La disparition de l’ARCTIC SEA suscite de plus en plus de questions qu’elle n’apporte de réponses claires quant au devenir du navire.
Et si tout cela n’était finalement pas de la piraterie ?
Les choses se compliquent et semblent s’accélérer pour l’ARCTIC SEA. Voila maintenant que l’on parle d’une demande de rançon qui aurait été envoyée à la société propriétaire du navire, Sol Chart Management, en Finlande". Elle serait d’un million et demi de dollars (soit un million d’euros au cours d’aujourd’hui).
Cette information émane de l’AFP à Helsinki via le chef du Bureau national d’enquêtes de la police finlandaise, Jan Nyholm.
Par ailleurs, il semble se confirmer que le cargo repéré hier au large du Cap Vert "ressemble" à l’ARCTIC SEA mais celà ne peut être confirmé à 100 %, le navire, s’il s’agit bien de lui, ayant probablement été maquillé.
Plus les jours avancent, plus la réflexion avance, et plus ce dossier paraît bien étrange.
Nous allons vous livrer ici, un peu pèle-mêle, les raisons qui nous poussent à douter de ce qui semble nous être présenté comme une simple affaire de piraterie.
1 Tout d’abord, le navire en lui-même.
L’ARCTIC SEA n’est pas réellement un "diamant" pour pirates mais plutôt une pierre ordinaire. Cargo de 4000 tonnes, long de 98 mètres, construit de 1991 par les chantiers Sedef Shipbuilding Industry Inc., à Istanbul, il ne peut, vu sa taille et son age prétendre à des transports à très haute valeur ajoutée mais à du "courant" comme le bois qu’il transportait au moment de la possible commission des faits. Il n’a donc rien d’extraordinaire et sa valeur ne doit pas excéder quelques millions d’euros.
Aussi, vu les moyens nécessaires pour s’emparer d’un navire, il peut donc être raisonnable de penser qu’il vaut mieux s’attaquer à plus gros et plus cher....
2 - Le lieu de l’attaque
Le navire aurait été attaqué dès le 24 juillet, dans les eaux territoriales suédoises.
L’endroit est déjà suspect en lui même car il se situe en plein milieu des eaux européennes. Les assaillants auraient donc pris beaucoup de risques pour s’emparer du navire, les eaux suédoises et européennes n’étant pas les moins surveillées du monde....
De plus, pour échapper à la compétence et aux poursuites d’un des Etats longeant les côtes suédoises, danoises, françaises, britanniques, belges, hollandaises, norvégiennes, etc.., il vous faut plusieurs jours avant de gagner la haute mer, soit en gagnant les eaux froides du Nord du Royaume Uni, soit en vous engageant dans le détroit du Pas de Calais, dont on sait qu’il est particulièrement surveillé, pour tout un tas de raisons (choix finalement opéré par le navire). Encore de grands risques pour les "pirates" pour somme toute, un petit butin.
En résumé, choisir un tel endroit, sur un tel navire, est particulièrement risqué pour les auteurs, sauf à chercher autre chose qu’une rançon pour un navire de 20 ans et une cargaison d’un peu plus d’un million d’euros.
3 - L’enchainement des faits et la "disparition" du navire.
En maintenant l’hypothèse d’un détournement par des pirates dès le 24 juillet, il y aurait une certaine logique à s’engager dans le détroit du pas-de-calais car c’était la route prévue pour gagner la destination initiale du navire en Algérie.
Dès lors, pourquoi ne pas faire "comme si ne rien n’était" jusqu’au bout et faire croire que le navire allait réellement gagner sa destination d’origine ?
En effet, si vous détenez l’équipage et que vous voulez disparaître, il ne nous semble pas raisonnable de couper toute communication dès la sortie du DST d’Ouessant et ainsi d’attirer l’attention, à la fois de votre armateur mais également des différentes autorités littorales chargées de la régulation du trafic maritime.
Il nous semble que la méthode la plus efficace, sauf évènement très grave qui se serait produit à bord, serait de faire pression sur l’équipage pour qu’il fasse, vis à vis de l’extérieur, comme si ne rien n’était et donne à ses interlocuteurs habituels tous les gages d’une vie à bord "normale" (on peut d’ailleurs supposer que tel fût le cas lors de la dernière communication du bord avec les autorités britanniques le 28 juillet dernier).
Si vous voulez réellement "prendre le large", une opportune panne de l’A.I.S vous permet d’adopter une route différente de celle prévue et d’en prendre une autre, sans attirer les soupçons, au moins jusqu’à la date à laquelle vous étiez prévu pour arriver à votre prochain port de destination.
Après cette date, rien ne pourra plus empêcher l’armateur et les autorités de se mettre à votre recherche mais alors, tout dépend de votre mobile profond et de ce que vous avez réellement l’intention de faire avec le navire....et avec sa cargaison officielle et officieuse (comme delà semble se confirmer).
Mais vous vous alors en haute mer ou l’intervention des Etats est beaucoup plus complexe, sauf dans certains cas bien déterminés par la Convention de Montego Bay.
4 - Le maquillage du navire.
Il se murmure, voir plus, que le navire aurait été retrouvé près des Iles du Cap Vert mais qu’il pourrait avoir été maquillé.
Question : dans quel but ? Pour notre part, nous pensons qu’un tel maquillage ne peut permettre, aux auteurs d’un détournement, que de gagner quelques heures ou au mieux quelques jours.
Maquiller un navire est effectivement possible. En effet, les navires sont maintenant construits en série, soit à la demande des armateurs, soit du propre choix des chantiers navals qui construisent, "à la chaîne", des navires similaires, certains armateurs, à travers le monde, ayant des besoins proches en matière de navires. Le navire ne se distingue dès lors plus que par les petites touches et aménagement, outillages, que le propriétaire souhaite faire installer à bord et bien entendu par sa couleur, son nom et les marques de la compagnie.
Il est donc possible de trouver sur les mers du globe plusieurs navires identiques ou presque.
Reste à savoir s’il est possible de "maquiller" un navire comme l’on maquille une voiture volée et quel peut être l’intérêt de ceux qui auraient fait celà.
La technique de la "doublette" peut faire illusion quelques heures ou quelques jours. Navire quasiment idenditique, même numéro IMO sur la coque, même nom, etc..
Sauf que renseignement pris auprès de l’armateur du "véritable" navire, et surtout si l’AIS de son navire fonctionne, vous pourrez rapidement vous rendre compte que celui que vous avez devant les yeux est une copie.
La seconde solution qui s’offre à vous, plus réaliste à notre sens, est de créer de toutes pièces un nouveau navire, avec nouveau nom, un nouveau pavillon, un nouveau numéro IMO (les numéros IMO sont uniques depuis 1987), avec choix pour un pays d’immatriculation ou il est difficile d’obtenir des informations rapidement et moyennement regardant sur votre pédigrée, et surtout rétif à autoriser l’intervention de forces armées ou de police sur les navires qui battent son pavillon (voir notamment les problèmes posés par les Kiribati et le Sokalique le 17 août 2007), de créer une société d’armement dans un pays tout aussi opaque à la transmission d’information, et le tour est joué.
Vous pouvez même ne pas afficher votre numéro IMO pour compliquer la tâche de ceux qui vous poursuivent, quand bien même cela est obligatoire mais en haute mer, l’infraction relève de l’Etat du Pavillon....
Pour autant, vous n’empêcherez probablement pas, à terme, les forces de police et armées d’intervenir et donner l’assaut au navire. Mais dans un monde ou l’on tente de respecter la nationalité et le territoire des autres, et le Droit d’une manière générale, respecter les règles va faire "perdre" beaucoup de temps à ceux qui vous poursuivent, le temps de négocier de l’argent ou autre chose....mais ne devrait pas empêcher l’intervention.
Si ce scénario se confirme et que le navire "maquillé" est bien l’ARCTIC SEA, il restera à savoir si c’est vraiment cela que cherchent les "pirates".
Pour ma part, je trouverai cela bien étrange de déployer autant d’énergie, de prises de risques comme d’avoir la marine russe à ses trousses, avec pour unique monnaie d’échange 12 matelots russes, un navire de 20 ans et quelques billes de bois...et une demande de rançon d’un million d’euros.
Les prochaines heures et les prochains jours nous le diront. Tout ceci nous semble, comme à d’autres, bien étrange.
Reste une autre solution, effleurée parMikhaïl Boytenko, directeur de la revue maritime russe Sovfracht, pour qui il se peut que le navire marchand ait transporté une cargaison secrète à l’insu de ses propriétaires ou de ses affréteurs.
"Je crois qu’il y avait probablement à bord de ce navire une cargaison secrète (...), pas de nature criminelle mais secrète, et qu’une tierce partie n’a pas voulu qu’elle parvienne à une autre partie, et qu’en conséquence on a élaboré cette opération de haute précision", a-t-il déclaré à Reuters.
"Je ne pense pas que des pirates aient pris possession du navire, il s’en dégage un très fort relent d’intervention étatique. C’est de la vraie matière de récit d’espionnage, comme un roman de (John) Le Carré."
Cette hypothèse de l’intervention étatique permet d’envisager une problématique allant bien au delà que le navire, sa cargaison officielle, et même la vie de douze hommes.
Dans ce scénario, l’opération d’assaut du navire, si elle est un jour confirmée, aurait été méticuleusement préparée et menée par des forces spéciales dans le but de s’emparer d’une cargaison que l’Etat d’appartenance à ces forces aurait voulu à tout prix empêcher d’arriver à destination, y compris à celui de détourner, voir de faire disparaître un navire. Cela a un autre nom : La Raison d’Etat.
Rappelons que le navire a fait escale, pendant deux semaines, dans un chantier de réparation situé dans une zone réputée pour servir de plaque tournante à tout un tas de trafics.
Durant ce laps de temps, le navire aurait donc pu avoir le temps de recevoir une cargaison secrète, lourde et encombrante, à intercepter à tous prix pour un Etat ou une organisation.
On peut alors tout imaginer quant à la nature de la cargaison pouvant avoir été embarquée et sa destination...(dans mon scénario des "vampires attaquent la nuit", il s’agissait d’avions de combat "harrier" transportés par voie maritime dans le plus grand secret....).
5 - Une issue prochaine ?
Comme nous l’avons déjà évoqué dans un précédent post, citant une source russe, le navire devrait rapidement arriver en limites de capacité de soutes, et que sauf à avoir ralenti sa vitesse ou effectuer un ravitaillement en mer (ce qui renforcerait l’idée d’une opération de grande envergure), il n’aura bientôt plus de moyens de propulsion.
6 - Une simple baraterie ?
Le faible montant de la rançon, un maquillage fait avec les moyens du bord pourrait renforcer une simple baraterie de l’équipage, en conflit avec son armateur et ayant "inventé de toutes pièces" ce scénario rocambolesque.
En résumé, il n’y a plus que six solutions pour l’ARCTIC SEA :
- Il a réussi à échapper à ses poursuivants, s’appelle désormais le SEA..... et navigue sous d’autres latitudes après avoir été ravitaillé dans un port pas très regardant sur la provenance des navires
- Il a coulé de manière "naturelle" et nous nous faisons tous des "films".
- Il a été coulé par ceux qui se sont emparés du navire.
- Il est en panne sèche près du Cap Vert et d’autres développement sont à prévoir dans les prochains jours.
- Il a été ravitaillé par ceux qui l’ont détourné, va être rattrapé par les marines lancées à sa poursuite mais j’avoue ne pas trop croire à ce scénario...
- Il est aux mains de son équipage et c’est une simple baraterie. Nous le saurons également dans les prochaines heures.
Au final, ce fait divers maritime, rarissime en Europe, est véritablement passionnant par l’ensemble des questions qu’il suscite et qu’il ne maquera pas de susciter, quelle qu’en soit l’issue.....