Qu’allons-nous faire de l’argent des dictateurs ?
De Taïwan à Haïti, de l’Indonésie au Gabon, au Pérou, au Congo, ils seraient une trentaine à s’être approprié, en quelques décennies, la bagatelle de 180 milliards $ de fonds publics sur le dos de peuples à qui manque l’essentiel. Qu’ils se nomment Suharto, Mobutu, Dos Santos, Comparoé, Obiang, Nguesso, Fujimori, Pinochet, Omar Bongo... les fortunes qu’ils ont volées représenteraient plusieurs années de l’aide internationale aux pays du Sud. Comment de tels détournements furent-ils possibles ? Pourquoi tant tarder à restituer aux populations concernées ce qui leur est non seulement dû, mais vital ? Cet aspect du pillage des terres pauvres est décrypté dans le lumineux rapport que CCFD - Terre Solidaire* publie aujourd’hui.
Selon les auteurs, Antoine Dulin et Jean Merckaert, ces fuites de capitaux, pour énormes qu’elles soient, ne sont "rien en regard des pillages auxquels elles ont donné lieu". Passations de marchés publics, transactions avec l’Etat, négociations de contrats officiels, tout est corrompu dans les régimes basés sur le clientélisme, l’intègre entrepreneur local n’ayant guère de chances contre les pots de vin d’un concurrent étranger.... ni contre un régime qui ne tient que par la violation de droits qu’il serait risqué de chercher à faire valoir.
France bonnet d’âne
Le détournement de biens publics étant, depuis 1991, déclaré par l’ONU violation des droits humains, pourquoi la championne toutes catégories des lois anti-blanchiment est-elle en queue de peloton au moment des comptes, loin derrière les Etats-Unis (1ers) et la Suisse (2e) ? Pour ses bases militaires ? Son contrôle du pétrole, de la forêt, de l’uranium dans les zones francophones ? Pour ne pas avoir à se justifier sur des compromissions essentielles au maintien d’une certaine influence ? En 2007 le procès d’Omar Bongo avait conclu à un non-lieu. Fut-ce pour sa notoire générosité envers - tous - nos partis politiques ?
Plus de 150 collectifs de la société civile africaine ont officiellement demandé à la France "les milliards volés par des potentats [dont] on ne peut plus attendre la mort pour connaître la fortune et la restituer à leurs pays". Les meilleurs plaisanteries ont une fin.
*Biens mal acquis : à qui profite le crime ?
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