Quand la mort de Ben Laden justifie Guantanamo et sert la géopolitique américaine
Le leader d’Al Quaida décédé ; doit, maintenant, se poser la question des origines et arrière-pensées à l’œuvre derrière cet évènement. Le discours officiel, plus particulièrement, nous montre que derrière la mort du leader d’Al Quaida se sont jouées deux choses. Tout d’abord l’esquisse d’une Afghanistan sans les américains. Mais surtout la justification, a posteriori, de Guantanamo et des lâchetés d’Obama sur la question.

Une fausse révélation circule au sujet de l’arrestation d’Oussama Ben Laden : l’identification de l’un de ses porteurs de courrier se serait faite grâce aux informations récoltées auprès de Khaled cheikh Mohammed (KCM pour les initiés). L’homme, ancien chef militaire du « Département des opérations extérieures » d’Al Qaida, a été arrêté en 2003. Passé 183 fois à la torture de la noyade (waterboarding), « Al Mokt » (« le cerveau » comme le surnommait Ben Laden) aurait fini, au cours de l’un de ses interrogatoires par livrer quelques noms.
Une explication très pratique pour la géopolitique américaine
Explication toute faite et bien pratique servie par la Maison Blanche pour expliquer l’origine de la fuite ayant amené la CIA à Abbottābād. Mais, surtout, explication aux étonnantes vertus diplomatiques pour l’administration Obama. Tout d’abord, et en premier lieu, vis-à-vis du supposé allié Pakistanais. Informés par l’une de leurs sources, les américains se verraient ainsi en droit d’intervenir dans un pays tiers sans informer les autorités souveraines du pays en question.
De même si l’information vient uniquement du travail de renseignements américain impossible d’accréditer l’idée d’une fuite venant de l’intérieur même de l’ISI (services secrets pakistanais). Et ce dans l’hypothèse d’un intérêt pakistanais à se débarrasser du boulet Ben Laden. Entre autre s’il s’agit, derrière la mort de ce dernier, de découpler le problème afghan du problème Al Quaida, comme le souhaite le Pakistan.
Ainsi les révélations de KCM auraient, miraculeusement, le double mérite d’expliquer la survenue soudaine d’une arrestation, ayant maintes fois échouée à se faire, tout en préservant l’égo de l’allié pakistanais de plus en plus sur la sellette. Islamabad, toujours utile à Washington présentant, certainement plus de risques si elle se pensait humilier.
Et encore préférons nous en rester à ce qui semble s’être passé, plutôt que d’avoir à imaginer tout ce que l’arrestation de Ben Laden recouvre comme manœuvres géopolitiques. Car il semble évident que derrière le sort de l’ancien numéro un d’Al Quaida s’est monnayé l’avenir de la région. Tout d’abord au Pakistan lui même, dont l’équilibre interne est de plus en plus menacé par la mouvance talibane (mais pakistanaise celle la). Car l’intervention récente de l’armée pakistanaise dans la vallée du Swat l’illustre, Islamabad est en train de train de voir se retourner contre lui le monstre qu’il avait créé il y a presque 15 ans pour garder le contrôle sur l’Afghanistan. Et l’éventuel renfort ou soutient américain sur la question pourrait avoir couté la tête de Ben Laden.
De même des arrière-pensées plus lointaines concernant l’avenir de la région pourraient avoir été à l’œuvre. Là Le deal aurait été simple pour les Etats-Unis : c’était Ben Laden contre un Afghanistan post présence américaine un peu plus à la main des intérêts pakistanais. Preuve d’une Amérique s’activant à tourner le dos à l’Afghanistan en tachant de ne pas reproduire les erreurs faites après la chute de Saigon.
Car pour les américains se jouent, au moins depuis l’arrivée du général Petraeus en Afghanistan, le scénario d’une sortie de crise sans défaite officielle ni chaos politique venant en conséquence de leur retrait d’Afghanistan.
Une explication venant à la rescousse des lâchetés d’Obama sur le dossier de Guantanamo
Mais l’illusion KCM n’a pas pour unique gain que ce sauve-qui-peut honorable du bourbier afghan. Elle sert, certainement, un autre dessein tout aussi sourd. Et là encore il est question de prestige et de grandeur nationale pour les Etats-Unis : tacher, a posteriori, de justifier la faute morale que pu être, aux yeux du monde, le camp de Guantanamo. Pour un pays soucieux de soft power dans ses logiques de dominations, le gain peut être réel. Car KCM qui parle c’est toute cette justice d’exception qui, brusquement, se trouve fondée en se montrant apte à créer des résultats.
Qu’une seule information de cette importance puisse sortir de ce camp et voilà qu’on se met à oublier qu’il fut un fiasco réel dans la guerre contre le terrorisme.
Et de fait qu’on en juge : grâce aux documents publiés par Wikileaks on sait que sur les 779 personnes passées dans le camp depuis 2002, 150 étaient innocentes (soit plus de 19% des détenus ! un sur cinq quoi). De même que faut-il penser des 200 « irrécupérables » de la cause terroristes étant passés par ce camps et « extradés » vers des pays tiers. Avec en prime de belles gaffes passées sous silence. Comme celle Said al-Shihri, passé en internement, puis relâché par la justice militaire, avant de devenir le numéro deux d’Al Quaida au Yémen.
Ce dernier illustrant un autre problème de Guantanamo : le constant débat visant à savoir si ces détenus doivent passer devant une juridiction civile ou devant une juridiction militaire.
En coulisse se dresse une autre figure de cet imbroglio : Barack Obama lui même. Car de peur d’avoir à affronter le Congrès sur une question bien souvent sujette aux pires mensonges de la part des républicains, le président américain laisse faire le Congrès. Et eu égard aux restrictions monstrueuses que ce dernier a défini pour qu’un détenu passe devant une juridiction civile il est évident que son choix va à la justice militaire.
Qu’Obama se montre ambivalent et duplice sur la question montre un autre problème : sa promesse, jusque là inaccomplie, de faire définitivement fermer le camp. Le décret qu’il signa, en ce sens, le 22 janvier 2009 prévoyait une fermeture sous une échéance de un an. Plus de deux ans après l’intention reste lettre morte. Aujourd’hui 172 détenus croupissent encore à « Gitmo », comme on surnomme, amicalement, l’endroit.
Mais pas grave, puisque grâce à Guantanamo Ben Laden est mort. Et après on s’étonnera que d’anciens membres de l’administration Bush ne se soient pas associés aux rares réserves venant du camp républicain suite à la mort du chef d’Al Quaida.
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