policy, China has seen 400 million fewer births, which has resulted in 18 million fewer tons of CO2 emissions a year ». Démographie et environnement sont désormais intimement liés. Plus tard, Zhao Baige a précisé que « la Chine reste un pays en développement. En raison d’une base démographique large et d’un écart de développement entre les régions, le développement démographique en Chine fait face à de multiples défis ».
Lors de son passage à la dernière Assemblée générale des Nations Unies, le ministre de la santé de la République populaire de Chine, Chen Zhu, n’a pas caché les immenses défis auxquels sont confrontées les autorités du pays. La Chine en était toujours à la première phase du plan de rénovation annoncé en 2009, qui, grâce à un investissement public de 125 milliards de $, devrait permettre d’offrir des soins accessibles à tous en 2020. [...] Le 13 octobre dernier, Chen Zhu, dans un forum organisé à Shanghai, annonçait que depuis juin 2010, le système de soins médicaux de base chinois couvrait déjà 1,223 milliard de personnes. « Il s’agit du plus grand système de soins médicaux de base du monde », précisait le ministre. Mais il reste des carences au plan du système de santé chinois. Ainsi, le nombre d’hôpitaux (autour de 20 000, selon certains spécialistes) est nettement insuffisant avec un ratio d’un hôpital pour 65 000 habitants contre un hôpital pour 20 000 en France. Priorité est donc mise sur les districts avec un objectif de 1000 hôpitaux par an. Le ministère encourage les investissements privés et espèrent que les compagnies d’assurance chinoises sauront cibler le marché des campagnes en modulant leurs prix pour prendre en compte le niveau de revenus de leurs clients.
Dans un pays habitué aux familles nombreuses – leurs propres parents ont en moyenne cinq ou six frères et sœurs –, les petits empereurs ou les petites princesses sont seuls, en grande partie dans les villes, pour assumer le rôle d’unique descendant. Et un poids s’ajoute sur leurs épaules : le rendement scolaire pour une plus grande performance professionnelle. De leur réussite professionnelle, atteignant les échelons les plus élevés au sein des moyennes et grandes entreprises, dépendra la survie familiale. Le People’s Daily Online ne met des gants blancs pour qualifier l’état de la situation des jeunes générations chinoises : « Every parent makes full efforts to provide various material and spiritual conditions for their children’s success. Parents will do everything they can to send their children to famous schools starting from kindergartens to primary schools and later colleges ». Les attentes des parents pourraient être compromises par ce phénomène selon lequel, comme l’explique le People’s Daily Online, « the younger generation of China has been criticized as an « effeminate generation ». They are selfish, fragile and arrogant. The generation of the « only child » is the « Little Emperor » in the family. They know nothing but seeking pleasure. The children are actually not « Emperors » but « Puppet Emperors », because their personalities exactly reflect the narrow-mindedness and short-sightedness of their parents. They are more like a « Kidnapped Generation ». Jugement sévère s’il en est.
Les parents chinois réalisent de plus les dangers de l’obésité de leurs enfants. En Chine, sur les 300 millions d’enfants chinois, le nombre d’enfants obèses augmente de 8% chaque année : près de 20% des citadins de moins de sept ans sont en surpoids et plus de 7% obèses. La politique de l’enfant unique conduit, selon un spécialiste, les parents à surprotéger leur enfant. Le comportement des grands-parents est particulièrement inquiétant : ils tendent à gaver leur petit-enfant car ils pensent qu’être gros est signe de richesse pour la famille. Cette surcharge pondérale chez les enfants est révélatrice des bouleversements sociaux qui ont transformé le pays depuis la fin des années 1970. L’augmentation du taux d’obésité dépasse celui de la croissance économique, explique un spécialiste de la question de l’obésité infantile.
Cette politique de la natalité n’a pas laissé que des marques positives. Une étude chinoise et britannique, menée sur plus de 4,7 millions de personnes de moins de 20 ans, et publiée en avril 2009, dans le British Medical Journal, montre un excédent de plus de 32 millions de garçons de moins de 20 ans par rapport aux filles, soit 119 garçons pour 100 filles (à l’échelle mondiale, ce déséquilibre est autour de 103 garçons pour 100 filles). Selon les tendances, en 2020, environ 40 millions de chinois seront célibataires.
Une autre conséquence de cette politique est évidemment le vieillissement de la population. La Chine se voit confrontée à un vieillissement prématuré de sa population. Selon des prévisions démographiques, en 2050, la proportion des plus de 60 ans sera de 20% à l’échelle planétaire et de plus de 40% en Europe. Et la Chine, devant ses propres problèmes, d’une ampleur qui dépasse nos calculs référentiels, sait fort qu’elle ne doit pas oublier le financement des retraites de plus de 400 millions de Chinois qui auront plus de 60 ans en 2050. Les personnes âgées de plus de 60 ans représentaient 12,5 % de la population en 2009 et formaient un groupe de 167 millions de personnes ; en 2050, leur nombre devrait s’élever à 438 millions, ce qui imposera, il va sans dire, une lourde charge à une population en âge de travailler qui ne croît pas au même rythme. Selon des prévisions démographiques, en 2050, la proportion des plus de 60 ans sera de 20% à l’échelle planétaire et de plus de 40% en Europe.
« Même si les personnes âgées de ces familles 4-2-1 sont encore en bonne santé maintenant et qu’elles peuvent contribuer aux tâches ménagères et s’occuper des enfants, le problème, dans un futur prévisible, sera le manque de main d’oeuvre pour s’occuper d’eux », conclut Yuan Xin, professeur à l’Institut de Recherche sur la Population et le Développement à l’Université Nankai, dans une entrevue qu’il accordait au Quotidien du peuple en ligne. « Traditionnellement, les Chinois s’occupent de leurs parents quand ils vieillissent. Cependant, le fait que les familles rétrécissent et que gens vivent plus longtemps veut dire que les générations plus jeunes et les services de soins aux personnes âgées en Chine vont faire face à une immense pression dans les années qui viennent ». Une autre étude, de 2008 celle-là, menée dans des villages de la province du Hubei par l’Université des Sciences et Technologies de Huazhong, et citée dans le Quotidien du peuple en ligne, a découvert que le suicide était même devenu une sorte de « culture » dans certains villages, où des personnes âgées choisissent souvent de mettre fin à leurs jours après des disputes de famille ou quand ils sentent qu’ils ne peuvent plus travailler.
Dans son éditorial du 13 octobre, le quotidien Global Times, très près du pouvoir chinois, aborde cette question du contrôle des naissances. Selon cet éditorial, le vieux modèle des familles chinoises menaient tout droit à la pauvreté. La croissance démographique avait pour effet d’exercer une pression sur la structure sociale du pays : « The growing population put tremendous pressure on the environment and the country’s infrastructure. Old-styled large Chinese families plagued many to long time poverty ». Global Times plaide bien évidemment pour le maintien de cette politique et pour une application rigoureuse des mécanismes de contrôle. Toutefois, les ajustements que doivent s’imposer les autorités chinoises doivent être pris non dans la hâte mais après mûres réflexions, avertit le quotidien.
Pour Li Keqiang, le Vice-Premier ministre, qui pourrait prétendre au titre de Premier ministre en 2012, le gouvernement prendra de nouvelles mesures pour corriger cette tendance. La nature de ces mesures n’est pas encore connue. Toutefois, il serait plus question d’un projet-pilote qui viserait l’assouplissement de la règle de l’enfant unique dans cinq provinces du pays (les provinces du Heilongjiang, de Jilin, du Liaoning, du Jiangsu et du Zhejiang), qu’une remise en cause de la politique.
En Occident, cette politique chinoise peut être vue sous des aspects éminemment positifs. Sous le titre de The real inconvenient truth, le Financial Post publiait, en décembre 2009, une analyse qui tendait à démontrer que « la Chine a prouvé que la restriction des naissances est une politique intelligente. Sa classe moyenne s’élargit, tous ses citoyens ont un logement, des soins de santé, de l’éducation, de la nourriture, et le un cinquième de l’humanité qui y vit ne contribue pas à surpeupler la planète » (China has proven that birth restriction is smart policy. Its middle class grows, all its citizens have housing, health care, education and food, and the one out of five human beings who live there are not overpopulating the planet). À la lumière des effets positifs et négatifs de cette politique analysés depuis l’adoption de cette politique, il y a trente ans, le Financial Post maintiendrait-il toujours cette position, aujourd’hui ? La question est posée.
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