Occident, le scénario du déclin ?…
Alors que les dirigeants de l’Union européenne, accablés par la crise de la dette, continuent de se dépatouiller, le président Sarkozy appelle à « mettre à contribution les pays émergents » (Chine, Russie, Brésil, Afrique du Sud, Inde) pour sauver la zone euro. Une proposition surréaliste qui pose sérieusement la question de la suprématie de l'Occident sur le reste du monde. Reste que l'Occident, s'il devait s'effondrer, entraînera bien des nations dans sa tourmente.
Alors que les dirigeants de l’Union européenne, accablés par la crise de la dette, continuent de se dépatouiller comme des requins pris dans un filet, une proposition du président Sarkozy doit nous mettre la puce à l’oreille. Il appelle à « mettre à contribution les pays émergents » (Chine, Russie, Brésil, Afrique du Sud, Inde) pour sauver la zone euro. Il y a encore quelques années, cette idée aurait paru surréaliste tellement ces cinq pays ont essuyé le dénigrement systématique dans les médias et la condescendance des dirigeants occidentaux. Cette image dégradée domine encore l’imaginaire collectif dans bien des pays occidentaux.
En effet, que sait-on vraiment de la Chine autre que les conditions de travail dignes de l’esclavage et les violations massives des droits de l’homme ? Que sait-on vraiment de la Russie autre que les oligarques, la mafia et l’alcoolisme ? Que sait-on du Brésil (à part le football) autre que les favelas malfamées et la criminalité ? Que sait-on de l’Afrique du Sud (à part Mandela) autre que les ravages du sida et la criminalité dans les rues de Johannesburg ? Que sait-on de l’Inde autre que la misère dans les rues de Bombay ?
Un traitement bien injuste pour ceux qui portent sur ces pays un regard objectif et apprécient leurs potentialités et leur développement à leur juste valeur. La crise actuelle aura au moins eu le mérite de ramener tout le monde à un minimum de modestie.
Mais le changement de regard et le respect mutuel ne suffiront pas à sauver l’Occident qui fait face à une crise suffisamment grave pour que la question de sa suprématie sur le reste du monde se pose sérieusement. Car après avoir dominé le monde pendant plus de cinq siècles, les Occidentaux semblent aujourd’hui à bout de souffle. Et il ne peut en être autrement. En effet, pour dominer le monde, les Occidentaux ont entrepris de s’accaparer la quasi-totalité des ressources des peuples du Sud soumis à l’esclavage, à la colonisation puis au néocolonialisme. Un pillage qui leur a permis d’amasser des ressources financières immenses. Ils ont développé une technologie inaccessible aux pays du Sud et innové à une cadence infernale. Mais ces derniers ont pris conscience et plusieurs d’entre eux ont rattrapé leur retard et jouent désormais dans la même cour que les puissances occidentales. Ce que les Occidentaux avaient sûrement de plus précieux, c’est leur technologie avancée et un rapport de force international favorable grâce auxquels ils pouvaient se procurer des matières premières à vil prix et revendre des produits finis à des prix exorbitants, réalisant des marges bien confortables. Les chocs pétroliers, la montée des nationalismes dans les pays producteurs de matières premières et la concurrence des puissances émergentes ont fini par ruiner le rêve, en Occident, d’une croissance sans limite.
Pour compenser le manque à gagner, les pays occidentaux se sont mis à se financer par la dette. Une dette qu’ils ne pouvaient pas rembourser. Car pour rembourser une dette, il faut produire suffisamment de richesses pour se procurer de quoi vivre et dégager des marges significatives. Sur un marché ouvert à la concurrence internationale, il faut présenter un produit de qualité au meilleur prix. Sur la qualité, les Occidentaux ont excellé pendant un certain temps avant d’être rattrapés. Sur le prix, ils semblent avoir définitivement perdu la partie. Un ouvrier européen gagne 1500 euro pour fabriquer le produit équivalant à celui fabriqué par l’ouvrier chinois payé 200 euro, tous les deux vendus sur un même marché international. Le combat est perdu d’avance.
Pendant ce temps, 10% d’actifs occidentaux sont au chômage sans compter les inactifs (vieillards, malades, enfants). Les 90% d’actifs qui perdent déjà du terrain dans la concurrence internationale doivent néanmoins nourrir les chômeurs et les inactifs, les loger, les soigner, les éduquer (enfants), voire leur procurer des ressources financières (allocations chômage, pensions de retraite, indemnités journalières pour les malades). Ces actifs qui s’acquittent de ces charges sociales et fiscales ne gagnent déjà pas assez pour eux-mêmes et doivent s’endetter pour payer entre autres leurs logements et leurs voitures. Des ménages endettés et des Etats surendettés. C’est un système condamné.
Tout semble indiquer que l’Occident va droit dans le mur. Mais il dispose d’un dernier atout qui peut tout changer : la puissance militaire. En effet, au cours des cinq siècles de domination occidentale sur le monde, l’Europe et l’Amérique du Nord se sont dotées d’une puissance militaire inouïe. Il serait bien naïf d’imaginer que des pays aussi militarisés se soumettront facilement aux exigences de leurs créanciers. Dans les relations internationales, trop souvent, le rapport des forces prime le droit. La différence est bien ténue entre prêter à plus fort que soit et se faire détrousser. Déjà on entend dire que les Etats-Unis qui croulent sous 14 mille milliards de dollars de dette ne rembourseront jamais cette dette. Il en est de même pour la France qui se dirige inexorablement vers les 2000 milliards d’euro de dette. Et elle n’est pas le seule pays occidental endetté jusqu’au cou. La Grèce a déjà donné le ton : ses créanciers vont devoir effacer la moitié de sa dette. Une démarche comparable de la part des Etats-Unis et c’est la ruine de millions d’épargnants dans le monde, les Chinois en particulier. Les guerres éclatent pour moins que ça !
Mais le risque d’une guerre peut être écarté compte tenu de l’interdépendance des économies des grandes puissances, pays émergents inclus, et de l’apocalypse dont tout le monde est conscient en cas de conflit armé entre puissances nucléaires.
Si cette « paix de braves » est le scénario le plus crédible entre puissances nucléaires, les « petits pays », eux, n’ont qu’à bien se tenir, en particulier ceux disposant de ressources stratégiques. Ces « grandes puissances », quand elles auront fini d’arnaquer les pays émergents et de ruiner de millions d’épargnants avec cette dette « non remboursable », se rabattront sur les petits pays pour les mettre en coupe réglée. Les interventions en Irak, en Libye, voire en Côte d’Ivoire, n’ont d’autre explication rationnelle que la volonté des Occidentaux de se réimplanter dans des régions stratégiques pour se ressourcer et planter leurs drapeaux les premiers. Difficile d’imaginer jusqu’où ira cette nouvelle aventure de prédation. L’étendard des droits de l’homme n’est qu’un baratin dont on devrait se marrer s’il n’y avait pas mort d’hommes. S’il était à ce point pertinent il y a longtemps que la liberté et la paix auraient élu domicile en Corée du Nord et en Somalie.
Boniface MUSAVULI
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