Politique turque à l’égard du continent africain
Dans un article bien documenté[1], Laurent Lagneau, nous fait part des avancées économiques et diplomatiques de la Turquie en direction du continent africain.
En effet, les relations de la Turquie avec le continent africain ont pris tellement d’ampleur qu’il me parait évident que les prochains affrontements entre les puissances occidentales ayant un objectif mondial ou du moins régional, se joueront sur ce continent au potentiel de développement significatif.
Sur le même thème et sous le titre : La Turquie, un nouveau partenaire qui compte pour l’Afrique, tv5monde[2] rapporte que le président turc Recep Tayyip Erdogan a profité d’une nouvelle tournée africaine pour renforcer les liens de son pays avec le continent.
Les efforts de la Turquie ne se comptent plus pour s’imposer comme une puissance qui compte en Afrique. Et ces efforts sont fournis dans des domaines aussi divers que les mines, la santé, l’énergie et généralement dans tous les domaines de l’activité économique, sans oublier l’interventionnisme militaire turc, dont nous avons parlé plus haut[3].
A tel point que nous pensons que, voyant les débouchés traditionnels de l’économie turque s’éloigner (l’Europe, par exemple), la Turquie mise beaucoup sur le marché africain. Néanmoins, un bémol surgit dans ce processus : la Chine a également investi énormément sur le continent africain par l’intermédiaire du principe « construction d’infrastructures contre des contrats ». Et la Chine voit d’un mauvais œil ce concurrent agressif arriver sur des terres qu’elle considérait, naguère, comme sa chasse gardée.
Surtout, connaissant la diplomatie toute ottomane d’Erdogan et sa capacité de rebondir face à des situations considérées comme perdues ou inatteignables, certainement, à un moment donné, les Etats-Unis voudront utiliser cet « ami et allié » dans leur lutte acharnée contre la puissance chinoise qui commence à leur faire de l’ombre. En schématisant, les Etats-Unis joueront la carte turque pour contrer la Chine et pas seulement en Afrique. Nous avons vu en automne 2020 l’aboutissement de la guerre azéro-arménienne avec l’intervention massive turque ; les chancelleries occidentales se sont satisfaites de pures condamnations de forme et du maintien de la neutralité, face à l’agresseur azerbaïdjanais, le mettant au même niveau que l’agressé arménien. Là aussi, la Turquie étend son influence en absorbant pratiquement l’Azerbaïdjan et en étendant son influence jusqu’à la frontière chinoise. D’ici à penser que la Turquie serait mise en avant pour l’accomplissement des desseins américains il n’y a qu’un pas à franchir et la prochaine étape me semble évidente : faire du Xinjiang un instrument contre la Chine !
Cependant, revenons à l’Afrique. La troisième semaine d’octobre 2021, de retour d’une tournée[4] en Angola, au Togo et au Nigeria, le président turc avait clarifié son intention en déclarant son souhait de tripler les échanges entre son pays et le continent africain. Déjà, les échanges commerciaux entre les deux parties sont passés de 5,4 milliards de dollars en 2003, à 25,4 milliards en 2020 ; le potentiel des échanges et de l’influence turque sont, dès lors, immenses…
Enfin, cette intention du président turc est également visible dans d’autres domaines : depuis sa prise du pouvoir en Turquie, Recep Tayyip Erdogan a visité 30 pays africains et son pays possède désormais 43 ambassades sur le continent, contre 12 en 2009[5]
Selon l’article de Laurent Lagneau, ces relations turco-africaines prennent également une dimension militaire : au-delà des bases que la Turquie a installées sur le continent africain, elle fait la promotion de ses industries militaires et commence à y vendre des armes.
Toujours selon Lagneau : « Depuis les années 2000, l’Afrique constitue l’un des axes majeurs de la stratégie d’influence mise en œuvre par la Turquie. Stratégie qui est [un peu] éclipsée par les visées de la Russie et de la Chine sur ce continent… »
Après sa dernière tournée en Afrique (Angola, Togo et Nigéria), Recep Tayyip Erdogan, accueille un sommet « Turquie-Afrique », prévu à Istanbul, en décembre 2021. Entretemps, lors d’une conversation téléphonique avec le président du Niger, avec lequel il a signé un accord de coopération militaire en juillet 2020, a été concrétisée la livraison aux forces nigériennes, de drones[6] Bayrakatar TB-2, d’avions d’entraînement Hürkuş[7] et de blindés de fabrication turque.
Laurent Lagneau dit : « Aucune précision n’a été donnée sur le nombre d’équipements commandés par Niamey. Cela étant, en avril dernier, Temel Kotil, le directeur général de Turkish Aerospace Industries, avait indiqué, sans livrer plus de détails, qu’un premier contrat concernant l’achat de 12 avions Hürkuş-C était alors en cours de négociation. »
La Turquie ne cesse de renforcer son influence au Sahel, notamment dans les domaines économique [BTP, aéroport de Niamey, etc.] et culturel [écoles, coopération culturelle]. Ce pays est bien évidemment une puissance régionale incontestable. Mais, sous la gouvernance de Recep Tayyip Erdogan, la Turquie se rêve en grande puissance… Le président turc se rêve, quant à lui, de chef de tous les sunnites du monde ; il veut également défaire tout ce que le fondateur de l’Etat turc moderne, Mustafa Kemal Atatürk.
[1] Article publié sur opex360. Daté du 21 novembre 2021. Titre : La Turquie va livrer des blindés, des drones Bayraktar TB-2 et des avions d’entrainement Hürkuş au Niger
[2] Tv5monde, 28 octobre 2021.
[3] Idem.
[4] Du 17 au 24 octobre 2021.
[5] Le Point, 19 octobre 2021.
[6] Il s’agit des drones de combat. Pour rappel, ce sont les drones que l’Azerbaïdjan a utilisé massivement contre le Haut-Karabakh lors de la guerre de l’automne 2020 ; les drones ont donné aux azerbaidjanais une supériorité évidente, leur permettant de gagner cette guerre.
[7] Selon l’article de Laurent Lagneau, le Hükuş est, à la base, un avion d’entraînement doté d’un turbopropulseur Pratt & Whitney Canada PT6A-68T. Pouvant voler à la vitesse maximale de 574 km/h, il dispose d’un rayon d’action de près de 1’500 km. La version commandée par le Niger est dédiée à l’appui aérien rapproché. D’une capacité d’emporter 1 500 kg de munitions, dont des missiles guidés UMTAS et des roquettes à guidage laser Cirit, ainsi qu’une nacelle de reconnaissance et de ciblage CATS et deux réservoirs largables.
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