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Accueil du site > Actualités > International > On a tous de la chance, nous sommes riches !

On a tous de la chance, nous sommes riches !

Rien de plus stalinien qu’une fête internationale au Cameroun. L’inquiétude nous vient du fait que, si nous sommes en règle avec le mode de penser et d’agir, tout se termine bien. A la Journée internationale de la femme, il fallait obligatoirement défiler. A la Journée nationale des enseignants, il fallait se coudre une tenue comportant le slogan et déambuler en renvoyant les élèves. A la Journée mondiale de l’alimentation, il fallait faire le culte de l’autosuffisance alimentaire, quand bien même on crevait de faim. Enfin, le 17 octobre, à la Journée internationale contre la pauvreté, il a fallu remercier le « père » de la nation d’avoir offert aux fonctionnaires leur salaire habituel, qui n’a pas varié depuis plus de dix ans.

Aux grandes nations de grands hommes

Nous ne sommes pas pauvres ! Le président est en cavale avec l’unique avion de la Cameroon airlines, malgré toutes les tensions de trésorerie qui prévalent dans cette société. Le « père » de la nation, en bon père famille a eu l’illustre idée, de prendre de l’argent dans la tirelire publique pour affréter les avions de certaines compagnies souvent avec leurs personnels. La pauvreté, c’est l’affaire des autres et non la nôtre. Oh ! Cameroun, tu es géré avec illumination. On peut donc danser, jubiler, s’enivrer ce 17 octobre, notre challenge contre la pauvreté est atteint. Le président respire l’air libre de Genève, depuis bientôt trois semaines. Et dans quelques jours le Cameroun sera sacralisé avec la rencontre du « père » de la nation et Sarkozy. Le Cameroun n’est tout de même pas la Birmanie !

Malheureusement à défaut de faire comme tout le monde, vous pouvez tomber sur des agents de la police politique qui veulent faire du chiffre ou qui sont fatigués, énervés par ce même système de répression dont ils sont le fruit... Une simple remarque de votre part et c’est un engrenage infernal qui commence...

Un ancien secrétaire d’Etat n’a pas eu de chance ce 8 mars 2007... Il a oublié que le fait que son épouse ne soit pas allée défiler avec la « mère » de la nation revenait à exercer une contestation. Cette infraction jugée imaginaire peut se transformer en outrage à agents, car des fonctionnaires de la force de l’ordre sont venus demander à l’épouse de ce monsieur ce qu’elle pensait du projet de la « mère » de la nation sur la liberté de la femme. Elle n’a rien osé dire. Cela a valu à son époux d’être taxé de subversif, et de se faire remplacer par son jeune frère. C’est ça la fierté d’être patriote, du moins libre de sa pensée !

Le grand cirque contre la pauvreté

On a eu droit au grand jeu, il y a quelques mois, avec l’annonce faite par le ministre de la Justice, suite à l’opération « épervier » : les menottes aux poignets et aux chevilles, les anciens magnats, ceux qu’on appelle aujourd’hui les « voleurs » de la République, ou si vous voulez Paul Biya et les six voleurs de la République, ont été conduits manu militari par une cohorte de policiers au commissariat pour y être interrogés. Tout ceci au mépris des textes et lois en vigueur et même du code de déontologie de la police nationale qui stipule dans son article 10 : « Toute personne appréhendée, placée sous la responsabilité et la protection de la police, ne doit subir, de la part des fonctionnaires de police ou de tiers, aucune violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant ». Plusieurs d’entre eux ont été arrêtés devant femmes, enfants, cameras de télévision, au grand dam de la présomption d’innocence. Plus grave encore, le ministre de la Justice, dans une interview, n’avait pas hésité à citer leurs noms, ce qui est totalement contraire au code de procédure pénale, et aux droits de l’homme.

Mais peut-être, n’est-il pas dégradant, de conduire avec violence un citoyen, fut-il ancien ministre, au poste de police et de lui refuser le verre d’eau demandé... Il faisait chaud ce jour-là ! Mais tous ceux qui ont été arrêtés, et qui devaient faire reculer la pauvreté, ont quand même été la cheville ouvrière de la fraude électorale, à l’élection de Paul Biya en octobre 2004, pour ne citer que ces personnes. Ondo Ndong était le représentant du parti au pouvoir lors de cette élection, donc le représentant du chef de l’Etat, président du parti au pouvoir. Mais curieusement, il ne s’est pas interrogé sur la moralité de cet individu. Ce manquement politique vaudrait démission si nous avions été en démocratie. D’autre part, le nommé Gilles Roger Belinga était l’hagiographe du président durant cette période d’élection présidentielle. Par ignorance ou par cécité volontaire, ce dernier a conduit le président à la victoire. Malgré leurs arrestations, leur argent est planqué dans des paradis fiscaux, et les Camerounais ne sont pas plus riches que ça.

Ces voyages qui nous enrichissent

Suite à ces tournures ethnico-politiques que prennent les affaires, face à la colère bileuse que les Camerounais nourrissent en eux, la pauvreté s’étant avérée plutôt une réalité qu’une fatalité, Paul Biya sait qu’il danse sur une corde raide qui peut lâcher à tout instant. C’est le maître vénéré de tous ceux qui jouent les cows-boys, et qui savent qu’ils seront bien couverts, malgré leurs frasques. Le président est allé chercher le renfort politique et militaire en Occident. Un de ses amis est mort : Bob Dénard, la coqueluche des chefs d’Etats africains, qui avait pour rôle de contrôler toutes les forces résistantes basées à l’étranger !

Si le président est craint et peu aimé, notamment par les jeunes des quartiers qu’il considère comme ses « enfants », il a une cote de popularité importante chez les jeunes recrues de l’armée et de la police que le chômage avait malmenés...

Nous avons effectivement la chance que Paul Biya ne sera plus président compte tenu de son âge et de son état de santé. Et nous allons être nombreux à nous mobiliser afin que le premier riche, sportif, agriculteur, écologiste du Cameroun, ne devienne pas pour le malheur du plus grand nombre de pauvres, le premier magistrat de ce pays !

La richesse des décrets et comités

Tout Etat est institutionnalisé, mais celui-là, le « nôtre » l’est plus particulièrement... Tout acte délictueux, ou spectaculaire, conduit à modifier les codes qui régissent la vie au quotidien : Haute Autorité de ceci, Comité de cela, enfin décret de ceci et de cela. Ces tartufferies accentuent les peines des investisseurs, renforcent les pouvoirs souterrains et occultes des lobbys, mais donnent encore moins de pouvoirs d’achats aux populations dont les porte- monnaies sont de plus en plus vides. Comme si l’arsenal juridique ne suffisait pas.

Croyez-vous vraiment que le peuple camerounais soit si peu digne de confiance qu’il ait besoin d’être constamment surveillé, déresponsabilisé ? Pensez-vous un seul instant, les yeux dans les yeux, que la sécurité des biens et des personnes soit à ce point menacée qu’il faille lâcher dans les rues, des discours caporalistes aux enseignants, femmes, agriculteurs chauffés à blanc. Discours soumis à des impératifs dont nous ignorons toujours le but. Le peuple n’en a cure... Il n’a qu’un objectif : avoir sa part du gâteau national. Les dérives populaires, qui encensent et louent le « père de la nation », n’ont pour finalité que d’abêtir toutes formes d’initiatives novatrices, et de renforcer les dérives sécuritaires de notre Etat. Et peut-être, s’il y a prise de conscience, alors commencera la vraie lutte contre la pauvreté. Le 17 octobre signera peut-être notre accession à la nouvelle indépendance.

Aimé Mathurin Moussy


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6 réactions à cet article    


  • Signé Furax 18 octobre 2007 12:35

    Vers la fin des années 60, une des premières consciences écologiques de France et, par ailleurs, spécialiste de l’Afrique, René Dumont, avait écrit un livre intitulé « l’Afrique noire est mal partie ».

    Quarante ans plus tard, sa sombre prophétie se vérifie et, tout porte à le craindre, perdurera encore longtemps.

    Que propose l’Africain pour en sortir ?


    • pifo 18 octobre 2007 14:45

      Très bonne question furieux.

      Ke propose l’africain pour en sortir ?

      1 - Immigrer en France ou dans n’importe kel autre pays développé, avec l’espoir souvent déçu d’y faire fortune

      2 - Militer dans les rangs du parti au pouvoir afin de se donner une chance de goutter à une miette du gâteau

      3 - La fermer et subir le restant de ses jours les affres de la vie empoisonnée par les frasques d’une classe dirigeant désorientée.

      Comme tu peux le voir, les options ne manquent pas pour les africains qui veulent en sortir.


      • Signé Furax 18 octobre 2007 15:51

        @ pifo

        Je vous en propose deux autres :

        - ne pas rester assis toute la journée sous le baobab à débiter des conneries en attendant que les bobonnes rapportent l’eau,

        - scolariser les femmes puisqu’il est patent que le taux de développement d’un pays est directement proportionnel au taux d’alphabétisation dudit pays.


        • Signé Furax 18 octobre 2007 15:55

          directement proportionnel au taux d’alphabétisation des femmes dudit pays.


          • pifo 18 octobre 2007 18:41

            Un petit détail le furieux, il ne suffit pas d’avoir des femmes instruites pour que le pays avance.

            La preuve en France : elle sont autant, sinon plus instruites que les mecs, cela ne change rien au fait que la France est en « faillite financière » en ce moment.

            Tu aurais proposé une solution qui permettrait de réduire la désorientation des dirigeants africains que j’aurais senti une réelle volonté de trouver une solution au problème. Mais là ...


          • marcel 19 octobre 2007 10:37

            Autre élément de solution:la maîtrise de la démographie à favoriser par l’éducation des enfants en général et par les méthodes contraceptives ou de stérilisation en ayant pour objectif une décroissance démographique raisonnée. On fixerait un chiffre de population idéal qui serait fonction de la capacité de charge du territoire donné. Nous devrions d’ailleurs avant de donner des conseils en la matière aux Africains nous l’appliquer à nous-même en Occident pour servir d’exemple.

            @auteur:le cameroun est un pays superbe !

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