Pour en finir avec la corruption politique au Maroc
Nous sommes convaincus que la grande majorité des élus de notre pays ne remplissent pas leurs mandats avec intégrité, responsabilité et le souci de l’intérêt général. Nous portons donc un jugement à priori négatif sur les pratiques de la classe politique marocaine. Cela signifie qu’il soit souhaitable et possible d’en finir une fois pour toute avec cette alternance de malversation et de prévarication, évidemment plus dommageable pour les détenteurs du pouvoir économique que pour les citoyens de ce pays.
C’est pour voler qu’ils viennent au pouvoir. Comme ailleurs, ils volent bien sûr pour se donner la capacité de conquérir ou de maintenir leur pouvoir, mais au-delà de cet aspect universel, les hommes politiques marocains volent pour s’enrichir personnellement souvent à la limite de l’obscène et de la démesure. Ces pratiques sont d’autant plus florissantes qu’elles restent souvent impunies. Chez nous, l’impunité est le principe fondateur, organisateur et incitateur de la corruption et du détournement de deniers publics. Leur monde ignore les préceptes de vertu, et notamment ceux qui mettent l’accent sur le caractère sacré du respect du bien commun. C’est qu’il manque à leur sphère d’activité la tempérance, la prudence et le courage. Platon disait que la vertu est la science du bien ; le vice en est l’ignorance.
Le royaume dans son ensemble conçoit désormais ouvertement, aussi bien pour ces hommes politiques que pour ceux qui votent pour eux, un tranquille mépris, que les intéressés prennent très à tort pour une soumission confiante et satisfaite dont ils n’aperçoivent pas la fin prochaine. Personne mais vraiment personne n’est conséquemment d’autant plus sensible à l’inquiétude qui grandit et s’enracine au cœur de notre société, à mesure que les mœurs publiques se dégradent dans l’indifférence générale, favorisés sans doute par une justice qui ne peut discerner clairement le prix à payer de ces perditions et en comprendre la gravité et a le plus grand intérêt à en prévenir les funestes conséquences sur le désir et la volonté du Roi.
Notre magistrature et les responsables de l’ordre oublient trop aisément qu’il n’existe rien au monde de plus dangereux que quand la terreur risque de s’imposer pour que la justice ne dépende pas de l’état de la personne mais de l’acte. « Les citoyens qui n’ont pas confiance dans le système judiciaire, n’ont pas confiance en l’Etat et ceci est une situation dangereuse parce que le fondement de tout Etat démocratique est la confiance de ses citoyens. » / Jana Dubovcová, Lauréate du Prix de l’Intégrité 2002.
Qu’il soit nécessaire, et à présent urgent, de changer la majeure partie des hommes qui devraient défendre nos intérêts et la volonté royale, voilà quelque chose que personne ne nie ; mais les remplacer par des incompétents au capital scolaire médiocre, voilà un remède qui ne combat d’aucune façon le mal dont nous souffrons.
La privatisation de la vie politique est à la base de la déchéance du droit. Les groupes dominants s’y sont tellement accoutumés que la notion de « vie publique » a perdu toute signification pour eux. Ils confondent trop souvent les mobiles ambigus qui les animent avec les « droits inaliénables de la nation » et le sens de la justice.
La réussite, objective et mesurable, de notre adorable Maroc, est tout économique et technique. Les hommes politiques marocains, sauf de rares exceptions, ont trop peu de compétences et une scolarité ridiculement petite voire inexistante. Pendant trop longtemps nous avons assisté, impassibles, au lamentable spectacle que nous offrait une partie de nos hommes politiques, qui persistait dans son manque d’intérêt pour les changements advenus dans la société civile qui croyait en un projet démocratique fondé sur la compétence de ses dirigeants et la lutte contre leur corruption.
Au Maroc, nous sommes plus que convaincus que si un pur et simple désastre politico-économique sans retour nous a été épargné jusqu’à ce jour, c’est grâce à l’absolue légitimité religieuse, historique et politique du Roi, plus que par le mérite et la prudence de nos hommes politiques.
La grave crise mondiale, fruit d’une double utopie économique et monétaire, qui ébranle tous les pays du monde est avant tout un net déclin culturel (éducatif). Elle montre indiscutablement qu’une nouvelle radicalisation sociale, débarrassée de toutes ses illusions et désillusions antérieures, risque de frapper fort à la porte de notre paix sociale.
Si nous voulons éviter qu’à force de nous fier à la chance et au très maigre capital scolaire de nos hommes politiques le mal ne devienne trop facile à connaître, il faut en faire tout de suite le diagnostic, et commencer simultanément un traitement de choc, avant que les uns et les autres n’en comprennent les proportions et la gravité, ce qui leur ouvrirait immanquablement de nouvelles possibilités et de nouveaux prétextes de colère, en même temps que de joyeuses perspectives de victoire comme celles de 1979 en Iran.
Plus que jamais, nous nous dressons aujourd’hui pour rejeter l’arrivée aux affaires publiques d’hommes qui détruisent le rêve marocain, la volonté royale de mener le pays vers des horizons meilleurs. Ces mêmes hommes, du point de vue de la défense de notre société, forment le péril le plus menaçant. Plus que jamais, il s’agit de conjurer ce vrai péril, et non d’en voir des faux à sa place.
Nous désirions donner la possibilité aux candidats à une élection majeure de s’engager devant les électeurs et la pays tout entier sur des thèmes trop souvent absents des campagnes électorales et sur lesquels les attentes de beaucoup de nos concitoyens sont fortes.
Pour élaborer le dossier de candidature, il convient de veiller à ce qu’un certain nombre de conditions soient remplies surtout quand il s’agit d’élections municipales :
- à ce que tout élu s’engage sur les principes de probité et d’éthique ;
- à ce que tout élu condamné pour corruption par une décision judiciaire définitive ne se représente plus à l’avenir et ne soit investi par aucun parti ;
- à ce que la déclaration situation patrimoniale conforme aux lois en vigueur et soit étendue aux avantages et revenus liés aux fonctions électives ;
- à ce que, en cas de conflit d’intérêt, les procès-verbaux de séance du conseil municipal expliquent en quoi consistent les conflits d’intérêt et comment il y est remédié ;
- à demander la signature d’un pacte de transparence aux entreprises candidates aux marchés publics les plus importants (en vertu du pacte, tous les candidats au marché doivent s’engager à ne faire aucun versement de complaisance et à prendre des mesures précises pour assurer la transparence de tous les règlements liés au contrat).
Le droit et le courage sont notre soutien, « la raison désespère et l’intelligence tâtonne engourdie ». On ne peut plus continuer à rassurer le pays en prétendant l’inverse, parce que nous sommes arrivés à l’heure de la vérité, quand les mensonges ne servent plus, mais seulement la force.
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