Petit à petit, à l’Otan, la France fait son nid
La première journée du Sommet de Bucarest se poursuit autour de l’envoi de renforts militaires en Afghanistan et l’adhésion éventuelle de l’Ukraine et de la Géorgie. Dans le même temps, discrètement, le président Sarkozy confirme son souhait d’une pleine réintégration de la France à l’Alliance Atlantique avant fin 2008.
"A l’issue de la présidence française, le moment sera venu de conclure ce processus, et de prendre les décisions nécessaires pour que la France prenne toute sa place dans les structures de l’Otan", a annoncé Nicolas Sarkozy à Bucarest. Dès la fin de cette année donc, la France devrait réintégrer l’Otan. Ou plutôt officialiser sa réintégration, faire un geste symbolique. L’Hexagone a en effet amorcé sous l’ère Chirac un processus de « réinsertion » qui lui permet aujourd’hui de siéger au comité militaire et d’être présente dans la plupart des instances de l’Alliance.
Bref, la question porte sur l’intérêt d’un geste symbolique. « Nous perdrions des options, nous limiterions nos marges de manœuvre », affirme Pierre Moscovici, secrétaire national du PS aux relations internationales, cité par Le Monde. Selon François Bayrou, « l’ensemble de l’Europe se trouverait en situation d’alignement ». La décision de M. Sarkozy pourrait également se heurter à certains députés de son propre camp, soucieux de ne pas trahir l’héritage gaulliste.
Trahir l’héritage gaulliste ?
Lors de la création de l’organisation en 1949, la France en avait été un membre fondateur. Le général de Gaulle l’avait retirée en 1966 afin de garantir la souveraineté nationale, entraînant le départ de 28 000 soldats américains présents sur le territoire depuis la fin de la guerre.
C’est Jacques Chirac qui avait amorcé le processus de réintégration dès 1995. Il demandait un pôle européen indépendant au sein de l’Alliance et que le commandement sud de l’Otan soit confié à un Européen. Des exigences qui avaient soulevé une féroce opposition de Washington et avaient empêché une réintégration totale.
Le contexte a changé, toutefois. Le président Sarkozy a envoyé de nombreux signes d’amitié aux Etats-Unis parmi lesquels figure l’envoi de plusieurs centaines de soldats dans l’est de l’Afghanistan. L’annonce du chef de l’Etat qui souhaite voir la France « reprendre toute sa place » à l’Otan n’est donc pas une surprise en soi. En revanche, on peut s’interroger sur la liberté de parole qu’aurait Paris alors même que l’Otan est jugée par beaucoup comme un instrument à la solde de Washington.
Comme disait le premier secrétaire général de l’organisation transatlantique, lord Ismay, l’Otan, c’est « Keep the Americans in, the Soviets out and the Germans down ». Or si les Soviétiques sont "out" depuis 1989 et qu’il n’y a plus de raison de garder l’Allemagne "down", les Américains sont, eux, toujours bel et bien "in".
Renforcer la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD)
La contrepartie d’une telle adhésion serait le renforcement de la Politique de défense européenne, prônée par le président français. Il s’agit même « d’une priorité » dont la présidence française de l’Union européenne sera « une occasion idéale ». Les Américains, après plusieurs mois de négociation avec Paris, ont soutenu le projet de Nicolas Sarkozy lors du sommet jeudi 3 avril.
La partie n’est toutefois pas gagnée d’avance. Outre les réticences des partenaires européens qui pourraient être contraints de libérer des postes au profit des officiers français, la Grande-Bretagne a d’ores et déjà annoncé qu’elle ne soutiendrait aucune avancée en termes de défense européenne tant que le traité de Lisbonne n’y aura pas été ratifié.
Le droit de veto de la Turquie, dont l’entrée dans l’Union européenne est ouvertement contestée par Nicolas Sarkozy, pourrait ne pas
arranger les choses. Sans compter qu’il n’est pas nécessairement acquis que le prochain président américain poursuive la politique internationale de George W. Bush.
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