Ordre mondial : conséquences du retrait de l’Afghanistan

De nombreux chercheurs et spécialistes établissent un lien entre l’effondrement de l’URSS et la politique d’intervention étrangère, notamment l’intervention en Afghanistan et les changements radicaux de la politique étrangère russe en évitant les confrontations et les interventions étrangères dans la mesure du possible.
Certains lient aussi le récent retrait américain d’Afghanistan au déclin de l’hégémonie américaine sur l’ordre mondial d’autre part. Ils considèrent le retrait comme l’un des signes de ce déclin qui devrait être discuté dans l’optique de la sécurité et de la stabilité internationales.
Tout en reconnaissant que l’échec soviétique en Afghanistan a joué un rôle majeur dans l’effondrement et la désintégration de l’Union soviétique, plusieurs points méritent d’être soulignés afin de mieux comprendre la question. Le plus important est la différence entre les circonstances et l’environnement international dans lequel le retrait soviétique a eu lieu et celui des États-Unis.
Le président Joe Biden avait déclaré lors de la conversation téléphonique avec l’ancien président Ashraf Ghani le 23 juillet, selon des fuites, « Vous avez clairement la meilleure armée. Vous avez 300 000 forces bien armées contre 70-80 000 et elles sont clairement capables de bien se battre. »
Quelques jours après, cependant, l’armée afghane a commencé à battre en retraite à travers le pays et les capitales provinciales, sans qu’il y ait beaucoup de combats contre les talibans.
D’autre part, les forces afghanes pro-soviétiques ont tenu tête aux organisations armées depuis la fin du retrait soviétique d’Afghanistan à la mi-février 1989 jusqu’en 1992, lorsque le gouvernement afghan pro-soviétique s’est effondré. C’est-à-dire qu’il a duré environ trois ans.
La comparaison fait sens pour comprendre un aspect de la question qui concerne l’échec des forces et du gouvernement afghans et ne tombe pas loin dans l’hypothèse d’un déclin de la puissance américaine. Oui, il y a eu l’échec des plans visant à changer la société afghane et le gaspillage de milliards pour une armée afghane incapable de tenir bon face à l’avancée des talibans.
Mais je suis convaincu que les circonstances et les données sont différentes dans les deux cas. D’autres facteurs et causes importants ont contribué au plus grand rôle dans la désintégration de l’Union soviétique, contrairement aux États-Unis, qui ne connaissent pas de crises fatidiques comme celles subies par les Soviétiques sur le tard.
Il est important de noter que ces convictions ne cachent pas les mouvements sur la scène internationale visant à créer les conditions de la naissance d’un nouvel ordre mondial en exploitant deux facteurs importants qui se trouvent coïncider.
Le premier est l’incapacité des États-Unis à prendre la tête des efforts mondiaux pour lutter contre l’épidémie de coronavirus, ou du moins à apporter le soutien nécessaire à leurs alliés et amis, voire à immuniser leur population contre l’épidémie. Le deuxième est le retrait militaire chaotique de l’Afghanistan.
Parmi les signaux de la formation d’un nouvelle ordre post-coronavirus fondé sur ces circonstances se trouvent les positions russes. Moscou cherche à promouvoir un ordre mondial multilatéral dirigé par les Nations unies et le Conseil de sécurité de l’ONU.
Interrogé lors de sa participation au Forum économique du Moyen-Orient sur la question de savoir qui doit être en charge du régime mondial si les États-Unis abandonnent le rôle de « gendarme du monde, » le président Vladimir Poutine a répondu que cette responsabilité devait incomber aux Nations unies et à son Conseil de sécurité, notamment à ses cinq membres permanents - la Russie, les États-Unis, la Chine, la France et la Grande-Bretagne.
La Russie, qui s’efforce ces dernières années de retrouver son ancienne influence en tant qu’héritière légitime de l’ex-URSS, et agit dans plusieurs régions pour combler le vide stratégique en raison de la réticence ou des États-Unis à jouer leur rôle de puissance dominante dans l’ordre mondial existant, veut anticiper les événements et favoriser le changement conformément à ses intérêts stratégiques en tant que puissance mondiale.
Elle est bien consciente que la Chine peut, à un moment donné, se retrouver dans la position de leader unique de l’ordre mondial, ou du moins jouer un rôle dans un cadre de leadership multilatéral. Les discussions et les attentes concernant l’effondrement ou le déclin du rôle de leader des États-Unis dans le monde circulent depuis près de deux décennies.
Même certains universitaires américains ont publié une littérature politique célèbre qui inclut des questions sur l’avenir de la puissance américaine. Il n’est donc pas surprenant que de telles attentes suivent des événements majeurs tels que le retrait d’Afghanistan.
Je pense que le plus grand défi auquel les États-Unis sont confrontés ne vient pas de leurs concurrents, mais de leur propre intérieur.
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