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Accueil du site > Actualités > International > Que se passe-t-il en Bolivie ?

Que se passe-t-il en Bolivie ?

De quel pays est donc ce Président auquel les autorités françaises ont dû présenter des excuses pour l'interdiction de survol du territoire par son avion présidentiel ?

Les peuples des différents pays du continent latino-américain cherchent à sortir du néolibéralisme, de la privatisation, de la concentration des richesses, du libre marché à outrance. C’est commun à l’Argentine, au Brésil, à l’Équateur, à l’Uruguay, à sa façon.

La différence qu'assume la Bolivie, c'est qu'elle veut faire de l'après néolibéralisme une étape vers l'après capitalisme. Alors que d’autres voient dans seulement dans l'après néolibéralisme comme un capitalisme plus social.

La composante révolutionnaire la plus importante de ce qui se déroule en Bolivie, c'est la décolonisation de l'État.

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Álvaro García Linera et Evo Morales
http://www.humanite.fr/node/546612

Cela signifie que les nations et les identités culturelles indigènes qui ont toujours été marginalisées dans les structures de pouvoir, assurent aujourd’hui la conduite de l’organisation politique, culturelle et, progressivement, de l’organisation économique du pays, en lien avec d’autres secteurs non indigènes de la société.

Et que le processus est engagé de transformation du système de l’enseignement, du système de valeurs rompant avec la logique de la couleur de peau comme capital  : la couleur blanche, plus puissante, et la couleur plus sombre, plus dévaluée et opprimée. Cette logique de la race comme capital, qui est le propre des sociétés coloniales, est en train d’être démolie en Bolivie.

L'État de Bolivie est un État «  plurinational  » parce qu'il associe la présence – dans la structure étatique, dans son système politique, dans sa conception de l'histoire, dans la distribution des ressources – des différentes nations indigènes qui composent la société bolivienne. C’est la marque d’une vigueur et d’une mise en responsabilité politique des identités nationales indigènes à l’intérieur de l’État.

Par exemple, la forme d’élection des membres du Parlement. Une partie est élue au scrutin individuel, à bulletin secret. Une autre est élue par des assemblées (communautés ou syndicats).

Avec pour corollaire : la prise de décision. Les syndicats et les structures communautaires sont consultés directement par le gouvernement pour définir les stratégies d’investissements publics et de distribution des terres : il y a dix ans, un décret sur la terre a été écrit, en consultation avec le FMI et la Banque mondiale. Aujourd’hui, on les écrit avec les organisations sociales.

La deuxième composante de la transformation du pays,via la nationalisation et l’étatisation, l’extension des biens communs de la société, de la richesse commune.

Les secteurs stratégiques sont passés du privé au contrôle de l’État. Il s'agit d'un point de passage de la propriété de l’État à la propriété sociale. Car la propriété de l’État ne représente pas une propriété sociale. C’est un type de monopole qui permet, à l’étape actuelle, de redistribuer la richesse, d’améliorer les conditions de vie des plus humbles. Mais ce n’est qu’une étape.

La troisième composante de la révolution, c'est la volonté politique de construire une société communautaire,

pas seulement dans le champ politique, mais également dans la gestion de l’économie. Il s'agit d'associer les composantes pré-capitalistes de la production aux composantes d'accumulation capitaliste et étatique de redistribution des richesses (ce qui demeure capitaliste) et les composantes d'avant-garde encore dispersées d’une logique du travail agraire qui est en connexion avec la nature.

Cette révolution rencontre des contradictions qu'il s'agit de reconnaître afin de mieux trouver leurs solutions.

Par exemple la nécessité de l'accumulation rencontre sur son chemin celle de la redistribution de la richesse pour mieux satisfaire les besoins. Valeur d'échange opposée à la valeur d'usage, donc. À terme, la valeur d'usage doit s'imposer. C’est une contradiction qui traverse l’État, la gestion de l’économie, les communautés, les usines.

Autre confrontation entre la lutte sociale pour l’extension des biens communs et la lutte sociale pour l’appropriation individuelle ou corporatiste de ces mêmes biens communs.

Au moment des mobilisations sociales – dans les années 2000 –, les paysans, les Indigènes, des plaines comme des plateaux, les ouvriers, ont brandi le drapeau universaliste de l’appropriation des biens collectifs  : nationalisation du gaz et du pétrole, de l’électricité, récupération de l’eau. Aujourd'hui c'est le retour des corporatismes. Les paysans indigènes des plaines (2%de la population), les instituteurs, les mineurs de Huanuni qui travaillent pour une entreprise détenue par l’État, chacun demande que les surplus budgétaires servent à la satisfaction de leurs revendications propres, au lieu de porter des revendications universelles.

.Faut-il sanctuariser la Madre Tierra dans une logique de préservation , ou utilisera-t-on ses ressources (gaz, pétrole) pour permettre de construire des écoles, rendre l’eau potable, amener l’électricité, développer la situation sanitaire  ? Une communauté indigène dit  : il faut extraire le gaz parce que nous voulons des écoles et des hôpitaux. Une autre répond  : non, car il ne faut pas toucher à la Madre Tierra. C’est une contradiction permanente.

Ce tissus de difficultés, mais aussi d'avancées ne suffit pas à faire oublier que d'une manière plus générale le capitalisme mondialisé et globalisé génère des forces productives chaque fois plus socialisées.

Pour conclure, laissons la parole à Álvaro Garcia Linera, vice-président bolivien.

La science n’est pas une force productive d’un groupe de quelques professeurs qui dans leurs laboratoires découvrent des choses. La science est de plus en plus une production de milliers de scientifiques, anciens et contemporains, qui a été appropriée de manière privée mais qui, dans son contenu, est produite socialement.

C'est la même chose pour la production : ce téléphone portable, il est le fruit du travail de 3 000 scientifiques qui travaillent pour Apple. Le plastique a été produit en Thaïlande. Les puces au Mexique. Et l’ensemble a été assemblé en Chine. D’où est ce téléphone portable  ? De la planète. Mais dans le même temps, il est la propriété privée d’une société nord-américaine qui en fait des profits. Ce qui n’empêche pas que la production est à chaque fois plus socialisée. C’est un horizon  : il y a un potentiel de production socialisée.

La nature maintenant : Le capitalisme développe, à chaque étape, les forces productives qui détruisent la nature, qui est un bien commun. La nature ne supporte pas la propriété. La nature est un produit total de la planète et de l’univers qui se trouve, actuellement, être graduellement détruite par cette forme d’appropriation individuelle. Pourtant, il y a un autre potentiel qui veut s’exprimer dans un autre type de société. Donc, il y a une base matérielle croissante, une tendance matérielle organisée et subjective d’une société gérée en commun, produite en commun, à une grande échelle. C’est le communisme.

C’est la contradiction fondamentale du capitalisme que de générer une possibilité de société future qui n’est pas le capitalisme. C’est la possibilité de l’horizon communiste qui pourra sauver l’humanité du désastre écologique, sauver les communautés paysannes de leur destruction, libérer la connaissance scientifique de la prison de l’appropriation individuelle. Ce n’est pas de la poésie, du lyrisme. C’est de la matière, une force organisée et même une nécessité historique naturelle. Voilà pourquoi je pense que l’horizon général de l’époque est communiste.

Source : http://www.humanite.fr/node/546612

 


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14 réactions à cet article    


  • alinea Alinea 31 juillet 2013 16:02

    Merci Dwaabala pour cette mise au point ; clarifier les choses est précieux.
    Il n’y a que par le blog de Mélenchon ( ici l’Humanité) que l’on peut apprendre de l’Amérique du sud !!
    Peut-être pas « que » pour tout le monde, mais en tout cas pour moi !
    Ainsi, je vous conseille son blog de l’été !!


    • Dwaabala Dwaabala 31 juillet 2013 17:05

      L’interview de Álvaro García Linera dont ce billet est plus qu’inspiré est à proprement parler extraordinaire.
      Elle informe sur ce qui se passe en Bolivie d’une part. C’est son objet particulier.
      Ce faisant elle porte en filigrane la théorie du communisme à laquelle bien peu de monde cherche à comprendre quelque chose, et se termine sur un bouquet de feu d’artifice : l’universalité du processus historique mondial qui est à l’œuvre sous nos yeux et dont nous sommes les acteurs, pour la plupart inconscients.
      Il faut vraiment qu’une vraie révolution soit en marche en Amérique latine pour que des propos inouïs d’une telle généralité concrète puissent être tenus par leurs dirigeants.


    • kingfausto kingfausto 31 juillet 2013 18:58

      Comment qu’ouije ? Ce ne sont pas les merveilleux Soral ou Dieudonné qui sont en amérique du sud pour participer au forum de la révolution citoyenne ? Ce ne sont pas ces divins oracles de l’UPR qui ont rencontré Evo Morales pour lui expliquer que la France, ce n’est pas son gouvernement atlantiste et que nous sommes nombreux à avoir crié au scandale face à son interdiction de survol du territoire ?

      Nooon ! C’est cette crevure de franc maçon immigrationniste bolchévique de Mélenchon ???

      Gageons que ça leur crevera le coeur de l’admettre mais qu’ils auront certainement un paquet d’arguments vaseux pour expliquer ça !


    • taktak 31 juillet 2013 18:33

      Merci Dwaabala de cet article intéressant.

      Qui souligne avec justesse que le capitalisme est un exterminisme.
      Marx soulignait déjà avec justesse, que si le capitalisme n’était pas dépassé par le communisme, on se dirigeait vers « un effroi sans fin »...

      j’en profite pour signaler un texte intéressant du philosophe marxiste G Gastaud qui dénonçait déjà dans les années 1980 l’exterminisme capitaliste notamment dans la confrontation avec le bloc de l’est, à une époque ou les philosophes de l’idéologie dominante tel D Glucksmam assume un plutot mort que rouge total, assumant que la défense des intérets de la classe capitaliste vaut bien la destruction totale de l’humanité dans le feu nucléaire.

      Comprenez que je préfère succomber avec un enfant que j’aime dans unéchange de Pershing et de SS20 plutôt que de l’imaginer entraîné vers quelque Sibérie

      Ecologie et communisme, G Gastaud 2007.

      • Jean-François Dedieu Jean-François Dedieu 31 juillet 2013 20:07

        Aïe, aïe, aïe le communisme ! Et la fiche de l’auteur commençant par « Je suis communiste... » ! Et on ne devrait la saine réaction contre les Yankees en Am Sud qu’aux communistes ?
        Il ne faut pas s’étonner si les progressistes de tous bords se braquent à juste titre contre cette « appellation d’origine » qui n’a jamais pu aboutir. Taktak dit « un effroi sans fin » à propos du capitalisme mais on peut dire que le communisme fut « un effroi avec fin ». Alors, que sur le fond, leurs tenants portent un propos digne, cette revendication ne peut qu’éloigner et refroidir les alliés. Toutes proportions gardées, je pense à la haine mortelle entre communistes et anarchistes lors de la Guerre d’Espagne.
        Maintenant, plutôt que de tabler sur la mémoire courte pour nous faire avaler des actes passés qui ne passent pas, il faut effacer ce nom de parti trop connoté même assorti de « renouveau ». Pour des lendemains qui chantent, du passé faisons table rase...  


        • Xenozoid 31 juillet 2013 20:59

          tres bien, on effacera tous les fraudeurs


          • JP94 31 juillet 2013 22:04

            Ce qui se passe en Bolivie est doublement intéressant .

            Dans un premier temps , la guérilla qui luttait contre les multinationales étrangères et le pouvoir politique à leur solde était coupée des Indiens ( Aymaras ,quechuas ...) .
            Les pouvoirs progressistes en place aussi .

            Le processus actuel est le fruit sans doute d’une critique des échecs passés ( y compris en raison de coups d’état de droite ) et de réflexions sur l’invention d’un nouveau socialisme , spécifique dans pas mal d’aspects , mais se référant au communisme pour sa visée .

            C’est donc quelque chose de neuf .

            Et cet aspect peut aussi nous éclairer sur la réussite dans nos pays d’une alternative politique aux sociétés néolibérales mises en place sous l’égide des instances de l’UE .

            Pour le moment , guère d’écho . Le social-libéralisme veut briser dans l’oeuf tout velléité de changement , Mais l’ultralibéralisme n’est pas allé au bout de ses effets dévastateurs : même si on en voit déjà les prémices en Grèce , en Espagne , au Portugal .. mais pas seulement .

            Alors c’est peut-être en cela que l’exemple bolivien est intéressant : c’est un projet très pensé et fondé sur le pouvoir donné à la population mais avec un état aux côtés de cette population - à l’inverse de notre pays où Hollance est clairement du côté du MEDEF et des Mulinationales ..( L’aspect plurinational est propre à l’histoire de la Bolivie , mais pas les autres aspects . ) 
            Il faut penser un nouveau projet de société , par étapes , où l’Etat change de camp , un projet concret ancré dans le présent ...


            • Dwaabala Dwaabala 1er août 2013 01:29

              Linares a participé à la guérilla ce qui lui a valu 5ans d’emprisonnement. Effectivement il a sans doute réfléchi.


            • Jean-François Dedieu Jean-François Dedieu 1er août 2013 09:13

              Merci pour cette analyse plus que pertinente.


            • Hervé Hum Hervé Hum 31 juillet 2013 22:27

              Excellent compte rendu Dwabaala.

              J’étais allée de Cochabamba à Sucre avec des Boliviens communistes pour voir le jour de la constituante en 2006.

              Je me souviendrais toujours de la fierté de ces peuples indigènes défilant dans les rues dans leurs costumes traditionnels au son de leur musique.

              Et je partage pleinement ce que vous rapportez du discours de Linares.

              La mondialisation est le premier agent du communisme, mais il ne le sait pas !

              L’ironie, c’est que la plupart des communistes eux même ne le savent pas.

              On peut ajouter aussi ceci :

              Le moteur du progrès et de la science n’est pas la concurrence, mais les défis qu’une société se propose de relever et d’atteindre.

              Les plus grands génies scientifiques de l’histoire étaient et sont motivés par le principe de l’émulation, non de la concurrence.

              Au sein d’une même société, la concurrence est un frein, l’émulation un moteur.

              l’émulation se nourrit de la diversité des cultures et des différences entre les personnes, la concurrence de leur destruction.

              La concurrence oppose les personnes pour remporter un défi au profit d’un chef, l’émulation propose les personnes pour remporter un défit au profit de tous.

              La concurrence a pour principe l’exclusion de l’autre, l’émulation son adhésion.

              On peut continuer ainsi....


              • Hervé Hum Hervé Hum 31 juillet 2013 22:31

                J’oubliais, à vous lire Dwabaala, ce que vous décrivez, c’est la transparence de la décision politique, autrement dit, d’une vrai démocratie.


                • Bonom 1er août 2013 00:25

                  La même chose se passe dans une future ex-colonie française... Nouvelle-Calédonie, Province-Nord.

                  Président provincial Kanak, issu du peuple premier, insufflant sur l’ensemble des décisions une philosophie économique, environnementale et sociale comme jamais auparavant. Normal, il est sur la terre de ses ancêtres et sait de quoi est fait le monde, il l’a subit...

                  Petit exemple concernant l’industrie minière en Nouvelle-Calédonie :

                  Province-sud : les dirigeants acceptent l’installation d’une usine chimique poubelle dans un site classé au patrimoine de l’UNESCO... pour 5% (de la merde pour mes enfants et un os à ronger pour mon Pays).
                  Province-nord : l’usine nous appartient à 51% et dont le procédé innovant est de loin le plus propre existant de nos jours. Depuis, la courbe générale du nord grimpe de façon exponentiel. Santé, éducation, l’infrastructure fleurie là où la colonisation n’a pas voulu développer... et ça marche aussi pour tout le reste.

                  Vous pouvez le faire en France... ce que le marché atlantique vous interdira pour toujours. Une Autochtone de chez vous n’arrête pas de le dire. Va y Marine ouvre leur leurs yeux !! (économiquement parlant bien évidement).
                  Finalement c’est simple comme deux sous et logique comme Milou est le toutou de Tintin.

                  Et un jour, le combat des peuples premiers deviendra celui du genre humain... celui des 99%.


                  • Den 1er août 2013 11:14

                    @Hervé,

                    Pour ce qui est de la vrai démocratie, il faudra repasser quant on voit comment ont été manipulés les chiffres du recensement 2012 :

                    http://www.eldeber.com.bo/datos-oficiales-del-censo-santa-cruz-queda-en-segundo-lugar/130731082700

                    => Santa Cruz reléguée à la seconde place derrière La Paz alors qu’annoncé à la 1ère en Janvier. Ceci n’a rien d’anodins, car la redistribution des ressources aux Provinces est allouée en fonction de la population.

                     


                    • Hervé Hum Hervé Hum 1er août 2013 14:27

                      Salut Den,

                      j’écris que la vrai démocratie se fonde sur la transparence de la décision politique et c’est ce que l’auteur laisse entendre sur la Bolivie.

                      Vous, vous affirmez le contraire, toutefois, je ne vous rien dans les articles que vous avez mis en lien qui prouve que le gouvernement d’Evo Morales fasse preuve d’opacité ou de manipulation des chiffres. Sinon, il faut commencer par se poser la question pourquoi le président à commencé par donner des chiffres avec Santa Cruz la plus peuplé pour ensuite donner des chiffres contraires.

                      Si le gouvernement avait eut la volonté de tronquer les chiffres le mieux aurait été de commencer par dire que la Paz restait la plus peuplé et d’éviter d’allumer un incendie.

                      Dans un article un maire dit que soit il s’agit d’une mauvaise projection faites en janvier, soit que le recensement à été mal fait.

                      Maintenant, si vous avez un parti pris, la transparence n’est pas pour vous !

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