« Paris-Bamako, c’est le bonheur »
Quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt. Analyse politique d'une guerre normale.

La guerre au Mali s'est amorcée avec une rapidité détonante. Le récent déploiement de 3000 hommes et d'une joyeuse équipe de blindées au Nord Mali a attiré l'attention de plusieurs plumes, et s'est greffé une place à la Une de nombreux canards. La lutte contre "l'islamisme radicale" ne paraît pas avoir besoin de s'encombrer des processus démocratiques censés réguler les pulsions belliqueuses des gouvernements. C'est donc la fleur au fusil que les soldats français ont été envoyés combattre au nord Mali, en croyant qu'un embourbement militaire à l'afghane, ça ne pouvait arriver qu'aux américains.
Ça ce sont les faits.
Les réactions sont vives. Et le journalisme français à, encore une fois, l'occasion de montrer ses faiblesses. Plusieurs discours se distinguent, du moins sur la forme.
Certains répètent en "Échos" les discours officiels, ou des brèves des agences de presses. En plus d'être ennuyeux, ces articles privent le lecteur de l'analyse.
D'autres, ne se borne pas qu'au fait mais tente d'analyser. Le problème c'est qu'il ne regarde pas la lune, mais le doigt de celui qui la pointe : "L'intervention au Mali révèle aussi l'insuffisance de l'armée française"(1).
La guerre au Mali nous montre une fois de plus la faiblesse du système d'information en France.
Certains points de vue sont tout de même intéressants. L'analyse géopolitique offre un recul intéressant(2). En effet la proximité de l'uranium nigérien, la potentielle menace des intérêts économiques (Areva...) et militaires dans la zone sont à prendre en compte.
Mais l'armement et l'appui du gouvernement malien actuel (putschiste) n'aurait-il pas suffit à contenir la progression de cette centaine de guérilleros ?
Le gouvernement français estimerait réellement que cette rébellion malienne serait capable de traverser des milliers de kilomètres de désert en pick-up pour menacer les mines d'Uranium du Niger ? Le Cacao ivoirien ? La domination française en Afrique de l'ouest ?
Le plus étonnant c'est bien sûr la force de ce déploiement, bien sûr incapable de réduir à néant une rébellion. Mais tout de même susceptible d'écraser une armée nationale.
La guerre au Mali ce n'est pas la lutte idéologique contre l'islamisme, qui d'ailleurs a bien aidé la France dans sa récupération spectaculaire de la Tunisie, et qui continu d'être un allié utile en Syrie. Ce n'est pas non plus une occupation géostrategique à l'américaine : ce qu'il y a la bas, ils l'ont déjà.
Alors ? A qui profite le crime ?
En réalité le conflit malien est très utile.
La France est "en crise". Et mieux que l'austérité, la dépense. Une bonne relance économique c'est commencer par dépenser dans ce qui coûte cher. Or, les États-généraux ont hérité d'une modernisation de son armée, sous le mandat de Nicolas Sarkozy. La maison blanche, premier adepte de ce principe, ne se prive pas d'investir plus milliards de dollars par ans dans ce marché de la guerre.
"Vous voulez relancer l'économie ? Faites la guerre" écrivait pièce et main d'oeuvre(3).
D'autant plus que la chorale de journalistes "chiens de gardes", occupent inutilement le terrain médiatique, en suivant "EN DIRECT"(4) le déploiement de telle ou telle colonne de blindés dans tel ou tel village du désert malien. Donner au lecteur ce qu'il veut entendre : un débat inutile sur "les valeurs de la famille" et un film de guerre. Pourquoi parler de la mise en place de très impopulaires traités européens ? De la tension sociale qui règne en France et partout en Europe ? Des promesses de changement qui ne seront pas tenues ?
Si il y a un véritable conflit d'intérêts géopolitiques, c'est bien celui d'une Algérie qui veut se refaire une beauté. Les prétentions à la première place des pays d'Afrique du Nord pourrait conduire ce grand pays pétrolier à créer des problèmes régionaux, dont eux seuls auraient la solutions. Menaces des intérêts européens (prise d'otage du site Gazier)(5), liens entre AQMI (Al Qaeda au Maghreb islamique) et le polisario (satellite d'Alger), visite de François Hollande, etc... Tout porte à croire que le gouvernement Algérien veut remodeler la situation géopolitique de sa région et se refaire une santé sur la scène internationale.
C'est ainsi que ce conflit n'est pas un événement anodin. Il s'inscrit juste dans ce long processus de dégringolade structurelle qui rend inactifs les institutions de décisions démocratique et le droit à l'information. La manoeuvre est plus politique que géostragique, du moins pour la France.
Maintenant il reste à savoir combien de temps encore l'hôtel de Brienne compte dépenser les précieuses ressources du contribuable français en poudre et Kérosène.
"Paris-Bamako c'est le bonheur" Amadou et Mariam.
O.B.
Photos de AFP PHOTO/ISSOUF SANOGO
(1) article du 16 janvier 2013,publié sur Agoravox.
(2) "Des maliens aux malins", article du 16 janvier, publié sur Agoravox.
(3) http://www.reporterre.net/spip.php?article3267, article du 3octobre 2012.
(4)http://www.20minutes.fr/article/1080907/direct-mali-premiers-combats-corps-a-corps-francais
(5)http://www.liberation.fr/monde/2013/01/16/prise-d-otage-sur-un-site-petrolier-en-algerie_874404
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