Perdre sa vie pour défendre celles des autres
Quelques mots simples. Il ne s’agit pas ici de faire un long débat savant avec la convocation des philosophes, des bien-pensants, des spécialistes. Il ne s’agit pas de comprendre ou d’expliquer. Il ne s’agit pas de parler d’inné ou d’acquis. Il ne s’agit pas de parler d’universalité et de tradition. Il ne s’agit pas de s’étendre et de dresser le civil contre le religieux. De quoi s’agit-il ? D’information. Une information brute : il y a des pays où ne pas être simplement d’accord peut vous vouer à la mort.

Cela se passe en Afghanistan. Un jeune journaliste de 23 ans, Pervez Kambash, a été arrêté le 23 octobre dernier à l’université de Balkh, jugé à huis clos en janvier toujours à Balkh par un tribunal qui selon Libération a estimé que ses écrits étaient « insultants pour l’islam et interprétaient de façon erronée les versets du Coran ». D’où « une condamnation à la peine la plus grave qui est la peine de mort », selon les mots du procureur provincial, Hafizulah Khaliqiar, cité par l’AFP. Le jeune reporter n’était, semble-t-il, pas l’auteur des citations incriminées, qu’il avait reprises sur un site iranien qui se consacre à la défense des femmes.
Pervez Kambash avait décidé de reproduire un texte dénonçant l’oppression des femmes en prétendant que les religieux donnaient une mauvaise interprétation du Coran. D’où l’accusation de blasphème, qui, dans la plupart des pays islamiques appliquant la charia (la loi coranique), est punie de la peine capitale.
Ce jeune journaliste du Jahan-e Nao (le Nouveau Monde - titre d’ironie assez triste dans un pays où la vie n’a que le prix de quelques mots -, selon Libération ne voulait que provoquer le débat. Il provoquera peut-être sa propre mort. Et le sénat confirme la légalité de cette peine de mort, et les manifestations de la haine appellent à cette mort, et des maulawi(s) exhortent à une exécution rapide et les conseils religieux de plusieurs régions s’en félicitent.
Non seulement ce jeune afghan n’a pas eu droit à une défense car aucun avocat n’a eu le courage qu’il a eu lui, mais si quelque journaliste s’y frottait il serait poursuivi. Il a été condamné à huis clos, l’obscurité pour juger en toute obscurité.
L’Afghanistan a mis en concurrence dans ses textes fondateurs la Déclaration universelle des droits de l’homme et la charia. L’une est une déclaration sans effet, l’autre une loi implacable qui s’applique.
Libération nous conte en début d’article la tragique histoire de la princesse Rab’e Balkhi pour nous montrer que l’insupportable est de tout temps et que ce temps même n’apporte que peu de sagesse aux hommes de mauvaise volonté. La poésie ne fait qu’aiguiser les douleurs.
Au Moyen Âge, la jeune et célèbre princesse Rab’e Balkhi, première femme de la période islamique à composer des vers en persan, avait été condamnée au plus terrible des supplices : être emmurée vivante dans les tréfonds d’un donjon. Son frère lui reprochait d’avoir aimé l’homme qu’elle s’était choisi. Avec ses dernières forces, la fatale amoureuse avait réussi à se taillader les veines pour écrire avec son sang sur les murs de l’oubliette un dernier poème bouleversant Une pétition
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