Peut-on reconstruire Gaza sans le Hamas ?
L’abominable guerre menée, 22 jours durant par l’une des plus barbares armées du monde contre 1,5 millions de palestiniens cantonnés à l’étroit dans la bande Gaza – à peine 360 Km2- qui aura fait plus de 1400 morts et plus de 5000 blessés, ne semble pas avoir fait changer d’un iota l’attentisme indécent d’Obama ni le suivisme insultant de l’UE. Alors que l’arrêt des combats peine à se maintenir, les regards se tournent naturellement vers la reconstruction, les donateurs et le Hamas que d’aucuns voudraient exclure de ce processus, alors que sa légitimité,-après une incontestable victoire-, à représenter le peuple Palestinien ne souffre plus aucune contestation. Pourtant, ils se trouvent qu’en Occident et dans le monde Arabe, diplomates et dirigeants tentent une impossible mise à l’écart d’un processus qui aura déjà mobilisé plus de 1,55 milliards de dollars, afin de réparer des destructions qui se chiffrent à 2 milliards.
Arrivé sur les ruines le lendemain du cessez le feu, le commissaire européen au Développement et à l’Aide humanitaire, Louis Michel, soutenait que le Hamas avait une "responsabilité écrasante » dans la guerre qui a ravagé le territoire palestinien, parlant d’un "mouvement terroriste qu’il faut dénoncer comme tel". Ajoutant sur un ton péremptoire qu’on ne lui connaissait pas auparavant que « pour l’opinion publique (européenne), il y a un ras-le-bol de voir que nous payons à plusieurs reprises, soit la Commission, soit les Etats membres, soit les grands donateurs, pour des infrastructures qui seront systématiquement détruites". Détruites par qui ? Louis Michel ne le dit pas ! C’est à partir du village martyr de Jabalya que le commissaire européen, seulement deux jours avant l’arrivée du représentant spécial de Barak Hussein Obama, le diplomate d’origine Libanaise, Georges Mitchell, que l’ancien ministre belge des affaires étrangères annoncera le déblocage de 58 millions d’euros, dont 32 millions pour la reconstruction des destructions causées à dessein par Israël dans la bande de Gaza. Des destructions qui semblent focaliser l’attention, alors que les drames humains sont relégués en seconde zone. Pourtant, sous les décombres, on continue de retirer les cadavres d’enfants, de femmes et de vieillards, tandis que les écoles qui furent la cible honteuse des bombardements Israéliens, peinent à rouvrir leurs portes devant les rescapés d’une guerre qui fut longue et meurtrière.
Pour Louis Michel, ça pose quand même un problème : "Je pense que l’Europe sera une fois de plus condamnée, par une sorte de fatalité bienveillante, de contribuer à nouveau à la reconstruction, d’infrastructures que nous avons déjà financées, que certains de nos Etats membres ont déjà financées, parfois plusieurs fois. Ca pose problème, mais on est bien obligé de reconstruire les infrastructures. J’avoue que ça fait mal, que c’est frustrant. D’une certaine manière, c’est décourageant." On est presque attendris par ces propos tout juste dignes d’une vierge effarouchée. Et les malheurs humains ? Et ces enfants sans toit, sans écoles, sans soins, dormant à la belle étoile mais surtout définitivement marqués dans leur chair et dans leurs esprits ? Pas un mot de compassion, ni une remarque désobligeante.
De leurs cotés, les Saoudiens, qui auront financé sans sourciller les massacres à grande échelle des populations gazaouies – pour les punir de leur soutien au Hamas- ont annoncé une aide d’un milliard de dollars, ce qui attise les appétits insatiables des amis de Mahmoud Abbas dont le niveau de corruptibilité et de concussion aura atteint les cimes de l’imposture. Déjà, dans les salons cossus de Ramallah, de Beyrouth et du Caire, les charognards Arabes se frottent les mains. Des affaires en béton massif en perspective et à seulement quelques encablures de Charm Ech Cheikh ! Que du bonheur. Même Israël, avec un sens aiguisé de la provocation, se propose de participer à la reconstruction ou à tout le moins à la superviser. Ses ingénieurs et architectes, à temps perdus, entre deux attaques à bord des F16 et des Apaches, viendraient prêter leur concours que l’on devine totalement désintéressé, afin d’implanter, dans les constructions, ces puces qui plus tard, lors des prochaines attaques, faciliteront le téléguidage des bombes de destruction massive.
Alors que dans un élan de solidarité active sans pareil, les peuples épris de justice auront pris conscience des dangers que fait peser Israël sur la région et sur la paix mondiale, continuent de s’organiser pour venir en aide aux populations éprouvées, nos politiciens consensuels persistent à ignorer le Hamas, à qui l’on dénie le droit de participer à canaliser les aides internationales. Le parti islamiste, à l’instar de son modèle, le Hezbollah Libanais – qui n’avait pas hésité à venir en aide sonnante et trébuchante à toutes les familles Libanaises de toutes confessions, éprouvées lors de l’invasion Israélienne de l’Eté 2006-, vient de décréter l’octroi d’une enveloppe de 1000 dollars pour chaque martyr ainsi que la distribution de 4000 autres dollars pour toute habitation détruite lors de l’agression de Tsahal. Une attitude toute à fait recevable pour tout gouvernement qui se respecte mais qui n’aura pas été du gout ni d’Israël, ni de l’autorité palestinienne, ni des régimes arabes corrompus et corrupteurs. Le reste du monde, Europe y compris, c’est en termes peu diplomatiques que l’on entame une campagne pour évacuer le Hamas d’un chantier où les mouvements islamistes excellent. Celui de l’action caritative par laquelle ce parti s’est imposé en parfait maitre de cérémonie, là où justement le Fatah de Mahmoud Abbas avait tout faux, lui préférant les détournements que l’on sait.
Légitimé des urnes, consécration des armes
D’ailleurs, les manœuvres en vue de le mettre à l’écart du processus de reconstruction semblent converger de toutes parts. En effet, lorsque, au nom de l’UE, sur les ruines encore fumantes de Jabalya, Louis Michel, en insistant sur la responsabilité du Hamas et en renouvelant le refus de l’Europe de discuter avec ses représentants à Gaza ou ailleurs, leur déniant toute représentativité des Palestiniens, le responsable de l’humanitaire auprès de Bruxelles ne fait que préparer le terrain à une mise à l’écart pure et simple du Hamas dans le processus en cours ! Cette attitude irresponsable obéit d’abord aux injonctions israéliennes à destination de l’UE et des Etats-Unis de ne pas reconnaitre le Hamas, ni à fortiori sa victoire aux législatives de 2006. Victoire qui fut parfaitement légale, lors d’élections dont la transparence n’aura échappée ni à la vigilance de Jimmy Carter ni à celle de Véronique de Keyser. Ces deux personnalités, dont la clairvoyance et la probité sont reconnues partout dans le monde, avaient concomitamment reconnus, en qualité d’observateurs internationaux, la légitimité de la victoire du parti islamiste.
Ce que la superpuissance militaire israélienne, en 22 jours et 22 nuits de combats inégaux et injustes, n’aura pas obtenu, la diplomatie européenne et Etats-unienne sont en train de tout faire pour le réaliser. Ils bénéficient bien évidemment du soutien actif et intéressé de l’Egypte, de l’Arabie Saoudite et de la moribonde autorité Palestinienne de Mahmoud Abbas.
Pendant que Gaza panse enfin des plaies béantes, les négociations pour l’éliminer en douce reprennent de plus belle. Dès son investiture, Obama n’avait-il pas laissé entrevoir un début de lucidité en coupant net la propension de l’administration US à reconduire le soutien inconditionnel à la politique agressive d’Israël, y compris par des dons qui s’élèvent annuellement à plus de 5 milliards de dollars, injectés directement depuis le trésor Américain vers son homologue d’Israël. En effet, dès la première conférence de presse au département d’Etat d’Hillary Clinton -dont on sait les accointances avec le lobby sioniste de New York-, n’a –t-on pas vu Barak Obama en personne venir lui voler la vedette, avec en prime la nomination de son représentant personnel pour le Moyen-Orient, le Libano-Américain Georges Mitchell. La manœuvre fort subtile n’aura pas abusé grand monde, car une fois rendu sur le champ de bataille, Georges Mitchell évitera de se déplacer à Gaza. Entamant sa visite par la capitale égyptienne, le remplaçant de Denis Ross -qui n’est pas sioniste comme le laisseraient entendre les mauvaises langues-, ne cachera nullement ses intentions de ne pas lier langue avec les représentants élus du peuple palestinien.
Cachez-moi ce Hamas !
Cette attitude que l’on tente de justifier par le sempiternel rappel que le Hamas est une organisation terroriste, est pourtant totalement improductive. En tout cas, elle démontre que l’administration Obama est encore timorée et n’arrive toujours pas à franchir le pas vers une reconnaissance légitime du Hamas. Une attitude qui est toujours dictée par l’administration et le lobby sionistes qui auront été à l’origine du blocage de toutes les initiatives dites de paix dans la région. La main tendue de Barak Obama au monde musulman pour de nouvelles formes de relations, fortement affirmée lors de son discours d’investiture se trouve du coup totalement démentie par la realpolitik de son représentant au Moyen-Orient. On se demande si pour le nouveau président US, il n’y a pas comme une attitude de mépris vis-à-vis des Gazaouis, qui sont très majoritairement musulmans ! Et, de surcroit de plus en plus populaires à travers la planète, pour preuves les innombrables et très denses manifestations de soutien depuis la très lointaine Australie jusqu’à la plus puritaine Angleterre, avec en guise de victoire insoupçonnable, cette formidable mobilisation de la diaspora juive mondiale dont les élites auront définitivement rompus avec le soutien jusque là inconditionnel à la politique expansionniste d’Israël. N’en déplaise à BHL et à Enrico Macias, ces irréductibles sionistes dont l’entêtement est pour le moins déplorable ! Denis Ross, en son temps, n’avait-il pas adopté la même attitude, alors que le Hamas avait en toute légalité gagné les élections législatives, lui préférant le très pâteux Mahmoud Abbas et ses amis corrompus du Fatah.
Cette volonté exclusion parfaitement orchestrée par les tenants du statut quo, dont les conséquences sur la population de Gaza sont malheureusement marquées du sceau de la pérennité, est-elle une attitude intelligente ? On peut en douter sérieusement, car à voir la promptitude des islamistes à prendre en charge la reconstruction de Gaza, avec des fonds dont les origines sont connues de tous le monde, il parait évident qu’après avoir engrangé les dividendes d’une résistance héroïque à une invasion sanglante de 22 jours, le Hamas ne soit amené à tirer davantage vers lui la couverture lors de la campagne de reconstruction dans laquelle les Européens et Américains semblent chercher à rentrer à reculons. En voulant contre toute évidence reléguer le Hamas à sa seule expression militaro-islamiste, dont la résistance constitue indéniablement le fer de lance, les grandes puissances, dans une parfaite harmonie, perpétuent un déni qu’elles finiront par payer lourdement. Notamment en renforçant le mouvement radical islamiste comme ce fut le cas en Afghanistan et en Irak, mais également en aidant à maintenir des régimes Arabes largement antidémocratiques et totalement incapables d’endiguer l’engouement des populations pour ces partis extrémistes. Pour la simple et bonne raison qu’ils représentent la seule véritable opposition à ces régimes impopulaires.
Un revirement salutaire de la France
Lorsque Louis Michel dit que le Hamas a une responsabilité écrasante, on est tenté de lui dire, raison de plus pour ne pas continuer à l’ignorer ! Pour la reconstruction et aussi pour la paix ! Car malgré les apparences, c’est avec lui, par Egypte interposée, qu’Israël est en train de négocier une trêve de 18 mois ! Alors qui peut la trêve peut également la paix. Espérons que passés ces premiers balbutiement moyen orientaux, le faiseur de paix en Irlande du Nord ne perdra pas le Nord en oubliant que la paix se négocie toujours avec son adversaire. Dans son objectif premier, en lançant « Plomb endurci » les 3 faucons que sont Olmert, Barak et Livni, projetaient d’affaiblir, voire d’éradiquer le Hamas en 3 jours ! C’est Yasser Abd Rabbo, conseiller de Arafat et de Abbas qui le soutenait au matin de l’offensive sur Gaza, appelant la population « à patienter seulement 3 jours avant que n’intervienne la délivrance ». Notons la très timide allusion de Bernard Kouchner, soutenant en bribes presque inaudibles qu’un dialogue direct avec le Hamas ne serait plus qu’une vue de l’esprit. Après les déclarations de Marek Halter sur la volonté affirmée de Khaled Mechaal, quelques jours avant l’agression sur Gaza-, de reconnaitre Israël dans ses frontières de 67 et le tollé provoqué par la révélation d’un rencontre en avril dernier entre Yves Aubin de la Messuzières, un diplomate Français à la retraite avec le chef du Hamas à Gaza, on ne peut qu’apprécier ce frémissement de realpolitik auquel la France de Sarkozy ne nous avait pas habitué. Se faisant plus précis sur la nécessité de lier langue avec le mouvement de Ismaïl Hénya, Bernard Kouchner déclarait mardi dernier : « C’est notre avis et nous avons pensé aussi - nous l’avons découvert il y a longtemps - que le Hamas était un des interlocuteurs », ajoutant « nous pensons qu’il faudra parler avec eux quand ils accepteront le processus de paix, lorsqu’ils accepteront de s’inscrire dans la négociation ». C’est précisément ce qu’ils sont en train de faire depuis plus de deux semaines au Caire, par Egyptiens interposés !
Peut être faudra-t-il envisager sérieusement de désigner, Obama vient de le faire, un envoyé spécial qui pallierait les défaillances flagrantes du quartette conduit par Tony Blair. Ce dernier étant constamment à la traine dans une région qui attend tellement de l’Europe ! La crise aidant, l’UE serait bien inspirée si elle engageait ses entreprises et ses associations pour prendre directement en charge l’énorme chantier de reconstruction de Gaza. Cela commencera nécessairement par un dialogue direct avec le Hamas, ce qui aiderait grandement à l’apaisement dont la région a un besoin vital.
Averroès
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