Qu’on délocalise les vieux !

Il s'agit du plus grand pays d'Europe, du plus riche, de l'exemple à suivre. Parait-il. Il s'agit de l'Allemagne et de ses dizaines de millions de vieux, cette bombe atomique dont tout le monde feint d'oublier qu'elle est en train d'exploser. Et en premier lieu le gouvernement Merkel qui vient en guise de programme pour les prochaines élections de rajouter une couche d'austérité en décidant de coupes budgétaires supplémentaires de plus de 6 milliards d'euros. Pour être réélue, la Chancelière veut caresser ses troupes dans le sens du poil, ses électeurs sont des pré-retraités en puissance et il ne faut surtout pas leur parler d'augmenter les impôts. Les grands économes que sont les champions des exportations ne sont pas partageurs, ils élieront celui ou celle qui les conforteront dans cet état d'esprit.
Sauf que l'Allemagne est une maison de retraite en puissance, sauf que les parents des épargnants n'ont plus les moyens de se les payer, les maisons de retraite, sauf que l'Etat se fout pas mal de trouver une solution pour la fin de vie de ses vieux. Car les vieux ne produisent plus, ils ne consomment plus, ils ont plein de maladies, ils coutent de plus en plus cher, ce qui augmente les cotisations, les charges et les retraites et donc le prix des produits made in Germany.
Le Sozialverband Deutschland, un organisme consultatif socio-politique estime qu'un nombre en forte progression d'Allemands sont désormais incapables de subvenir à leurs dépenses de santé ou de maisons de retraite. Le bureau fédéral des statistiques estime à environ 400 000 le nombre de personnes exclues de toutes maisons de soins par manque de moyens. Ce chiffre est en augmentation de plus de 5% par an. Le phénomène est aussi expliqué par le coût de l' assistance à domicile à environ 2500 à 3000 € par mois. En conséquence, les Assurances publiques ou Krankenkassen qui composent le système de sécurité sociale en Allemagne discutent ouvertement de la possibilité de subventionner des maisons de soins à l'étranger selon un modèle de financement durable.
Ainsi l'Allemagne aurait décidé, après ses machines-outils, ses voitures de luxe, ses magasins de gros, ses touristes, d'exporter ses anciens.
Un article du Guardian nous révèle en ce début d'année comment la première économie d'Europe se débrouille pour éviter de supporter le fardeau de la fin de vie de ses concitoyens. Comme les maisons de retraite sont devenues hors de prix pour la multitude, le pays s'est convaincu d'expédier ses vieux en Europe de l'est ou en Asie. Les organisations d'assistance à la personne allemandes ont défini ce grand mouvement de fond comme étant une déportation inhumaine.
Voilà la bombe à retardement allemande, des coûts sociaux dus au vieillissement de la population en constante augmentation, des salaires de plus en plus bas qui permettent d'exporter mais qui ne dégagent pas suffisemment de cotisations pour permettre de pallier l'accroisssement indispensable des budgets sociaux.
La crise des soins aux malades chroniques a été masquée durant des années par l'afflux d'immigrés en provenance des pays de l'Est, qui ont assumé avec leurs bas salaires une grande partie de la charge de l'assistance à la fin de vie. Mais cette manne de main-d'oeuvre à bas coût ne suffit plus, car les compteurs s'affolent. C'est la raison pour laquelle l'exportation des vieux est vue comme un moyen désespéré de sauver le moteur de l'usine à exportation allemande. L'Allemagne n'a plus fait d'enfants durant deux générations et maintenant elle n'a plus de jeunes pour payer ses retraités. Moins de crèches, moins d'écoles, plus de bureaux d'études et d'usines, moins de maisons de retraites, plus de banques, cela marche un moment, mais cela a une fin.
Pas de dépenses pour financer ses enfants, pas de dépenses pour s'occuper de ses vieux, la machine à produire allemande a bénéficié d' un super avantage de compétitivité, maintenant le mécanisme parfait est parvenu à son terme d'utilisation.
D'où cette vague d'expulsion qui ne dit pas son nom.
8 000 Allemands vivent en maison de retraite en Hongrie, plus de 3000 en République Tchèque, environ 600 en Slovaquie. Il sont en Espagne, en Grèce, en Ukraine. Ils vont aux Philippines, en Thaïlande. Cela n'est qu'un début. Le Guardian a évoqué le cas de certains qui disaient être là par choix, à cause des prix plus bas et des soins jugés comme meilleurs. Les coûts sont en moyenne la moitié de ceux qui existent en Allemagne à équivalence de qualité de soins. Le journal a également trouvé dans ces divers pays de nombreux opérateurs privés qui considèrent les soins d'assistance aux anciens allemands comme étant un marché juteux et d'avenir.
Aujourd'hui la législation européenne interdit à une caisse à publique de soins de financer ou de signer des contrats avec des structures à l'étranger mais une modification de cette législation parait inévitable vu la configuration des courbes des ages d'une majorité de pays de la Communauté et en premier lieu de l'Allemagne.
En définitive, ce que ne veulent pas entendre nos économistes libéraux à la mords moi le noeud, en boucle sur nos médias, c'est que l'humain n'est pas qu'un produit d'exportation, ou une industrie qu'il faudrait délocaliser, que si les coûts sociaux européens ne sont pas ceux de la majorité des pays émergents, cela ne constitue pourtant pas un handicap ou une tare à éliminer mais plutôt un bien précieux à préserver, coute que coute, quoi qu'en pensent les exilés fiscaux.
69 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON