On a bien pendu Saddam pour la même chose...
Dans cette guerre qui n’en est pas une, mais qui tourne à un massacre de centaines d’enfants totalement innocents (plus de 250), certains arrivent malgré le veto de l’armée israélienne à nous informer sur le degré d’horreur dans lequel l’état hébreu vient de tomber. On le sait, Tsahal a interdit aux journalistes de la suivre. Automatiquement, vous aviez pensé comme moi que c’était très certainement parce que les troupes israéliennes avaient des choses à cacher. Quand on a choisi de massacrer, on le fait rarement sous le feu des projecteurs, il est vrai. On s’arrange pour ne pas être vu, une grande spécialité des dictatures, qui continuent de part ce monde à commettre des forfaits impunis. Sauf certains dictateurs, qui se font littéralement capturer et finissent parfois même au bout d’une corde. Tenez, prenons Saddam Hussein, l’archétype même du tyran sanguinaire. On ne compte plus les fosses communes découvertes une fois son pays débarrassé de son emprise mortelle. On ne revient pas sur sa pendaison, qui a comme raison principale, selon le jugement de son procès expéditif, étant le gazage des kurdes qui s’étaient rebellés contre lui. Des hommes, des femmes et des enfants axsphyxiés par des bombes fournies par des allemands et jetées d’avions ... français, achetés au départ à la Suisse (nous avions déjà clairement défini cette piste d’approvisionnement ici-même). Dans sa panoplie de l’horreur, Saddam Hussein n’avait pas utilisé que des gaz asphyxiants. Il avait aussi utilisé d’autres armes. Selon un rapport classé de 1995 du Pentagone, son armée avait aussi utilisé du phosphore blanc à Erbil et à Dohuk, fin 1991. On pense qu’entre 1987 et 1998 100 000 kurdes irakiens sont morts ainsi. A Erbil et à Dohuk, il avait encore utilisé son aviation mais aussi ses vieux canons Howitzers de 115, ou ses canons plus modernes de 150 autotractés, achetés aux USA.. où à la France.... A l’époque, ces bombes étaient rangées dans la catégorie "armes chimiques" par le Pentagone.
Car en artillerie pure, son dada, en effet, le tyran aurait été un pionnier : "note too though that Saddam was one of the earliest users of the Space Research Corporation’s developments of long-range projectiles for the 155mm artillery piece, used to great effect against the Iranians during the Iraqi-Iranian war, and further developed by the Israelis and South Africans as the G5 long-range munitions for the 45-caliber barrel length 155 artillery pieces." note le site Free Republic. Le super-canon auquel il avait rêvé avait disparu avec son inventeur, mort de deux balles dans la tête, encore une disparition inexpliquée : il ne fait pas bon parfois être fournisseur de dictature, il est vrai. Saddam avait donc utilisé en masse des obusiers bien classiques, chargés en "obus chimiques " à contenu indéterminé, comme celui découvert ici tels des obus M825A1, des obus au phosophore ou des bombes similaires : "the WP chemical was delivered by artillery rounds and helicopter gunships" cette fois, achetés aux USA à Donald Rumsfeld, venu en personne serrer la main au dictateur pour régler les modalités des ventes d’armes américaines... Saddam s’était équipé en effet en canons autotractés dernier cri pour l’époque (même si le modèle d’origine date du Viet-Nam !) et possédait parait-il 15 000 canons ou lanceurs de roquettes anciens, selon la maison blanche elle-même : "Iraq has not accounted for at least 15,000 artillery rockets that in the past were its preferred vehicle for delivering nerve agents, nor has it accounted for about 550 artillery shells filled with mustard agent Saddam s’approvisionnait aussi bien chez les russes que les américains et les français : "and lest the snarkers try to score cheap points - yes, I know that’s a US (old version, too, based on the tube) US M1 105mm howitzer in the pic. Saddam had a varied artillery park, including what US M109A1s (le "Paladin", NDLR) and French GCTs he didn’t lose in Round 1"
Les stocks de canons saisis à la fin du conflit sagement alignés comme des trophés perclus de tags moqueurs de soldats US sont assez ahurissants, il est vrai. Une fois le conflit fini, Saddam est donc jugé, et notamment sur l’usage des armes chimiques contre les Kurdes. Et là, par un bien étrange effet de vocabulaire, le phosphore blanc n’en fait plus partie. On reparle de gaz sarin, celui que l’on a toujours pas découvert, de gaz innervants, vendus par les USA et l’Allemagne (mais là-dessus les minutes du procès font l’impasse) et aucunement du phosphore blanc. La raison en est extrêmement simple : pour les USA, soudain, ce produit n’est plus une arme chimique. C’est redevenu un simple produit incendiaire, comme celui utilisé dans les terribles bombardements de Tokyo ou de Dresde. La nomenclature est extrêmement importante, chez les américains : les armes chimiques sont interdites, et les armes incendiaires.... aussi, me direz-vous, oui, mais, dans le grand public, ça n’a pas le même effet : de même qu’il n’y a pas de résistance en Irak mais seulement des terroristes et que Saddam avait des armes de destruction massives qui n’ont jamais existé, dans l’administration US, on y tient à ce vocabulaire, car le traité qui parle de leur usage n’est pas tout à fait le même : "incendiary weapons like white phosphorus are governed by another treaty — the 1980 Protocol III to the Convention on Conventional Weapons. the United States is not a party to the Incendiary Weapons Protocol". Subtil distinguo : comme les USA n’ont pas signé, ils peuvent donc les utiliser sans se le voir reprocher. Ce qui n’est pas tout à fait le cas de leurs alliés anglais : "the recent British Manual of Military Law says that white phosphorus may be used "to set fire to targets such as fuel or ammunition dumps" or "to create smoke," but that it "should not be used directly against personnel." L’armée anglaise précise bien que certaines armes sont destinées à des objectifs purement militaires et d’autres peuvent accessoirement toucher les civils. Quoique. En Irak, les militaires anglais avaient révélé le pot aux roses : ils étaient allés jusqu’à tenter eux aussi d’expliquer son usage, en faisant du phopshore une arme "présentable" : "lieutenant-Colonel Barry Venable insisted that white phosphorous was a conventional munition. Asked directly if it was used during the battle for Fallujah, he told BBC Radio 4’s PM programme : “Yes, it was used as an incendiary weapon against enemy combatants. It is not a chemical weapon. They are not outlawed or illegal.". Une phrase fort embarrassante aussitôt taclée... par le Pentagone : "he had said that suggestions that US forces targeted civilians in Iraq were “simply wrong”. But last week the Italian state television station RAI claimed that the highly flammable munitions were used against insus aivilians in Fallujah last November." Bombarder des civils au phosphore ? "C’est faux" affirmait donc le Pentagone... ce même Pentagone qui nous avait vendu lors du grand show onusien de Powell les fameuses armes de destruction massive à grand coups de présentation PowerPoint. Bref, dès qu’on parle de phosphore, les USA rasent les murs. Ceux de Falloujah, ce crime contre l’humanité.
Bombarder les civils, donc, peut-être, mais ce ne peut être avec le phosphore blanc, ni le napalm. On a donc un phénomène intéressant : les USA ont reproché à Saddam Hussein, pour en arriver à le pendre, l’usage d’une arme dont ils ont fait eux-mêmes pourtant grand usage en Irak : "the Pentagon has admitted that U.S. forces used white phosphorus as an offensive weapon during their attack on the Iraqi city of Fallujah in November 2004, reversing earlier claims by the U.S. government that phosphorus had only been used sparingly for illumination purposes. The acknowledgement follows the discovery and circulation on the internet of accounts by U.S. soldiers in which they describe the use of white phosphorus munitions against enemy positions." Nous vous en avons déjà parlé à plusieurs reprises et parlé de cet incroyable reportage (et des insupportables images) de cette équipe italienne de télévision avec Sigfrido Ranucci, qui montrait ce qui a été fait à Faloudjah, à savoir un crime contre l’humanité, avec l’usage du phosphore blanc contre des populations civiles. On comprend mieux les réticences de l’administration US à citer le nom lors du procès de Saddam, qui se tenait pendant la deuxième offensive contre le quartier de Bagdad incriminé (Saddam a été arrêté en décembre 2003). "The latest charges against the U.S. army spring from a documentary broadcast by the Italian TV station Rai24 last week. The documentary entitled Fallujah : The Hidden Massacre which contained allegations that U.S. forces used massive amounts of white phosphorus in a way that caused large numbers of civilian deaths. The documentary includes an interview with one soldier, Jeff Englehart, who says he served in Fallujah and knows that white phosphorus was used there. Englehart describes white phosphorus as "without a shadow of a doubt" a chemical weapon".
On y revient.
On en est là, donc, sur ce problème de vocabulaire, que d’aucuns savent si bien remettre au goût du jour, aujourd’hui, tel l’ineffable André Glusckman surpris en train de gloser sur la "riposte légitime" ... selon lui, en effet, dans les critiques infligées aux Israëliens, "par bonheur, on évite à ce jour le vocable "génocide". Un Glucksman qui a choisi de s’enfoncer, naturellement disons avec des arguties difficilement défendables : "L’armée israélienne devrait-elle ne pas user de sa suprématie technique et se borner à utiliser les mêmes armes que le Hamas, c’est-à-dire la guerre des roquettes imprécises, celle des pierres, voire à son libre gré la stratégie des attentats-suicides, des bombes humaines et du ciblage délibéré des populations civiles ?".. dans le terme "suprématie technique", on peut supposer que notre philosophe partisan (et donc plus philosophe depuis longtemps !) inclut toutes les possibilités "techniques", y compris l’usage d’armes interdites par les conventions de guerre. Et bien entendu, Glusksman sombre en argumentation en citant le même argument que Condoleeza Rice, à savoir celle des militaires du Hamas mêlés sciemment aux populations civiles "Tsahal ne s’en prive pas qui "profite" de sa supériorité technique pour cibler ses objectifs. Et le Hamas non plus qui utilise la population de Gaza en bouclier humain sans souscrire aux scrupules moraux et aux impératifs diplomatiques de son adversaire." Ou comment justifier les massacres, selon notre bon André.
Or notre pseudo-philosophe oublie une chose : dans ce conflit, on en a assez, déjà de preuves, pour condamner israël pour crimes de guerre, sinon de génocide. Car les faits sont là : le bombardement d’endroits occupés par des civils seuls, qui plus est des lieux répertoriés et encadrés par l’ONU, et depuis hier soir, une seule image, qui fait aujourd’hui d’André Glucksman un histrion prêt à tout pour justifier l’injustifiable. On avait déjà Dieudonné d’un côté, voilà que Glucksman se met en scène lui aussi et rate son pitoyable spectacle. En négligeant un seul détail, cette terrible preuve prise par le Times. Une seule photo qui ruine à elle seule son argumentaire fallacieux. On y distingue clairement le numéro de l’obus (et sa couleur grise caractéristique) : c’est bien un M825A1, à savoir des obus au phosphore blanc que s’apprête à lancer un artilleur de Tsahal. Sur des civils.
Pourra-t-on punir un jour Israël de les avoir utilisés ? Même pas, comme le disait Hannah Arendt, arrivé à un stade, on ne peut punir. Saddam comme Israël, ont dépassé l’entendement. "totalitarian regimes have discovered without knowing it that there are crimes which men can neither punish nor forgive. When the impossible was made possible, it became the unpunishable, unforgivable absolute evil which ... anger could not revenge, [and] love could not endure." J’avais tenté de vous prévenir sur la dérive totalitaire du régime israélien, tombé aux mains d’extrêmistes guerriers prêts à toutes les compromissions électorales et à tous les rapprochements idéologiques. Vous savez ce qui s’est passé ici : on ne m’empêchera pas aujourd’hui de clamer à nouveau cette dérive et cette folie qui s’empare d’un pays, et de dénoncer ouvertement ici-même ses soutiens sans âme. On a bien pendu Saddam Hussein pour avoir eu la même attitude, on attendra longtemps encore pour juger les dirigeants israéliens qui ont décidé pareils massacres avec les mêmes armes. Tout le paradoxe de cet endroit du monde, où l’on fait peu de cas de l’existence humaine semble-t-il.
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